Bravant les circonstances, la 3e édition du Festival international du film de Beyrouth pour la femme se déroule du 8 au 13 mars, avec une cérémonie d’ouverture le dimanche 8 mars, à 19h, au Casino du Liban, en collaboration avec l’ambassade de Suisse qui présente le documentaire Delphine et Carole, insoumuses de la réalisatrice Callisto McNulty. Un hommage à l’actrice libanaise Takla Chamoun est également prévu lors de cette soirée tandis que le film Morine interprété et produit par la comédienne sera projeté le lendemain à 19 heures. Le festival, qui a nécessité trois mois de gestation et de travail, est mené par son directeur Sam Lahoud – fondateur, entre autres, de la Beirut Film Society – et met à l’honneur la femme « qui brille dans tous les domaines, mais reste néanmoins en marge de certaines sociétés orientales machistes ». En présentant son programme, Lahoud a également insisté sur l’importance des activités culturelles et artistiques qui doivent se poursuivre malgré tout, « créant ainsi l’espoir et non le désespoir dans le pays. »
Cette muse insoumise
Qui d’autre que Delphine Seyrig (1932-1990) pouvait incarner le visage de la femme contemporaine, rebelle et insoumise ? Choisie comme muse de cette édition du festival, femme à la fois romantique et féministe, au timbre de voix éraillé et doux, inspiratrice pour certains metteurs en scène comme Alain Resnais et François Truffaut et militante dans la vie, Seyrig aura marqué son époque. Née à Beyrouth d’un père archéologue, Henri Seyrig, directeur des Antiquités au Liban, et d’une mère descendante directe de Ferdinand de Saussure, elle passe son enfance dans plusieurs pays dont le Liban où elle est scolarisée au Collège protestant français. Lorsqu’elle essaye d’intégrer le Théâtre national populaire (TNP) après des cours d’art dramatique en France, sa voix – que l’acteur franco-britannique Michael Lonsdale comparera au « son d’un violoncelle » – est jugée trop particulière. Entre théâtre et cinéma, Seyrig aura joué ou tourné avec les grands. C’est Alain Resnais qui lui confie un rôle qui fera sa notoriété dans son film L’année dernière à Marienbad, sorti en 1961. Le succès est désormais au rendez-vous : lorsqu’elle incarne madame Tabard dans Baisers volés (Truffaut), où elle est à la fois romantique et inaccessible, mais aussi réaliste et maîtresse de son destin ; dans la peau d’Hélène Aughain dans Muriel ou le temps d’un retour (Resnais) ou encore lorsqu’elle se transforme en Fée des lilas dans Peau d’Âne de Jacques Demy. Et comme dit Jean-Pierre Léaud dans Baisers Volés : « Madame Tabard (alias Delphine Seyrig) est une apparition. » Émile Chahine, enseignant et fondateur du cinéclub à la Notre Dame University (NDU), présentera, à la cérémonie d’ouverture, l’actrice et son parcours, ainsi que le documentaire Delphine et Carole, insoumuses. Le film est issu d’un projet entamé par Carole Roussopoulos (deuxième vidéaste en France à s’emparer de la vidéo comme outil de production cinématographique, après Jean-Luc Godard) pour rendre hommage à son amie disparue Delphine Seyrig. Le documentaire retrace donc cette collaboration en croisant images vidéo tournées par les deux réalisatrices, entretiens de Carole, images d’archives de Delphine et images de films réalisés par d’autres dans lesquels Delphine est actrice. À travers ce montage d’images, c’est une complicité joyeuse et un engagement militant radical qui transparaissent, mais aussi une époque de l’après-Mai 68 en France.
Le programme du festival comprend près de 125 courts et moyens-métrages de réalisatrices de plusieurs pays dont les États-Unis, la Roumanie, l’Allemagne, la Jordanie, le Canada, la Bulgarie, Chypre, la Suisse, la Turquie, l’Inde, la Croatie, etc. Les projections se poursuivent dans les salles de Grand Cinemas ABC Dbayeh où Le Charme discret de la bourgeoisie de Luis Bunuel, interprété notamment par Delphine Seyrig, sera encore une fois présenté par Émile Chahine le lundi 9 mars à 19h30. À signaler également la projection de la quatrième saison de la web-série Zyara le mardi 10 mars à 19h30. Un programme diversifié, tant cinématographique que touristique, enchantera les spectateurs ainsi que les réalisatrices venues des quatre coins du monde pour présenter leurs œuvres.
*Après une cérémonie d’ouverture au Casino du Liban, les projections se déroulent dans les salles de Grand Cinemas ABC Dbayeh.Programme à consulter sur le site https://beirutwomenfilmfestival.com/
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