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Monde - Éclairage

Quand le Soudan tend la main à Israël pour courtiser les États-Unis

L’économie soudanaise, en quasi-faillite, ne saurait se reconstruire sans l’appui de la communauté internationale... et de Washington. Une crise intérieure qui explique l’esquisse d’un rapprochement inédit avec l’État hébreu.

Abdel Fattah al-Burhan, à gauche, et Benjamin Netanyahu, à droite, se sont rencontrés en Ouganda, lundi dernier. Photo d’archives AFP

Le timing est plus important que l’événement lui-même. Lundi matin, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et le président du Conseil souverain soudanais, Abdel Fattah el-Burhan, créaient la surprise en annonçant leur volonté d’une normalisation des relations israélo-soudanaises, lors d’une rencontre en Ouganda.

« J’ai rencontré à Entebbe le président du Conseil souverain soudanais, M. Burhan, et nous avons convenu d’une normalisation des relations entre nos deux pays. Historique ! » Sur son compte Twitter, l’enthousiasme de Benjamin Netanyahu laisse entrevoir les avantages réciproques d’un tel rapprochement inédit. Un enthousiasme attendu, qui fait écho à une stratégie israélienne de normalisation des relations avec des pays arabes historiquement hostiles. Quelques jours après le sommet de la Ligue arabe pour condamner le plan de paix américain, il s’agit pour Israël d’obtenir le soutien d’un membre symbolique et de fissurer l’union de façade affichée au Caire samedi dernier. Un soutien bienvenu qui permettrait « d’enrayer le soutien des pays africains aux Palestiniens », en fournissant à Israël « un accès en Afrique », estime Clément Deshayes, spécialiste du Soudan au sein du collectif Noria.

Côté soudanais, le choix de rencontrer le Premier ministre israélien, peu après l’annonce du plan de paix et la réplique de la Ligue arabe, surprend davantage. D’autant qu’il rompt avec des décennies d’une diplomatie soudanaise assurément propalestinienne, proche de l’Iran et du Hamas.


Une amorce
La rencontre, préparée en secret, ne marque pourtant qu’une amorce de dialogue et ne saurait être qualifiée de véritable rupture. D’abord parce qu’elle n’est pas représentative du Soudan officiel : elle est à l’initiative exclusive du chef des armées, le général Burhan, président du Conseil souverain, qui n’a pas jugé utile d’en informer le gouvernement. Ensuite parce que le rapprochement couronne un dialogue, certes timide, initié en 2016 entre l’ancien président Omar al-Bachir – destitué en avril 2019 – et les autorités israéliennes. Enfin parce que le rapprochement est encore balbutiant – l’entrevue de lundi ne représente pas « une normalisation pleine, mais une première rencontre, assez précaire pour l’instant », juge Clément Deshayes.

En interne, l’événement est le signe d’un coup de force à l’avantage du général Burhan. Hier, ce dernier obtenait le soutien peu surprenant de l’armée soudanaise lors d’une réunion des hauts gradés à Khartoum. Mais au-delà de cette institution qui lui est acquise, l’initiative révèle la marginalisation du Premier ministre Abdallah Hamdok, avec qui M. Burhan partage le pouvoir dans le cadre de la transition politique que connaît le pays depuis la démission du président Bachir. « La rencontre souligne qui a le véritable pouvoir : les ministères font tourner la boutique, l’armée s’impose au centre du jeu et au cœur de l’action internationale », estime Marc Lavergne, directeur de recherche au CNRS, spécialiste du Moyen-Orient et de la Corne de l’Afrique.

Les différentes forces en présence se divisent sur la question : « L’expérience démocratique soudanaise est prise entre deux feux. D’un côté, les militaires qui s’alignent au camp israélo-américain, de l’autre, le reste de l’appareil d’État de Omar al-Bachir, proche des Frères musulmans, de la Turquie, du Qatar et soutien du Hamas et du mouvement palestinien », poursuit Marc Lavergne.


Les Américains
Dans ce contexte, l’initiative du général Burhan se comprend avant tout comme un gage de bonne foi à l’adresse de l’administration américaine afin de débloquer la situation économique. En rencontrant le Premier ministre israélien, le chef du Conseil souverain soudanais « fait un geste vis-à-vis des États-Unis, là où son pays n’a pas grand-chose d’autre à offrir », souligne Clément Deshayes. À la clé, une levée des sanctions américaines qui pèsent sur l’économie soudanaise depuis 1993. Dimanche, après plus de trente ans de rupture, M. Burhan annonçait se rendre à Washington sur invitation américaine, signe d’une « procédure qui est en train de s’accélérer côté américain pour retirer le Soudan de la liste des pays parrainant le terrorisme », selon Clément Deshayes.

Coincé entre les impératifs économiques et la nécessité de réaffirmer son autorité, le gouvernement soudanais semble dans l’impasse. Depuis son arrivée au pouvoir, il tente en effet de négocier une levée des sanctions afin d’ouvrir la porte à de nouveaux financements internationaux. Un rapprochement diplomatique avec Washington permettrait d’encourager une sortie de la liste noire américaine, condition nécessaire afin de renégocier la dette extérieure auprès d’organisations internationales telles que le Fond monétaire international ou la Banque mondiale. Malgré sa marginalisation, « le gouvernement ne pourra pas s’opposer à ce rapprochement, car il a besoin de l’argent du FMI et de la Banque mondiale, et le chemin le plus court est de rencontrer les Israéliens », ajoute Clément Deshayes.

Une situation qui offre aux Soudanais la possibilité d’un sauvetage économique et aux Israéliens un réseau d’alliances régional. Un deal gagnant pour beaucoup – sauf pour les Palestiniens qui, par la voix de l’OLP, ont qualifié la rencontre entre MM. Burhan et Netanyahu de « coup de couteau dans le dos du peuple palestinien ».



Pour mémoire

Netanyahu discute d’une « normalisation » des relations avec le Soudan


Le timing est plus important que l’événement lui-même. Lundi matin, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et le président du Conseil souverain soudanais, Abdel Fattah el-Burhan, créaient la surprise en annonçant leur volonté d’une normalisation des relations israélo-soudanaises, lors d’une rencontre en Ouganda.« J’ai rencontré à Entebbe le président du...

commentaires (5)

L'argent fait tout. Pour l'argent on a vendu ces frères. Pour l'argent on a vendu son ideal. Pour ce qui est de la classe politique libanaise , sans commentaire.

DRAGHI Umberto

18 h 23, le 06 février 2020

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Commentaires (5)

  • L'argent fait tout. Pour l'argent on a vendu ces frères. Pour l'argent on a vendu son ideal. Pour ce qui est de la classe politique libanaise , sans commentaire.

    DRAGHI Umberto

    18 h 23, le 06 février 2020

  • Les soudanais comme les jordaniens, égyptiens, saoudiens, émiratis, marocains ont compris ou est leur intérêt et celui de leur peuple au lieu de continuer de lancer des slogans creux. Le Liban devrait s’en inspirer, je n’en dit pas plus sinon la pègre va lâcher son venin.

    Liban Libre

    14 h 51, le 06 février 2020

  • Tendre la main à israel pour courtiser les yanky ??? Où est la différence ? Qui veut atteindre Dieu doit passer par Jésus .Non ?

    FRIK-A-FRAK

    13 h 36, le 06 février 2020

  • LE SOUDAN... EST-CE UN TEST INITIE PAR LES ARABES ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 11, le 06 février 2020

  • C'EST FAIT POUR ...LES PRINTEMPS ARABES ONT ÉTÉ FAITS POUR !

    Chucri Abboud

    03 h 16, le 06 février 2020

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