Le Premier ministre Hassane Diab. Mohammad Azakir/Photo d’archives Reuters
Le Premier ministre Hassane Diab a affirmé hier que le gouvernement, confronté à la plus grave crise économique que traverse le Liban depuis 30 ans, allait prendre une décision « charnière » à l’issue de discussions qui auront lieu dans les prochains jours, alors qu’il doit décider de rembourser ou non les prochaines échéances d’eurobonds, dont une première de 1,2 milliard de dollars est programmée pour le 9 mars. « Les prochains jours seront témoins d’une décision charnière, un tournant qui façonnera l’avenir du Liban », a-t-il déclaré devant le corps consulaire au Grand Sérail, avant d’indiquer que cette décision sera annoncée « vendredi ou samedi au plus tard », et que celle-ci « préservera les droits des petits déposants et la classe moyenne ainsi que l’intérêt du Liban ».
Dans un registre inhabituel pour les décideurs du pays, le Premier ministre a fait preuve d’une rare transparence en brossant un portrait de la triste réalité à laquelle est confronté le pays aujourd’hui : « Malheureusement, l’État se trouve aujourd’hui dans une situation de déchéance et de vulnérabilité qui frôle l’impuissance ; le pays traverse une période extrêmement critique et les Libanais sont inquiets pour leur présent et leur avenir. La peur se propage sur tous les fronts, à commencer par la situation financière et économique, en passant par la réalité sociale et les conditions de vie, jusqu’aux préoccupations urgentes dans le domaine de la santé », a déclaré M. Diab, alors que le Liban a enregistré hier son 13e cas d’infection au nouveau coronavirus. « En toute franchise, compte tenu de la situation dans laquelle il se trouve, l’État n’est plus en mesure de protéger les Libanais et de leur assurer une vie décente. En toute transparence, je dis que cet État a perdu la confiance des Libanais », a-t-il ensuite reconnu.
Lors de son discours, M. Diab a également regretté qu’« à l’heure où nous faisons face à des dilemmes majeurs, les mécanismes de l’État restent pris au piège d’un confessionnalisme pourri, d’une corruption délétère et de nombreux calculs sectaires, le tout sur fond d’un déséquilibre au sein de l’administration et d’une absence de vision au sein des institutions ». Il a néanmoins souligné que le gouvernement reste « déterminé à surmonter ces difficultés, à refaire du Liban un État en bonne et due forme et à régler les problèmes endémiques ».
M. Diab a ensuite fait allusion à la décision que devra prendre le gouvernement sur la question des eurobonds et la nécessité d’engager un processus de restructuration de la dette : « Nous n’avons d’autre choix que d’emprunter ce chemin du calvaire, en dépit des souffrances qui le jonchent, les autres options étant encore beaucoup plus graves. Dans les prochains jours, le débat sera tranché par une décision critique qui sera adoptée par ce gouvernement, une décision sensible et délicate que nous étudions de très près, dans la mesure où elle constituera un tournant majeur pour l’avenir du Liban », a-t-il indiqué.
Les propos de M. Diab ont suscité la colère de Libanais qui, à Jiyé, au sud de Beyrouth, dans la Békaa, au Liban-Nord et même sur la voie express du Ring, ont coupé des routes en soirée. M. Diab a alors tenu à clarifier ses propos, affirmant qu’il n’avait fait que « s’adresser en toute franchise aux gens » et martelant sa détermination à assumer ses responsabilités. Il a, en outre, accusé certaines parties qui pourraient selon lui être malintentionnées d’avoir déformé ses propos.
« Pas question de toucher aux réserves d’or »
Le gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, a pour sa part affirmé à l’issue d’une réunion sur la crise financière au Grand Sérail qu’il n’était « pas question de toucher aux réserves d’or » du pays. Le gouverneur de la BDL a encore souligné qu’il ne lui revenait pas de prendre une décision concernant le remboursement des prochaines échéances d’eurobonds, soulignant que cela relevait des prérogatives du gouvernement, et ce à l’issue de cette réunion ayant rassemblé le Premier ministre Diab, les membres de l’Association des banques du Liban et les ministres des Finances, Ghazi Wazni, de l’Industrie, Imad Hobballah, de l’Économie, Raoul Nehmé, et des Travaux publics, Michel Najjar.
Jeudi, une source gouvernementale avait laissé entendre que le gouvernement avait demandé de repousser l’échéance du 9 mars d’une semaine, une information qui a été démentie par une autre source au Grand Sérail un peu plus tard dans la journée.
L’État libanais est censé rembourser un total de 2,7 milliards de dollars entre les échéances de mars, avril et juin. En ajoutant les intérêts sur les autres émissions arrivant à échéance lors des prochaines années, c’est 4,6 milliards que le pays doit payer en 2020, alors que ses réserves en devises n’ont cessé de fondre depuis 2017. L’État a d’ailleurs réglé il y a quelques jours 71 millions de dollars d’intérêts sur des eurobonds arrivant à échéance en 2025 et 2030.
Mr Diab est honnête il n' en peut plus , il y a une fumée de démission
16 h 54, le 04 mars 2020