Le Liban retient son souffle en attendant les consultations parlementaires de lundi. En dépit d’un optimisme relatif sur la désignation d’un nouveau Premier ministre et la formation avant la fin de l’année en cours d’un nouveau gouvernement, la prudence reste de mise.
Selon des sources proches de Aïn el-Tiné, le véritable nœud porte sur la position réelle de Saad Hariri au sujet du prochain gouvernement. Depuis qu’il a présenté sa démission, le Premier ministre semble en effet jouer un rôle ambigu, discutant d’un côté de candidats potentiels à sa succession pour se rétracter ensuite, d’une façon indirecte, en laissant les trois anciens Premiers ministres publier des communiqués d’appui à son maintien dans cette fonction et, en même temps, en laissant ses partisans descendre dans la rue et bloquer les routes notamment dans la Békaa, dans certains quartiers de Beyrouth et dans le nord du pays.
Pour éviter que le même scénario ne se reproduise avec la candidature potentielle de l’ingénieur Samir el-Khatib, les deux formations chiites ont envoyé leurs émissaires, le ministre Ali Hassan Khalil et Hussein Khalil, chez le Premier ministre démissionnaire pour lui demander clairement s’il appuie réellement cette candidature et s’ils peuvent considérer que sa position est définitive. L’entrevue qui s’était déroulée mardi soir a duré 10 minutes et les deux émissaires sont repartis avec une confirmation claire de la part de Saad Hariri de son appui à la candidature de Samir el-Khatib.
Les deux formations chiites avaient aussitôt transmis cette position au chef de l’État, qui avait alors décidé de convoquer les consultations parlementaires pour jeudi. Mais des divergences de dernière minute, non sur la désignation, mais sur la forme du gouvernement et sa composition, ainsi que la crainte de volte-faces soudaines et spectaculaires l’ont poussé à renvoyer le rendez-vous des consultations à lundi, pour laisser davantage de temps à une plus grande coordination entre Samir el-Khatib et Saad Hariri. D’ailleurs, les deux hommes ont tenu une nouvelle réunion mercredi soir et, selon des sources proches du candidat présumé au poste de Premier ministre, les discussions seraient entrées dans les détails de la composition du gouvernement.
Toutefois, en dépit de ces indices positifs qui ont accompagné l’annonce du rendez-vous des consultations parlementaires, d’autres éléments continuent à susciter les doutes.
D’abord, le refus de Saad Hariri de publier un communiqué officiel pour annoncer son appui à la désignation de Samir el-Khatib pour la formation du prochain gouvernement. Ensuite, et dans le même sillage, le groupe parlementaire du courant du Futur qui devait annoncer sa position hier jeudi n’a pas voulu se prononcer ouvertement sur cette question, préférant en reporter l’annonce jusqu’à la dernière minute. Certes, Dar el-Fatwa n’a pas publié de communiqué sur cette question, comme cela avait été annoncé hier, se contentant de recevoir l’ancien ministre Nouhad Machnouk qui a fait une déclaration assez mesurée sur une désignation potentielle de Samir el-Khatib. Mais cela ne signifie pas que le mufti de la République ne peut pas prendre position sur cette question dans les deux jours qui viennent. D’autant qu’il est clair que toute personnalité sunnite pressentie pour occuper le poste de président du Conseil a besoin de l’aval de Dar el-Fatwa.
Mais l’indice le plus inquiétant, selon les sources précitées, c’est la poursuite des protestations populaires dans les régions considérées comme à majorité sunnite, dans le but probable de décourager Samir el-Khatib.
À ce sujet, les sources proches de Aïn el-Tiné restent convaincues que le Premier ministre démissionnaire n’a pas totalement abandonné la possibilité de présider le nouveau gouvernement. Mais en même temps, il hésite à assumer cette responsabilité dans les circonstances actuelles parce qu’il sait parfaitement que le nouveau cabinet sera amené à prendre des décisions impopulaires pour sortir le pays de la crise économique et financière dans laquelle il se débat. De plus, il sait que, dans les circonstances actuelles et grâce au mouvement de protestation populaire, la marge de manœuvre des responsables est particulièrement réduite, la rue étant désormais consciente de son pouvoir et prête à manifester dès que le besoin s’en fera sentir. Mais d’un autre côté, Saad Hariri craint que son départ du gouvernement pour une période plus ou moins longue ne contribue à réduire sa popularité notamment au sein de la rue sunnite, d’autant qu’il ne bénéficie pas d’un large appui arabe et international, comme il aurait pu le croire. Si le ministre Gebran Bassil ne compte pas faire partie du gouvernement, comme cela a été annoncé, et si le Hezbollah ne compte pas se faire représenter par des personnalités connues, comme cela a aussi été annoncé, il pourrait donc songer à changer d’avis. Mais, toujours selon les sources proches de Aïn el-Tiné, si Saad Hariri veut de nouveau être dans la course, les conditions peuvent changer...
D’ailleurs, une des raisons qui a dicté le choix de Samir el-Khatib c’est que ce dernier n’a pas l’intention de créer une dynastie politique et qu’il n’appartient à aucun courant ou parti. Au contraire, il a de bonnes relations avec tout le monde et en particulier avec les pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Il ne constituerait donc pas une menace pour le leadership de Saad Hariri sur la scène sunnite. Le choix de Samir el-Khatib était donc en partie destiné à ne pas déranger le Premier ministre démissionnaire. C’est pourquoi les différentes parties ont d’ailleurs insisté pour que cette candidature obtienne d’abord son aval.
Saad Hariri pourrait toutefois avoir d’autres calculs. Selon des sources bien informées, son refus d’annoncer clairement sa position avant lundi est une réponse indirecte à la volonté du chef de l’État d’imposer une nouvelle équation selon laquelle la désignation du nouveau Premier ministre devrait être tributaire d’un accord sur la composition du gouvernement. Il ne souhaite donc pas donner des assurances en ce sens à la présidence, au CPL, à Amal et au Hezbollah, maintenant le suspense jusqu’au bout.
Mais la grande inconnue reste la réaction de la rue. On annonce déjà de grandes manifestations pour dimanche...
commentaires (12)
Résumé du décryptage! 1- méchant: Hariri "le véritable nœud porte sur la position réelle de Saad Hariri au sujet du prochain gouvernement" 2- gentils: bassil+hn+berri "Le choix de Samir el-Khatib était donc en partie destiné à ne pas déranger le Premier ministre démissionnaire. C’est pourquoi les différentes parties ont d’ailleurs insisté pour que cette candidature obtienne d’abord son aval." 3- pas pris en compte: Peuple :"Mais la grande inconnue reste la réaction de la rue. On annonce déjà de grandes manifestations pour dimanche..." Scarlett utilise bien sûr réaction de la rue...et non pas réaction du peuple.. Donc celui qui compte dans cette nation est ignoré car apparement nos génies qui tirent les ficelles de tout le pays ne connaissent toujours pas la réaction du PEUPLE...on parle sûrement des dialectes différents ou le pouvoir abrutisse les gens au pouvoir Merci encore une fois à Scarlett qui de nouveau prouve,dans cet article, que les gens du pouvoir au liban, méchants et gentils, est formé de sangsues insatiables...
Wlek Sanferlou
18 h 39, le 06 décembre 2019