Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Beyrouth Insight

Hiba Dandachli, le sourire de la révolte

Elle a baigné dans la mode, créé son blog « WhatworksforHiba », parlé au nom des femmes. Tous ses combats se font avec élégance. Aujourd’hui, Hiba Dandachli est sur tous les fronts, toutes les places, et surtout celle de la révolution.

Hiba Dandachli, battante et optimiste. Photo DR

Lorsque Hiba Dandachli débarque dans une pièce, la première chose que l’on remarque, c’est son visage lumineux. Un regard déterminé, un front dégagé, et puis sa chevelure, courte, très courte, en ce moment d’un roux solaire. « Je ne suis pas malade », a-t-elle souvent dû préciser, avant même que la question – naïve et tellement attendue – ne soit posée. « Mon cancer, a-t-elle confié, était une infection de mon âme. » Une blessure, aujourd’hui cicatrisée, longtemps provoquée par le regard et le jugement des autres.

L’enfance de cette femme (enfin) libérée de toutes ses contraintes s’est déroulée à Saïda dans une famille « aimante, mais plutôt traditionnelle » avec les problèmes des jeunes filles de son âge. « À 13 ans, j’étais plutôt rondelette », confie-t-elle, avec, en supplément d’une âme encore fragile, une maladie baptisée androgenic alopecia qui atteint le cuir chevelu empêchant les cheveux de pousser normalement. Des remarques, elle en a entendu, sur les bancs d’école, par des enfants cruels. Des mots, un rejet qui vont la pousser à tenter de modifier leur regard, d’adoucir leur jugement. En d’autres termes, trouver des réponses à ce problème qui est devenu l’essentiel de son identité d’adolescente. D’une part, elle fera des études en diététique et nutrition, pour apprivoiser son corps. Et d’autre part, elle usera de traitements, souvent douloureux, pour tenter d’améliorer l’état de sa chevelure, auxquels elle fera des allergies. Elle finira par se cacher derrière des perruques, « ces solutions provisoires qui, je pensais, allaient me sécuriser et arracher l’approbation des autres ».

En 2005, summum de ces tentatives devenues, au fil des ans, déraisonnables, elle suit un traitement qui consiste en une perruque quasi définitive collée sur son crâne. Le problème est en apparence réglé, mais le questionnement de Hiba et sa soif de réponses et de sérénité la poussent alors à faire un travail intérieur. Thérapies, recherches, lectures, et au final un accomplissement de soi qui la rend forte, décidée, débarrassée de tout complexe. Lorsqu’elle réalise qu’en fait, « c’est eux qui ont tort », la jeune femme, mère de Rawad qu’elle élève toute seule, arrache cette dernière perruque, qui a fait de lourds dégâts, et décide de se raser les cheveux dans une dernière protestation, un baptême. « Jamais, dit-elle, je n’avais senti l’eau couler sur ma tête… Quel bonheur ! » Quel bonheur pour cette jeune mère divorcée, évoluant dans l’univers de la mode, un diplôme en stylisme et mode ESMOD doublé d’un master en Business Administration, et une longue collaboration avec Azzi et Osta, de partager son expérience auprès de femmes, un autre de ces combats. Un bonheur aussi de partager sa victoire dans son blog si justement baptisé WhatworksforHiba, de lancer une initiative women-empowerment à l’occasion du film Colette et de réaliser un documentaire-témoignage Bold Italic Underline en janvier 2019. Assez pour remplir l’agenda de cette entrepreneure également en couverture de magazines de mode et sur les plateaux télé. Mais ça, c’était avant.

