Le ministre libanais sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, à Beyrouth, le 12 décembre 2019. Photo d'archives REUTERS/Mohamed Azakir
Le chef du Courant patriotique libre (CPL) Gebran Bassil a affirmé mardi qu'il n'était pas responsable du blocage de la formation du gouvernement, indiquant "craindre" l'échec d'un cabinet entièrement composé de technocrates. M. Bassil est l'une des figures les plus conspuées du mouvement de contestation de grande ampleur que connaît le Liban depuis le 17 octobre.
"Notre seul critère pour la formation du gouvernement est sa capacité à nous sortir de la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement", a-t-il déclaré lors d'un entretien sur la chaîne de télévision locale al-Jadeed, le premier qu'il donne depuis le début de la révolte populaire.
Concernant le processus de la formation, il a souligné qu'il ne fait, "comme d'autres, que donner son avis", la formation du cabinet incombant "au président de la République, en accord avec le Premier ministre désigné", Hassane Diab. Il a dans ce cadre affirmé qu'il n'y a "pas d'obstacle concernant la nomination du ministre des Affaires étrangères", le portefeuille dont il avait la charge depuis 2014. Selon des sources bien informées, M. Diab insistait sur la candidature de l’ancien ministre des Finances Damien Kattar pour ce poste, ce qu'a refusé M. Bassil. Selon ces sources, l'une des portes de sortie consiste à nommer M. Kattar au ministère de l’Économie. A l'issue d'une réunion entre MM. Aoun et Diab à Baabda, notre correspondante Hoda Chedid a souligné que le CPL et son chef souhaitent nommer à ce poste une personnalité "qui rassure le Hezbollah".
"Personne n'a facilité la formation du gouvernement autant que moi je l'ai fait", a ajouté Gebran Bassil.
Pas de tiers de blocage
"Nous sommes ouverts à tous les choix possibles", a-t-il indiqué. Et d'affirmer : "Je n'accepte pas d'être ciblé parce que je donne mon avis alors que tout le monde le fait". Le ministre sortant des Affaires étrangères a encore regretté que la ministre sortante de l’Énergie Nada Boustani ne soit pas reconduite à son poste "parce qu'il est refusé de nommer d'anciens ministres ou des gens politisés", assurant que "c'est une perte pour le Liban". "Nous pouvons soutenir le futur cabinet ou pas, y participer directement ou indirectement, lui donner notre confiance ou nous en abstenir et nous sommes prêts à ne pas participer du tout au futur gouvernement", a-t-il déclaré, soulignant que la question du "tiers de blocage n'est pas posée sur la table".
Le chef du CPL a encore affirmé "craindre que le gouvernement de Hassane Diab échoue parce qu'il n'y aura que des ministres qui n'ont pas d'expérience de l'administration". "Il s'agit d'une prise de responsabilité importante", a-t-il ajouté.
Depuis plus de deux mois, les manifestants libanais appellent à la chute de tous les responsables, accusés de corruption et d'incompétence, alors que le pays traverse une grave crise économique et de liquidités. Sous la pression de la rue, le gouvernement de Saad Hariri avait démissionné le 29 octobre. Le 19 décembre, à l'issue de consultations parlementaires, le président Aoun a désigné l'ex-ministre de l’Éducation, appuyé par les partis du 8 Mars, au poste de Premier ministre. Ce dernier a promis la formation d'un gouvernement de technocrates indépendants, comme le réclament les manifestants. Ces derniers rejettent toutefois la nomination de M. Diab qu'ils estiment issu de la même classe politique corrompue dont ils réclament le départ.
Réagissant en outre au fait qu'il a été violemment ciblé par les contestataires au début du mouvement de révolte, M. Bassil a affirmé : "Je sais ce que j'ai fait et j'en assume la responsabilité. Ce que j'ai fait, c'est que je n'ai pas participé à des opérations de corruption". Selon lui, une solution "essentielle" pour réformer le pays réside dans l'indépendance de la justice. "Il faut que les juges ne soient plus nommés par les dirigeants politiques et que la justice devienne efficace et rapide, afin de pouvoir demander des comptes" aux responsables, a-t-il souligné.
Il a par ailleurs longuement accusé ses détracteurs politiques de s'être constamment opposés aux projets présentés par son parti dans différents domaines, comme aux plans de réforme du secteur de l'électricité. Réagissant à ces accusations, le député du Parti socialiste progressiste (du leader druze Walid Joumblatt), Hady Abou el-Hosn, a rétorqué sur son compte Twitter en soulignant que les plans présentés par le CPL "enfreignaient les lois et constituaient un gaspillage des finances publiques".
Durant l’interview, un groupe de contestataires a manifesté devant les locaux d’al-Jadeed, scandant des slogans hostiles au chef du CPL.
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16 h 19, le 09 janvier 2020