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État des lieux

Renversants certes, car totalement inattendus. Mais aussi atterrants de désenchantement. Glaçants de fatalisme, à la perspective du Golgotha imposé au pays et qu’il faut quand même parcourir jusqu’au bout. Et pourtant, on ne sait trop comment interpréter au plus juste les fracassants propos tenus lundi par le Premier ministre, alors qu’il recevait une délégation de consuls honoraires.


Davantage encore qu’un constat d’impuissance, c’est la faillite, sinon l’oraison funèbre, de l’État, qu’a pratiquement prononcée, devant ses visiteurs ébahis, l’homme qui en est pourtant l’un des serviteurs les plus haut gradés. Lequel État, déplorait-il, n’est plus en mesure de protéger les citoyens et de leur assurer une existence décente, accablé qu’il est par les chaînes du sectarisme et de la corruption, comme par le manque de vision dont souffrent les institutions. Difficile de le contredire, n’est-ce pas, même si tant de brutale franchise ne pouvait que susciter la colère de manifestants et une avalanche d’appels à la démission sur les réseaux sociaux. Encore plus difficile de croire, comme l’expliquait par la suite la classique mise au point, que son discours avait été sciemment déformé par les organisateurs d’une méchante cabale.


En somme, ce qu’a voulu signifier Hassane Diab aux Libanais, c’est qu’en dépit du sombre tableau il ne désarme pas et demeure fidèle à ses engagements et responsabilités. En revanche, c’est le peuple qu’il a entrepris de mettre en condition, à l’approche de sacrifices aussi inévitables que douloureux : toutes les autres options s’avérant, selon lui, bien plus chargées de périls. Ces autres et épouvantables options, Diab s’est bien gardé de les évoquer, laissant à la sagacité populaire le soin de les deviner. Tant qu’à imaginer cependant (et peut-être même à rêver) on se prend à se demander si le masque d’impassibilité, agrémenté d’une indélébile ébauche de sourire, que porte le personnage, ne vient pas de craquer. Si le peuple est bien le seul et unique destinataire de son singulier et énigmatique message. Si son pathétique cri du cœur n’était pas aussi une bouteille jetée à la mer par un dirigeant en butte aux abusives exigences et contraintes émanant des mêmes forces politiques qui l’ont porté au pouvoir et parrainent son équipe. Si le Premier ministre garde ou non quelque espoir de faire passer comme une méritoire réforme les vieilles et obscures politiques prônées par le parti présidentiel en matière d’électricité. Si enfin le rejet de toute coopération avec le Fonds monétaire international brandi par un Hezbollah maladivement jaloux de ses finances privées et de son économie parallèle ne condamne pas inexorablement le Liban à sa perte. Si, si, si que d’interrogations sont effectivement de mise !…


Hassane Diab n’a pas trop forcé sur le noir en brossant le portrait d’un État libanais en état de déliquescence avancée. Implacable de lucidité est son diagnostic, même s’il ne fait qu’enfoncer des portes largement ouvertes sur toutes les infamies commises contre le pays et largement dénoncées déjà par la révolution du 17 octobre.

C’est déjà ça ; mais encore, mais le traitement, Docteur ?


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Renversants certes, car totalement inattendus. Mais aussi atterrants de désenchantement. Glaçants de fatalisme, à la perspective du Golgotha imposé au pays et qu’il faut quand même parcourir jusqu’au bout. Et pourtant, on ne sait trop comment interpréter au plus juste les fracassants propos tenus lundi par le Premier ministre, alors qu’il recevait une délégation de consuls...