Devant la foule de personnalités et de partisans rassemblés à la Maison du Centre pour la 15e commémoration de l’assassinat de son père Rafic Hariri, l’ex-Premier ministre Saad Hariri a entamé d’emblée son discours en lançant d’une voix pleine d’amertume une petite phrase cinglante : « Je vais dire tout ce que j’ai sur le cœur. » Il a toutefois omis de préciser qu’il ne comptait sortir qu’une partie de ce qu’il a sur le cœur, à savoir celle qui concerne uniquement le Courant patriotique libre et son chef Gebran Bassil.
Pour cette commémoration de la funeste journée du 14 février 2005, et tenant compte de tous les événements sanglants non moins funestes survenus depuis, il est permis de supposer, sans trop risquer de se tromper, que le leader du courant du Futur a dû faire preuve de beaucoup de retenue pour occulter totalement ses sentiments à l’égard du Hezbollah, dont non moins de quatre responsables sont officiellement accusés d’être les exécutants directs de l’assassinat de Rafic Hariri et de ses compagnons de route… Sans compter tous les autres attentats et meurtres perpétrés pour saper la révolution du Cèdre.
La ligne de conduite tracée par Saad Hariri dans son discours de vendredi dernier a posé les jalons de l’étape prochaine sur la scène politique : croiser le fer avec le chef du CPL et épargner le parti chiite pro-iranien. L’ex-chef de gouvernement justifie cette attitude par une volonté de préserver la paix civile et d’éviter toute confrontation frontale ou dérapage sécuritaire avec le Hezbollah. En clair, et loin de tout cynisme racoleur, cela revient à dire, en quelque sorte : « Nous pouvons mener bataille contre le régime et le chef du CPL car ils ne sont pas armés et ne font donc pas peur, mais par contre il faut éviter toute situation conflictuelle avec le parti de Dieu en raison de son arsenal militaire et de ses intimidations miliciennes. »
Baisser les bras et pactiser face à la menace pour éviter le conflit… Une telle posture, qui n’est pas sans rappeler l’épisode des accords de Munich de 1938 et la célèbre réflexion de Churchill à cet égard, a peut-être pour effet, effectivement, d’éviter une confrontation à court terme, mais elle constitue malencontreusement un blanc-seing au langage de la force, un feu vert au chantage des armes, un stimulus à la violence, morale ou physique.
Il ne s’agit nullement d’engager un combat d’une quelconque nature militaire ou sécuritaire contre le Hezbollah. Loin de là. Mais opter pour la politique de l’autruche et prétendre qu’il est plus opportun dans le contexte actuel de contourner et d’occulter le comportement du parti chiite a pour conséquence inéluctable d’accroître davantage l’obstructionnisme pratiqué par la formation pro-iranienne. C’est en dénonçant sans complaisance et sans équivoque la politique suivie par le Hezbollah, tant sur le plan interne que régional, qu’il serait possible de juguler et de limiter le pouvoir de nuisance qui prend tout le pays en otage.
Une telle attitude de fermeté, au niveau médiatique et du discours politique des parties souverainistes, n’est pas incompatible avec l’impératif de la stabilité du pouvoir exécutif, qui doit être préservée afin de stopper l’effondrement économique et financier actuel. Bien plus, la dénonciation claire de l’obstructionnisme est aujourd’hui plus nécessaire que jamais. Elle ne réglera certes pas le problème libanais, mais elle s’impose pour empêcher que la gangrène ne gagne davantage de terrain.
La logique calquée sur le style des « accords de Munich » pousse le parti de Dieu à étendre de plus en plus ses tentacules dans plus d’un domaine et à hausser sans cesse d’un cran sa stratégie de blocage et de grignotage, placée au service de son parrain régional. Preuve en est la campagne orchestrée avec acharnement contre le gouverneur de la BDL et les grandes banques locales. Et pour cause…
Le secteur bancaire libanais non seulement échappe au contrôle du Hezbollah et se conforme, sans en avoir réellement le choix, aux sanctions américaines, mais il représente surtout – avec l’enseignement libre – l’un des bastions d’une certaine image du Liban qui est aux antipodes du projet de société que le parti pro-iranien cherche à imposer.
Le gouverneur de la BDL et certains établissements financiers ont peut-être commis des erreurs de jugement et assument sans doute, avec bien d’autres, une part de responsabilité dans la crise actuelle, mais il n’en demeure pas moins que le secteur bancaire reste malgré tout, d’une certaine façon, l’un des principaux piliers du Liban libéral, pluraliste, ouvert sur le monde (notamment le monde occidental), un Liban attaché à des valeurs, à un certain mode de vie en totale contradiction avec la vision que se fait le Hezbollah de la vocation du pays du Cèdre. Rien de surprenant de ce fait que ce secteur, et avec lui la Banque centrale, soit dans le collimateur du parti chiite.
Une fois de plus, les Libanais se trouvent confrontés aujourd’hui à deux projets de société, deux conceptions de la vie. À chacun de choisir son camp. Et il ne saurait y avoir sur ce plan de demi-mesure, d’attitude en demi-teinte ou de faux-fuyant…
commentaires (6)
SI VRAI ! HARIRI N,A PAS OUVERT COMPLETEMENT SON COEUR QU,EN CE QUI CONCERNE LE GENDRE CAD CONTRE LE PARAVENT ET SERVITEUR DE LA MILICE TOUT EN MENAGEANT LA MILICE. IL VEUT GARDER LA PORTE OUVERTE POUR UN RETOUR.
LA LIBRE EXPRESSION
19 h 15, le 18 février 2020