17 octobre

« À mon retour au Liban, après avoir vécu quelques années à l’étranger, et une fois le bonheur des retrouvailles passé, j’ai peu à peu constaté tous les dysfonctionnements du système, l’électricité, l’eau, un environnement pollué et, dans le regard de mes amis, une tristesse perceptible, raconte Hiba Dandachli. Une souffrance qui a fini par m’atteindre en raison de mon impuissance et de celle de mes compatriotes qui sont tellement créatifs tant sur le plan politique que personnel. » « Pourquoi sommes-nous si passifs, pourquoi ce coma, pourquoi ce peuple magnifique ne se révolte-t-il pas devant tant de corruption? demande-t-elle à son repère, sa mère, qui, pour seule réponse, affiche un silence noyé dans un regard perdu. »

Puis il y eut le 17 octobre. « Je me souviens du premier jour de notre révolution, j’étais avec des amis dans un restaurant à Mar Mikhaël, et les messages ne cessaient de pleuvoir. J’ai eu un soudain sentiment, inédit, un mélange de pouvoir, d’espoir, de soulagement, d’excitation et puis l’urgence d’agir, pour nous et nos enfants. Les Libanais s’étaient enfin réveillé de leur coma. »

Très vite, la thaoura s’organise autour d’une poignée de citoyens cultivés et conscients qui s’y mettent, chacun dans son domaine et ses possibilités. « La politique, ce n’est pas mon truc, précise Hiba Dandachli. Ma mission et mon action ont toujours été civiques et sociaux. Je me dois d’utiliser mes capacités physiques et intellectuelles pour diffuser une image positive autour de moi, tant sur le terrain que sur les réseaux sociaux. » Depuis plus d’un mois, pas un jour qui ne passe sans que cette entrepreneure, qui a également joint le groupe Muwatin Lebnane, ne soit sur le terrain, de jour, de nuit, à Beyrouth et ailleurs, autant pour organiser, nettoyer, rassembler les troupes autour d’un objectif, faire tomber la corruption, que pour manifester, et rappeler, inlassablement, le caractère pacifique de cette révolte. WhatworksforHiba devient ainsi une plate-forme qui partage au quotidien les moments forts de la révolte, les programmes, les slogans d’un combat pur et civilisé. « Je ressens une joie à l’intérieur de moi, en dépit des moments difficiles que nous traversons, car nous avons arraché de nombreuses victoires, parmi lesquelles celle de faire tomber la barrière de la peur, la peur de s’exprimer, de dire, et la barrière des différences, religieuses, sociales, culturelles, jusque dans nos rapports personnels. Je crois énormément en notre potentiel et notre pouvoir de transformer ce pays en un Liban rêvé. » Au gré de ces moments intenses vécus depuis plus d’un mois, entre bonheurs, tristesse, angoisses et petites victoires contre l’ignorance des voyous et l’incompétence d’une classe politique corrompue et désormais périmée, Hiba continue d’afficher un sourire qui se veut rassurant. Et qui l’est.



Lire aussi

Rémie Akl : Vous attendez quoi pour descendre dans la rue?

Dans le café de Nat et Nad, il ne faut pas voir que du noir

Matbakh el-balad, la cuisine des révolutionnaires

Em Ken, blogueuse blagueuse

Patrick Baz : Photographier, c’est écrire avec la lumière

Lorsque Hiba Dandachli débarque dans une pièce, la première chose que l’on remarque, c’est son visage lumineux. Un regard déterminé, un front dégagé, et puis sa chevelure, courte, très courte, en ce moment d’un roux solaire. « Je ne suis pas malade », a-t-elle souvent dû préciser, avant même que la question – naïve et tellement attendue – ne soit posée....

commentaires (1)

Hiba (donnation) est um cadeau inestimable à notre Liban!! Elle et tout ces jeunes qui se lamcent et nous trainent avec eux vers un avenir meilleur et brillant! Malgré et en dépit de tout les peasimistes et ceux qui suivent aveuglément des maîtres d'une autre ère. Bon courage et merci!!

Wlek Sanferlou

18 h 31, le 05 décembre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Hiba (donnation) est um cadeau inestimable à notre Liban!! Elle et tout ces jeunes qui se lamcent et nous trainent avec eux vers un avenir meilleur et brillant! Malgré et en dépit de tout les peasimistes et ceux qui suivent aveuglément des maîtres d'une autre ère. Bon courage et merci!!

    Wlek Sanferlou

    18 h 31, le 05 décembre 2019

Retour en haut