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Lifestyle - HAUTE COUTURE PRINTEMPS-ÉTÉ 2020

Christian Dior : « et si les femmes dirigeaient le monde ? »

C’est une fois de plus au musée Rodin qu’a eu lieu, début janvier, le défilé haute couture printemps-été 2020 de la maison Christian Dior, au cœur d’une installation de l’emblématique artiste américain Judy Chicago, « The Female Divine ». À travers cette collaboration, la directrice artistique Maria Grazia Chiuri poursuivait entre péplums et majesté son action en faveur de l’autonomisation des femmes, interrogeant féminisme et féminité.

Christian Dior haute couture printemps-été 2020 au musée Rodin. François Guillot/AFP

Dès sa première collection pour Christian Dior à la succession de Raf Simons, Maria Grazia Chiuri, venue de chez Valentino, annonçait clairement son engagement pour un monde où la femme retrouverait sa place entière. D’une première collaboration au printemps 2017 avec la romancière nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, résultait une ligne arborant le manifeste We Should All Be Feminists (Nous devrions toutes être féministes). Par la suite, chaque collection a été d’une certaine manière un hommage à une artiste féministe, qu’il s’agisse des photographies de Penny Slinger ou de l’univers de Georgia O’Keeffe. C’est donc naturellement que la première créatrice femme de la maison Dior oriente son travail vers l’autonomisation des femmes, mettant en avant, par-delà leur pouvoir de procréation, leur force de création.


Une collaboration plus proche d’une évidence
Pour la nouvelle collection Christian Dior haute couture printemps-été 2020, Chiuri s’est intéressée au travail de l’artiste américaine Judy Chicago, et notamment une de ses œuvres les plus fascinantes, The Dinner Party, réalisée entre 1974 et 1979, aujourd’hui installée en permanence au Brooklyn Museum. The Dinner Party est unanimement considérée comme une œuvre prodigieuse. Il s’agit d’une grande table triangulaire avec des décors savants, disposés pour 39 icônes féministes historiques qu’elle fait converger et dialoguer, chaque chemin de table recevant une broderie sophistiquée évoquant l’univers de chaque personnalité, et chaque assiette en porcelaine émaillée évoquant une fleur érotique qui symbolise l’intimité complexe de chacune. L’élaboration de l’œuvre entière avait nécessité 3 ou 4 ans, et la collaboration de près de 400 artistes et artisans. Le travail de broderie, de moulage et de peinture sur porcelaine, traditionnellement féminin, transcendait pour la première fois l’artisanat et sa joliesse pour servir la force d’un concept.



De la sculpture au temple
Quand elle est approchée par Maria Grazia Chiuri, Judy Chicago avoue ne porter aucun intérêt à la mode. Pire, elle considère que celle-ci est créée par des hommes de manière à soumettre le corps des femmes à leur propre vision et à leurs propres critères, redessinant la silhouette naturelle ou imposant le port du talon. En discutant avec la directrice artistique de Dior, elle entrevoit au contraire un angle neuf et imagine leur collaboration comme un véritable prolongement de son propre travail. Cependant, déçue de rester enfermée dans cette œuvre majeure qu’est sa Dinner Party, elle propose à la maison Christian Dior de reproduire pour la première fois sa sculpture The Female Divine. Dont acte. La sculpture représentant une déesse primitive est littéralement transformée en un temple, une tente de 15m de haut qui abritera le défilé et que le musée Rodin maintiendra ouverte au public plusieurs jours après l’événement. À l’origine, Judy Chicago aurait voulu tapisser de fleur la tenture blanche doublée d’or, mais cette idée a été remplacée par un tapis mille-fleurs de 200m inspiré de la Dame à la licorne.

Dans le prolongement de l’œuvre et de ce temple rond, sécurisant et réconfortant auquel elle a donné naissance, la collection Christian Dior haute couture du printemps prochain a été présentée sous une série de 20 panneaux géants, réalisés par les jeunes brodeuses de Chanakya, école indienne soutenue par la maison parisienne. Ces panneaux posent des questions, 10 en anglais, 10 en français, découlant de celle posée par la bannière « tutélaire » : Et si les femmes dirigeaient le monde ? On pouvait y lire, entre autres et dans le désordre : « Dieu serait-il féminin ? », « La Terre serait-elle protégée ? », « Y aurait-il de la violence ? ».


Féminisation des armures
La réponse « couture » apportée par la directrice artistique de Christian Dior se traduisait par une collection d’une grande majesté. Dans une palette où dominent l’or le plus brillant (couleur divine et propre à Dior dont le nom se flatte de l’incorporer dans son suffixe), le blanc mais également le bleu ciel, l’améthyste, l’absinthe ou encore l’amarante, éventail recherché de couleurs rares et précieuses, Maria Grazia Chiuri réinventait le péplum pour célébrer la puissance féminine. Le caractère essentiel de la collection est son intemporalité, sublimée par l’excellence de la haute couture de Dior, à travers une technique précise de coupe dans des tissus légers, comme la mousseline de soie. Travail architectural d’exception, l’iconique tailleur Bar se métamorphose en reprenant les drapés et les courbes de cette tunique divine. Les tresses et torsades sont réinterprétées, telles des déclinaisons graphiques et modernes du drapé et du plissé. Fondues à la structure des robes, elles ceinturent la taille, exaltent la légèreté et la transparence de la mousseline de soie, tout en dévoilant délicatement la peau. Entièrement lamés, les motifs pied-de-poule ou encore chevron féminisent et illuminent sublimement les ensembles haute couture. Les robes du défilé évoquent surtout une féminisation des armures, entre force et délicatesse. Témoignage d’un savoir-faire d’exception, les bustiers sont très subtilement brodés en queue de rat, réinterprétant les cottes de maille ou encore figurant une tête de lion. Sur le look final, évocation de La lune, symbole de la féminité, les paillettes offrent une illustration poétique de ces parures d’amazones modernes.



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