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Lifestyle - Papilles

Arax Market, les saveurs du Liban à Boston

Bienvenue dans l’antre d’Élisabeth et Hagop Bassmajian, où une visite dans leur épicerie a des goûts de retrouvailles.

Des ingrédients, des produits et des plats aux saveurs du Liban. Photo D.M.

À chaque fois qu’un Libanais a foulé une terre étrangère pour s’y installer, il a commencé par un repérage rapide pour s’assurer que perpétuer ses habitudes était possible. D’abord un petit tour parmi la communauté libanaise, peut-être y trouvera-t-il quelques vieilles connaissances ? Puis s’assurer qu’au sein de cette communauté, il existe un médecin serviable et disponible pour les cas d’urgence. Et enfin, penser au quotidien et aux indispensables nourritures terrestres : comment survivre sans l’incontournable labné, le pain arabe ou les olives vertes ? De la kezbra (coriandre) et de la mouloukhié pour les menus du dimanche, peut-être des manakiche pour le petit déjeuner des enfants, sans oublier les feuilles de vigne farcies, les petits kebbés, le chiche barak et le fameux lait caillé… D’accord, on pourrait peut-être se passer des karabije, ce fameux dessert aux pistaches, mais certainement pas de la mélasse ni des douceurs orientales.

À chaque fois qu’un Libanais s’est installé dans une nouvelle ville, il s’est trouvé des compatriotes, des cousins, des anciens voisins établis depuis longtemps qui l’ont pris par la main pour l’emmener visiter tous ces nouveaux repères en lui disant : « Ne t’en fais pas, ici tu trouveras tout. »

Boston pas plus qu’une autre ville ne déroge à cette règle et chez Arax Market, situé dans la ville de Watertown (Massachusetts), peuplée en grande partie par la communauté arménienne, à 6 km à l’ouest de Boston, on vous souhaite la bienvenue au pays des senteurs bien de nos souks, des légumes et des fruits frais et des produits au goût du terroir.

Exit les concombres surdimensionnés, les courgettes au goût de polystyrène, le lait caillé très peu caillé. Oubliées les tomates façon plastique et les laitues prélavées qui dépriment au fond d’un sac ; les carottes prêtes très vite oubliées dans un tiroir du frigo, parce que sans goût. L’odeur de la menthe fraîche et des bouquets de persil, les arômes de thym mélangés à la roquette, la couleur du sumac en poudre et les bâtons de cannelle vous rappellent qu’avant toute chose vous êtes un enfant du pays. Arax Market est le sanctuaire de l’alimentation où l’on pénètre dans l’antre des saveurs oubliées et retrouvées.

Mais comment tout a commencé pour Élisabeth et Hagop Bassmajian, propriétaires de l’établissement, et leur famille ?


Un malheur et des bonheurs
Liban, 1975. La guerre civile fait des ravages quand la famille d’Élisabeth Sertian décide de liquider tous ses biens pour aller s’installer aux États-Unis. Les enfants précèdent les parents. Élisabeth, son frère, l’épouse de celui-ci et leur fils sont à Boston en repérage lorsqu’ils apprennent que leurs parents ont été cruellement égorgés puis cambriolés dans la région de Dékouané. Suivra un triste retour au pays pour assister aux funérailles. On ne retrouva jamais les coupables.

« Élisabeth et moi, raconte Hagop, avions des amis en commun. Elle était orpheline, j’étais célibataire, on décide de nous marier. Je ne la connaissais que très peu, et comme tout vient avec le temps, nous avons appris à nous aimer. »

Hagop avait gagné un billet de loterie. Un ami lui propose d’investir dans un grand terrain au cœur de la montagne libanaise. Mais sa future épouse, une femme réfléchie et visionnaire, l’en dissuade. À deux, ils décident de garder l’argent pour éventuellement l’investir aux États-Unis. Il emporte sa dulcinée, son petit pactole et s’embarque pour la grande aventure.

