Plus que quelques heures avant de prendre le grand large. Après 47 ans d'un mariage houleux, le Royaume-Uni quitte vendredi soir l'Union européenne, les voiles gonflées de promesses et d'incertitudes.
A 23h00 à Londres, minuit à Bruxelles, l'UE perdra pour la première fois l'un de ses membres. Après trois ans et demi de déchirements qui ont suivi le référendum de 2016 sur les bancs du Parlement et dans les familles, l'événement historique, trois fois reporté, ouvre une nouvelle page qui reste à écrire. Sans marquer la fin des divisions.
Dans la soirée, c'est devant le Parlement de Westminster que les partisans les plus fervents du Brexit savoureront leur victoire. Et dans le nord de l'Angleterre, dans le bastion pro-Brexit de Morley, qui a voté à 60% pour le Brexit, une grande fête s'annonce. "Bruxelles nous dictait quoi faire, ça va changer!", s'enthousiasme Michael Benn, un retraité de 73 ans "vraiment content" que le Brexit arrive.
Les Remainers gardent un goût amer. "Le Royaume-Uni s'isole lui-même du reste du monde. (...) Je pense qu'il faut l'appeler Petite-Bretagne", déplore Peter Benson, un comptable de 57 ans, devant le Parlement à Londres.
"Perdre des droits"
Dans certaines parties du Royaume, à l'unité fissuré depuis la victoire du "leave" à 52% en 2016, le goût est amer.
En Irlande du Nord, une pancarte d'un mouvement europhile proclame "cette île rejette le Brexit". "On est triste d'être tirés hors de l'Union européenne et de perdre ces droits" à cause d'un gouvernement "très à droite" qui ne soucie pas vraiment de ce qui se passe ici", souffle Declan Fearon, responsable du mouvement "Populations frontalières contre le Brexit", devant le Parlement de Stormont à Belfast.
Dans l'europhile Ecosse, dont le Brexit a ravivé les velléités d'indépendance, la Première ministre Nicola Sturgeon a évoqué "un moment de réelle et profonde tristesse (...) empreinte de colère". Et a répété sa détermination à lutter contre le refus de Londres d'autoriser un référendum sur le sujet. Pour le signifier sans équivoque, même après 23H00 vendredi au Parlement écossais, le drapeau européen continuera à flotter.
A Bruxelles, en revanche, l'Union Jack qui flottait devant l'enceinte du Conseil européen a commencé à être amené en début de soirée vendredi.
Se posant en rassembleur d'un pays amèrement divisé depuis plus de trois ans et demi, le Premier ministre Boris Johnson, promoteur enthousiaste du Brexit veille à se garder de tout triomphalisme. Devant ses ministres réunis dans la ville pro-Brexit de Sunderland, il insisté sur sa volonté de "tourner la page des divisions" et "travailler à toute vapeur" pour rassembler le pays.
Mousseux anglais
A Downing street, les bulles qui célébreront l'événement seront celles du mousseux anglais. Sur la façade, une horloge lumineuse marquera le compte à rebours jusqu'à l'heure fatidique.
De Bruxelles à Berlin en passant par Paris, les dirigeants européens ont exprimé leurs regrets et leur détermination à trouver "le meilleur partenariat" possible" pour le Brexit qui porte un coup au rêve européen. "Un signal d'alarme historique" qui doit "nous faire réfléchir", a averti le président français Emmanuel Macron.
Le jour a beau être historique, il n'entraîne pas de grand changement concret dans l'immédiat. Pour que la séparation se fasse en douceur, le Royaume-Uni continuera d'appliquer les règles européennes jusqu'au 31 décembre.
Promesses de Trump
Le Brexit marque surtout le début d'une deuxième saison dans cette longue saga : celle des complexes négociations sur les liens qui uniront Londres et Bruxelles en matière commerciale, de sécurité ou de pêche après la transition. Londres souhaite aboutir en un temps record, avant la fin de l'année, et exclut toute prolongation de la transition au-delà de 2020. Un calendrier jugé très serré à Bruxelles. Boris Johnson, qui détaillera sa vision en début de semaine prochaine, a déjà clairement annoncé qu'il visait un accord de libre-échange du même type que celui signé par l'UE avec le Canada, sans alignement sur les règles communautaires, quitte à accepter des contrôles douaniers.
Bruxelles, qui craint une concurrence déloyale, a d'ores et déjà prévenu : sans "conditions équitables" en matière d'environnement, de travail ou de fiscalité, pas de "large accès au marché unique".
Le gouvernement britannique s'est fixé comme objectif que 80% de ses échanges soient couverts par des accords de libre-échange dans les trois ans. Il pourra dès samedi commencer à négocier avec d'autres pays, comme les Etats-Unis de Donald Trump, qui promet un accord "magnifique".
En attendant, Boris Johnson peut savourer comme une victoire la concrétisation du Brexit, après avoir été élu à une large majorité en décembre sur la promesse de le réaliser. Il a réussi là où la précédente locataire de Downing Street, Theresa May, avait échoué : il a fait adopter sans encombres son accord de divorce renégocié à l'automne avec Bruxelles.
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commentaires (2)
D,AILLEURS ILS ETAIENT AVEC UN PIED DANS L,EUROPE ET AVEC L,AUTRE DEHORS.
LA LIBRE EXPRESSION
12 h 50, le 31 janvier 2020