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Culture - Festival al-Bustan

« Je ne suis pas un surhomme, je suis tout simplement... Ludwig van Beethoven »

Demain, le génie de Bonn parlera à l’auditorium Émile Boustani par la voix de Jean-François Balmer, qui lira un texte d’Alexandre Najjar. En interlude, des sonates du musicien seront jouées par Abdel Rahman el-Bacha.

Le grand pianiste Abdel Rahman el-Bacha.

Un moment attendu, demain soir, au Festival al-Bustan, qui lève les voiles sur un mythe finalement pas si connu que cela. Le génie de Bonn parlera en effet à l’auditorium Émile Boustani à Beit-Méry, par la voix de l’acteur Jean-François Balmer (mis en scène par Françoise Petit, sa femme), qui lira un texte d’Alexandre Najjar, tiré de son opus Les confessions de Beethoven – édition L’Orient des livres – 50 pages. Et, en interlude, des sonates du musicien jouées par le pianiste Abdel Rahman el-Bacha. Au départ, il y a ce beau texte d’Alexandre Najjar qui jette la lumière sur la part un peu cachée du compositeur de la symphonie Le destin. Au crépuscule de sa vie, Beethoven se confie : il évoque ses rapports difficiles avec son père, sa misanthropie, sa surdité, les femmes de sa vie, ses illusions politiques, la tragédie de son neveu Karl et sa passion pour la musique qui lui a permis de surmonter son infirmité et de prendre sa revanche sur le sort.

« Créer, c’est donner une forme à son destin. » C’est un peu à travers cette phrase de Camus qu’Alexandre Najjar cite à bon escient que le projet de ce verbe entre théâtre et musique est né…

La rencontre entre l’auteur de Berlin 36 et le pianiste Abdel Rahman el-Bacha a eu lieu pour la première fois à Francfort lors d’un concert. L’amitié et la considération entre l’écrivain et le musicien sont allées crescendo. Unir mots et notes est une heureuse initiative et collaboration pour mettre en lumière davantage la puissance, la complexité et la richesse du personnage et de l’œuvre d’un compositeur qui a brisé bien de normes musicales tout en donnant aux rigueurs classiques une incroyable amplitude. Et en triomphant sur son handicap, par-delà douleurs et souffrances, avec une souveraine autorité…

La scène sera partagée entre clavier en coin de la flaque de lumière, et l’espace dédié pour la lecture du texte d’Alexandre Najjar par un acteur qui donne chair aux mots. Pour ce qui est du texte qui dictera le choix des partitions, Abdel Rahman el-Bacha confie ces mots : « J’ai découvert ce texte avec grande joie. Tous les éléments de la vie de Beethoven, ceux de sa psychologie et de ses relations avec sa famille et sa société y sont clairement exposés et sans lourdeur. »

Pour cela, comme une illustration sonore des mots, un choix d’extraits de sonates de l’illustre compositeur. Véritable testament de son parcours humain qui a pris fin à l’âge de 56 ans, les sonates seront interprétées en alternance avec le texte. On écoutera Bagatelles, La tempête, A Waldstein, Appassionata, Clair de lune, sonate n° 30, sonate n° 31… Long chapelet de mélodies et d’harmonies, entre murmure, cri, morsure et confidence pour tracer le dit et le non-dit du combat et des batailles d’une vie.

Pour en revenir à ce verbe d’Alexandre Najjar qui ausculte, explore, fouille, scrute, creuse, scanne une vie et un personnage, on se réfère non aux premières paroles, mais à celles de la fin. Dans un discours érigé en plaidoirie qui parle de l’essentiel et lance un verdict : «… J’ai été sincère. Je ne quémande ni votre admiration ni votre pitié : votre indulgence me suffit. Dites-vous que je ne suis pas un mythe, mais un être de chair et de sang. Je ne suis pas un surhomme, je suis tout simplement… Ludwig van Beethoven. »

Comment s’est concrétisé ce projet des Confessions de Beethoven et quel est le lien avec l’acteur Jean-François Balmer ? Tout simplement avec le dernier roman d’Alexandre Najjar Harry et Frantz, actuellement objet d’une adaptation pour le théâtre par Jean-Pierre Marville, avec qui travaillait Balmer. Et en attendant de le voir sous la lumière des spots, Balmer décide d’endosser la redingote du musicien qu’Alexandre Najjar a entre-temps taillée en toute finesse…

À 73 ans, Jean-François Balmer, comédien suisse naturalisé français, est connu du grand public pour une longue carrière comptant plus d’une cinquantaine de films, pour grand et petit écran. Il a tourné avec Yves Boisset, Henri Verneuil, Georges Lautner, Pierre Garnier-Deferre, Schlöndorf, Philippe de Broca, Claude Chabrol, Édouard Molinaro… tout en accordant sa préférence à l’univers des planches. Des Fourberies de Scapin mis en scène par Jacques Weber à Roger Planchon en passant par Jérôme Savary, on a affaire à un authentique homme de théâtre, rompu au métier.

Cheveux longs dans le cou, barbe blanche, regard vif, voix portée à la déclamation, dès que le mot théâtre est évoqué l’acteur s’anime et devient intarissable. Difficile cette lecture des Confessions de Beethoven ? C’est avec humour qu’il répond. « Je ne pense pas. Car quand on a joué Dieu qui cherche un emploi dans Le CV de Dieu de Jean-Louis Fournier (au théâtre de la Pépinière à Paris), Beethoven, immense dans son humanité, est certainement plus accessible et abordable… ».

Et d’ajouter, certainement modeste et un soupçon malicieux : « Je suis béotien en musique. Mais Beethoven est un caractère complexe que tout acteur ambitionnerait de jouer. Ensuite, j’ai beaucoup appris de ces confessions. Les rapports de Beethoven avec son père (jaloux du père de Mozart), qui va jusqu’à falsifier l’âge de son fils pour le montrer en prodige, les peurs de Beethoven à l’égard du public et de son père, la déception et le traumatisme de Beethoven venus de son neveux Karl, qu’il voulait comme son fils, et qui préférait les chevaux à la musique, avec une malencontreuse tentative de suicide… Et puis être sourd, c’est être banni du monde, c’est être en exil à l’intérieur de soi-même… ».

Pour cette lecture entre clavier et aire libre, c’est Françoise Petit, sa femme, complice de bien d’autres pièces, qui a conçu la mise en scène. En toute simplicité, il y a le masque mortuaire en marbre de Beethoven, l’installation de rideaux, un soin particulier apporté à l’éclairage et un costume du XIXe siècle.

Silence, l’attention est au mariage des mots et de la musique. La lucidité du génie de Bonn à écouter dans un verbe sonore, et la beauté des accords somptueux. Un moment intimiste avec celui qui a transmis de la joie et n’a jamais douté de lui-même…

À signaler que ce spectacle sera donné ultérieurement à Perpignan, Paris et Bruxelles.


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