En 1977, mécanicien de formation, il perpétue ce qu’il faisait déjà à Beyrouth. « Les affaires allaient bien et nous étions bien installés, confie-t-il. Mon beau-frère avait déjà son petit magasin d’alimentation baptisé Arax Market mais n’arrivait plus à gérer l’affaire. La tragédie de ses parents l’avait anéanti. » C’est à ce moment-là qu’Élisabeth (toujours visionnaire et avisée) encourage son mari à reprendre l’affaire. « Moi, dit-il, j’avais l’intention d’acquérir une station d’essence, mais mon épouse a réussi à m’en dissuader. À cette époque-là, dans les années 80, le froid sévissait et il était très difficile de travailler en plein air. » C’est ainsi qu’il se lance dans la restructuration du petit supermarché. Jeune homme, Hagop avoue avoir été un enfant gâté qui ne savait même pas cuire un œuf. Depuis, soutenu et encouragé par sa femme, il est souvent à la cuisine, située à l’arrière du supermarché, en tablier blanc en train de préparer un plat du jour et tous genres de mets à emporter, avec des employés fidèles depuis des années.


Mon cœur continue de battre pour le Liban
Quand le couple a repris l’affaire en main, c’était une petite échoppe et les plats proposés à la clientèle étaient cuisinés à la maison. « Le hommos, à l’époque, faisait beaucoup d’heureux car il n’existait nulle part ailleurs. La vie nous souriait et le pays nous offrait tellement de facilités que nous n’avons jamais manqué de rien. Il nous arrivait même de dormir les portes des maisons et des voitures ouvertes. Mais, dit-il avec un grand sourire, jusqu’à ce jour, mon cœur appartient au Liban. » Hagop est papa de trois enfants : Harout, Shant et Betty. Ils seront scolarisés chez les religieuses arméniennes. À ce sujet, le couple est intransigeant. Une bonne et solide éducation avant toute chose. Aujourd’hui, Betty est mariée et maman d’un petit garçon, elle cuisine, Harout et Shant soutiennent leur père à la caisse, pour les commandes, la comptabilité, l’accueil d’une clientèle fidèle et variée. Hagop avoue se plier volontiers au désir de tous. Arméniens, juifs, Turcs, Allemands, Iraniens, Libanais ou Syriens, personne ne repart d’Arax Market sans y avoir trouvé son bonheur. Basterma, makanek, soujouk, barazek, moujadara, moudardara, loukoum, halawé et tous les ingrédients pour concocter un bon plat.

Hagop Bassmajian est convaincu que lorsque l’homme naît, la chance naît avec lui, ou pas. À ses yeux, tout est joué d’avance. Lui n’a fait que répondre à la providence. Plus il avançait, plus elle lui ouvrait des portes et damait son chemin. Et si cette providence avait un prénom ? Elle porterait sans doute celui d’Élisabeth !



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À chaque fois qu’un Libanais a foulé une terre étrangère pour s’y installer, il a commencé par un repérage rapide pour s’assurer que perpétuer ses habitudes était possible. D’abord un petit tour parmi la communauté libanaise, peut-être y trouvera-t-il quelques vieilles connaissances ? Puis s’assurer qu’au sein de cette communauté, il existe un médecin serviable et...

commentaires (1)

""Hagop Bassmajian est convaincu que lorsque l’homme naît, la chance naît avec lui, ou pas. À ses yeux, tout est joué d’avance. Lui n’a fait que répondre à la providence. Plus il avançait, plus elle lui ouvrait des portes et damait son chemin."" Ça pour mantra, et quelle aventure pour Hagop ! La chance lui a souri, rien qu’à proposer des Basterma, makanek, soujouk, barazek, moujadara, moudardara, loukoum, halawé, et autres ingrédients pour les recettes du bonheur. Qu’est-ce qu’on peut lui souhaiter encore, la meilleure santé ...

L'ARCHIPEL LIBANAIS

14 h 47, le 02 mars 2020

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Commentaires (1)

  • ""Hagop Bassmajian est convaincu que lorsque l’homme naît, la chance naît avec lui, ou pas. À ses yeux, tout est joué d’avance. Lui n’a fait que répondre à la providence. Plus il avançait, plus elle lui ouvrait des portes et damait son chemin."" Ça pour mantra, et quelle aventure pour Hagop ! La chance lui a souri, rien qu’à proposer des Basterma, makanek, soujouk, barazek, moujadara, moudardara, loukoum, halawé, et autres ingrédients pour les recettes du bonheur. Qu’est-ce qu’on peut lui souhaiter encore, la meilleure santé ...

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    14 h 47, le 02 mars 2020

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