C’est sur fond d’émeutes et de violences que se sont poursuivies hier les tractations pour la formation du gouvernement, dans l’espoir d’un dénouement heureux dans les deux prochains jours. C’est ainsi que le Premier ministre désigné, Hassane Diab, s’est rendu successivement au palais présidentiel puis au domicile du président de la Chambre, pour tenter de surmonter les obstacles qui entravent encore cette formation. M. Diab n’a pas souhaité faire de commentaires, ni en quittant le palais présidentiel ni à Aïn el-Tiné.
La rencontre de Baabda s’est faite à la demande du chef de l’État. Les deux hommes y ont passé en revue le processus de formation du cabinet de 18 ministres tel que mis sur les rails après la réunion la semaine dernière de M. Diab avec le président de la Chambre, et tel qu’approuvé explicitement par le numéro deux d’Amal, Ali Hassan Khalil, ministre sortant des Finances.
De source informée, on assurait que la réunion s’est tenue dans « un climat positif » et qu’un suivi lui sera donné « dans les deux prochains jours ». Autant dire que le nouveau gouvernement n’est pas pour aujourd’hui. « Au nombre des détails examinés figuraient les portefeuilles qui devront être cumulés par certains ministres », affirme-t-on de même source, compte tenu du fait qu’ils sont au nombre de 22, alors que le gouvernement comprendrait, sans Hassane Diab, 17 ministres.
Enfin, toujours de source présidentielle, on assurait que le chef de l’État, impatient de voir formé le nouveau gouvernement, a fait « tout ce qu’il est possible de faire » à cette fin. Une timide dernière tentative de faire passer le nombre de ministres de 18 à 20 ou 22 se serait heurtée à l’intransigeance de M. Diab.
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Les Marada et le tiers de blocage
Par ailleurs, le mouvement Amal a annoncé que M. Berry a été tenu informé de la visite que M. Diab se proposait d’effectuer à Baabda et que le Premier ministre désigné lui a ensuite fait part de vive voix de la teneur de ses entretiens avec le chef de l’État, étant entendu que le mouvement Amal « approuve la formule proposée » par M. Diab (c’est-à-dire le cabinet de 18), et qu’aussi bien le Hezbollah que le mouvement Amal « insistent pour que les Marada y soient représentés ».
On sait que ce parti, à qui a été attribué le juteux portefeuille des Travaux publics, menace de se retirer du gouvernement si le camp du ministre sortant des AE, Gebran Bassil, y dispose de sept ministres, c’est-à-dire d’un tiers de blocage. Il insiste en fait pour que ce binôme n’y soit représenté que par 5 ministres, sachant que les médias lui attribuent déjà six : Défense (Michel Menassa), Affaires étrangères (Nassif Hitti), Énergie (Raymond Ghajar), Environnement (Manal Moussallem), Tourisme, cumulé avec le ministère de la Culture (Varté Ohanian) et Justice (Marie-Claude Najm), et que le chef de l’État plaide en faveur d’un septième portefeuille, celui de l’Économie, qu’il souhaite attribuer à Ayman Haddad, apparenté PSNS.
Certes, M. Diab dispose de parades destinées à calmer ces exigences. Ainsi, il souhaite attribuer la vice-présidence du Conseil à la grecque-orthodoxe Amal Haddad (également approuvée par le PSNS, semble-t-il), ce qui empêcherait que le ministère de l’Économie aille à un ministre du binôme présidence-CPL. Pour freiner Gebran Bassil, M. Diab peut également invoquer le vote de confiance et du pointage des voix dont il disposera en se présentant devant la Chambre. Nommé avec 69 voix, il a besoin au minimum de 65 d’entre elles pour obtenir la confiance. Il ne peut, dans tous les cas de figure, mécontenter les Marada, sachant que leur bloc compte non moins de sept députés. Au demeurant, ni le mouvement Amal ni le Hezbollah, on l’a vu, ne souscriront à un gouvernement dont les Marada seraient absents.
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Profondes inimitiés
La journée d’aujourd’hui sera probablement consacrée au règlement de cette question, sachant qu’à la demande du Hezbollah, Sleiman Frangié, qui comptait tenir une conférence de presse vendredi dernier, l’avait finalement reportée à demain mardi.
Il est de notoriété publique que c’est la course à la prochaine présidentielle qui aiguise la rivalité entre MM. Frangié et Bassil, sachant par ailleurs que les ambitions de ce dernier lui valent de profondes inimitiés dans d’autres milieux politiques. La dernière en date à s’exprimer est celle de l’ancien ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, qui n’a pas hésité à accuser le gendre du président de retarder la formation du gouvernement pour parvenir à ses fins, « même si le sang doit couler » dans les affrontements du centre-ville.
À ce sujet, justement, le chef de l’État présidera aujourd’hui à Baabda une réunion de tous les services de sécurité, en présence notamment du commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, et du directeur général des FSI, le général Imad Osman. Normalement, c’est une réunion du Conseil de défense qui devait se tenir, mais le Premier ministre sortant, Saad Hariri, a refusé de s’y joindre. Signalons que le général Joseph Aoun a effectué hier une tournée d’inspection dans la caserne Hélou.
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commentaires (9)
Oui il est évident que le Aoun fait de tout pour faciliter l'exécution du plan de son gendre et ses acolytes. En dehors de ça, il fait office de figurant en attendant que le pays soit en ruine pour qu'on lui réponde inlassablement qu'il a tout, tout fait pour en arriver là. Il ferait mieux de démissionner et de laisser ce pays tranquille et qu'il immigre plutôt que d'être encore plus humilié. Les bombes lacrymogène et les balles quelque soit leur nature ne changerait rien à la détermination du peuple de le voir lui et sa bande éloignés du pouvoir.
Sissi zayyat
13 h 48, le 20 janvier 2020