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Moyen-Orient - Éclairage

La gauche israélienne, une espèce en voie de disparition ?

60 % de la population se définit aujourd’hui comme de droite.


Les affiches de campagne des deux favoris aux législatives israéliennes, Benjamin Netanyahu et Benny Gantz hier à Bnei Brak. Jack Guez/AFP

Où est passée la gauche israélienne ? Celle qui régnait jadis en maître sur la scène politique du pays ne compte plus qu’une poignée de sièges au Parlement et mène, en vue des législatives du 2 mars, une campagne pour sa survie. En 1969, le Parti travailliste (Avoda) de Golda Meir, allié à d’autres formations de gauche, parvient à obtenir 56 sièges des 120 du Parlement, un score depuis inégalé. Et cet « âge d’or », la majorité des 250 participants à un meeting de campagne de la gauche, dans un gymnase de Haïfa, la grande ville du Nord israélien, l’ont connu.

Tempes grisonnantes ou blanchâtres, ils applaudissent timidement les discours qui s’enchaînent à la tribune du président d’Avoda mais aussi des représentants des formations Meretz (gauche laïque) et Gesher (centriste) qui se sont regroupés pour l’élection de lundi afin d’éviter une nouvelle déconfiture.

Aux législatives de septembre, Avoda et Gesher ont remporté ensemble six sièges. Se présentant séparément, Meretz en a obtenu trois. Pour Ilan Gilon, député du Meretz, la nouvelle alliance tripartite peut permettre la « résurrection » nécessaire à la gauche. « J’espère que nous allons obtenir 15 sièges et que nous continuerons à croître, pour revenir au centre de la politique », confie-t-il. À 72 ans, Alex Yaniv aime se rappeler du temps où Israël était un « État socialiste ». Mais aujourd’hui, selon cet adhérent du Parti travailliste, le message de la gauche est inaudible, face à une droite misant tout sur le thème de la sécurité. « La droite sait que pour gagner les élections, elle doit parler de l’Iran (ennemi d’Israël, NDLR), faire peur aux gens. Alors la gauche, avec ses sujets économiques et sociaux, se retrouve à l’écart », estime-t-il. Selon des sondages, l’alliance ne parviendrait à décrocher que neuf sièges lors du prochain scrutin, le troisième en moins d’un an, convoqué après les échecs du Premier ministre de droite Benjamin Netanyahu et de son rival centriste Benny Gantz, arrivés au coude-à-coude, à former un gouvernement de coalition.

Menace centriste

À 23 ans, Iaara Assaf est l’une des rares jeunes à assister au meeting de Haïfa. « Gantz vole des voix à tous les partis en s’opposant à Netanyahu », se désole-t-elle. De nombreux sympathisants de gauche votent pour M. Gantz, persuadés qu’il s’agit de la seule façon d’en finir avec M. Netanyahu, inculpé pour corruption dans trois affaires, relève Denis Charbit, maître de conférences en sciences politiques à l’Open University d’Israël. « Battre Netanyahu est leur premier objectif », souligne-t-il. « C’est un vote stratégique, basé sur leur haine de Netanyahu et pas sur des valeurs », renchérit Julia Elad-Strenger, professeure à l’université Bar-Ilan, près de Tel-Aviv. « La plus grande baisse d’influence de la gauche a été enregistrée sous les gouvernements de Netanyahu (1996-1999 ; 2009 à aujourd’hui) », note-t-elle, précisant qu’aujourd’hui, entre 12 et 15 % de la population se définit comme de gauche, contre 60 % de droite. La gauche avait pourtant dirigé Israël de sa création en 1948 jusqu’aux élections de 1977 qui ont porté pour la première fois au pouvoir la droite, emmenée par Menahem Begin et le Likoud – parti de l’actuel Premier ministre.

Un autre tournant s’est opéré dans les années 1990 avec l’arrivée d’environ un million de juifs d’ex-URSS, dont l’écrasante majorité vote à droite. Puis l’échec des accords de paix d’Oslo avec les Palestiniens et la seconde intifada (soulèvement palestinien) au début des années 2000 ont achevé de discréditer aux yeux de nombre d’Israéliens le message de paix porté par la gauche.

« Passive et élitiste »

Aujourd’hui, la gauche est souvent dépeinte par la droite comme étant propalestinienne et, par ricochet, anti-israélienne. Netanyahu a réussi à convaincre une partie de la population « qu’être de gauche, c’est être un traître », affirme Julia Elad-Strenger. Mais pour Alon Pearlman, étudiant en économie, la gauche est également responsable de sa chute, pour avoir été « trop passive, trop élitiste, pas inspirante ». Cet adhérent au Meretz dit même envisager de voter pour la « Liste unie » des partis arabes israéliens, jugée « plus idéaliste et inclusive ». « L’alliance de Meretz avec le Parti travailliste a créé un certain vide dans les rangs de la gauche », note Ayman Odeh, chef de la « Liste unie », qui s’attend à obtenir « des milliers de votes supplémentaires ». Fidèle à son parti, Iaara Assaf votera coûte que coûte pour Meretz, parce qu’elle en partage l’idéologie. Mais pour elle, la gauche est arrivée à un point où elle doit « veiller à ne pas disparaître ». « Cela pourrait finir par arriver », lâche-t-elle, partant avant même la fin du meeting de son parti.

Claire GOUNON, Stephen WEIZMAN / AFP

Où est passée la gauche israélienne ? Celle qui régnait jadis en maître sur la scène politique du pays ne compte plus qu’une poignée de sièges au Parlement et mène, en vue des législatives du 2 mars, une campagne pour sa survie. En 1969, le Parti travailliste (Avoda) de Golda Meir, allié à d’autres formations de gauche, parvient à obtenir 56 sièges des 120 du Parlement, un score...

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