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À La Une - Banques

Taux d’intérêts : ce que prévoit la nouvelle circulaire de la BDL

Les intérêts sur les dépôts déjà à terme souscrits avant la publication du texte ne seront pas modifiés jusqu’à leur échéance.

Une bannière sur laquelle peut-on lire "Nous ne paierons pas le prix" devant le siège de la Banque centrale à Beyrouth, le 27 novembre 2019. JOSEPH EID / AFP

Comme attendu depuis la fin de la semaine dernière, la Banque du Liban a émis mercredi une circulaire entérinant une baisse des taux d’intérêts sur les dépôts à travers un ensemble de mesures applicables pendant une période de six mois.

Accessible sur le site de la Banque centrale, le texte (circulaire n° 536 du 4 décembre 2019) met en œuvre une des propositions évoquées vendredi dernier lors de la réunion de crise convoquée par le président Michel Aoun à Baabda, à laquelle ont notamment participé le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, et le président de l’Association des banques du Liban (ABL) Salim Sfeir. La BDL et l’ABL s’étaient ensuite réunies lundi pour aborder les modalités d’application de ces mesures, qui ont également dû être au centre d’une nouvelle rencontre entre le président Aoun et Salim Sfeir mardi après-midi.

L’objectif affiché est de soulager les banques et le secteur privé, alors que le pays traverse une importante crise économique et financière, dont les conséquences se sont aggravées ces dernières semaines, tandis que les manifestations contre les dirigeants politiques se poursuivent maintenant depuis 49 jours.



(Lire aussi : Contraintes bancaires : le compte rendu de la réunion entre la BDL et des banques)

Trois temps
Dans le détail, la circulaire n°536 s’articule en trois temps. Via les articles 1 et 2, la BDL indique d’abord qu’elle paiera en livres libanaises 50 % des intérêts dus aux banques pour leurs dépôts en devises ainsi que les certificats de dépôts en dollars que celles-ci possèdent à la banque centrale. Selon le directeur du département de recherche de Bank Audi, Marwan Barakat, la mesure servira à assurer davantage de liquidités en livres aux banques et à contribuer à préserver les réserves de devises de la BDL.

A travers l’article 4 (alinéa 1), la BDL impose ensuite aux banques de plafonner à respectivement 5 % et 8,5 % les intérêts versés sur les nouveaux dépôts de leurs clients ou ceux qui seront renouvelés après mercredi. Les intérêts sur les dépôts à terme déjà contractés ne seront pas affectés. Selon une source financière, « plusieurs déposants qui se doutaient depuis la réunion de vendredi que cette mesure allait être appliquée ont décidé de bloquer une partie de leurs épargne en livres ou en dollars en début de semaine pour des périodes allant de trois mois à un an pour pouvoir profiter des taux existants avant l’entrée en vigueur de la circulaire.

L’article 4 indique en outre (alinéa 2) que les banques pourront régler en livres 50 % des intérêts sur les dépôts de leurs clients en devises, pendant les six mois à venir. Plusieurs sources bancaires ont en revanche confirmé que le texte ne précisait pas clairement si cette dernière mesure s’appliquera à tous les dépôts où juste à ceux souscrits à partir du 5 décembre.

Enfin dans l’article 6, qui ne figurait pas dans le brouillon de la circulaire qui circulait avant la publication du texte définitif, la BDL demande aux banques de répercuter la baisse des taux d’intérêts sur le Beirut Reference Rate (BRR). Cet indice qui donne la moyenne indicative des taux au Liban affichait 10,39 % en octobre pour le dollar et 13,49 % sur la livre, selon les données les plus récentes du site d’indicateurs économiques Brite de BlomInvest. « Ce n’est pas non plus très clair, mais il semble qu’à travers cet article, la BDL demande implicitement aux banques d’aménager les modalités des crédits de leurs clients en prenant pour référence les niveaux du BRR après l’entrée en vigueur des baisses de taux sur les nouveaux dépôts imposées par la circulaire », analyse la source financière. Selon elle, la BDL souhaite laisser la liberté à chaque banque de gérer librement son portfolio. « Pour résumer, le texte réduirait les coûts de financement des banques pour leur permettre d’avoir une marge de manœuvre pour aménager les intérêts des crédits de leurs clients », résume à L’Orient-Le Jour le directeur du département de recherche de Byblos Bank, Nassib Ghobril, sans pouvoir s’avancer dans l’immédiat sur l’intention de la BDL.

Pour un autre banquier interrogé, « le problème de l'article 6 c'est qu'il ne garantit absolument pas que toutes les banques réduiront les taux d'intérêts débiteurs », ceux qu'ils encaissent sur les crédits. « La loi n'autorise pas la BDL à plafonner les intérêts sur les crédits, ce qui peut expliquer la formulation très vague de la circulaire sur ce point. Mais là où le bât blesse, c'est qu'il va y avoir une fracture entre les banques qui auront les moyens de baisser les taux d'intérêts sur les crédits et les découverts et celles qui ne pourront pas ou ne voudront pas le faire », expose-t-il.



(Lire aussi : L’immobilier, un investissement refuge en temps de crise)

Plus de 12 milliards d’intérêts payés en 2019
Pour Marwan Barakat, le fait que la BDL demande aux banques de baisser les taux d’intérêts sur les nouveaux dépôts est « une composante majeure de n’importe quel scénario basé sur un atterrissage en douceur de l’économie libanaise, où les taux d’intérêts étaient jusqu'ici élevés par rapport aux moyennes du marché. » Il estime en outre que « ce sont les restrictions drastiques sur les sorties de capitaux au courant du dernier mois et demi qui ont rendu cette baisse des taux possible, en dépit du risque pays (la note souveraine du Liban a été dégradée cette année par les principales agences de notation, NDLR) », ajoute-t-il. Pour illustrer son propos, M. Barakat estime que les intérêts payés par les banques sur les dépôts en devises et en livres devraient totaliser 12,2 milliards de dollars en 2019, un niveau 70 % plus élevé qu’en 2017. « Les taux d’intérêts élevés ont eu un effet d’éviction (baisse des investissements et de la consommation privée, NDLR), les investisseurs préférant être rémunérés sur leurs dépôts plutôt que d’investir dans l’économie réelle. Le ratio investissement privé/PIB a d’ailleurs atteint son plus bas niveau en 20 ans, en pesant moins de 20 % cette année », déplore-t-il. La source financière interrogée considère de son côté que le fait que les banques aient le droit de payer en livres 50 % des intérêts sur les dépôts en devises peut être ressenti comme une mesure injuste par les déposants concernés.

Les clients des banques libanaises vivent depuis plusieurs semaines avec d’importantes restrictions bancaires progressivement adoptées depuis la fin de l’été et qui touchent notamment les transferts à l’étranger et les plafonds de retraits de devises au guichet comme via les distributeurs automatiques de billets. La BDL a en outre commencé à la même période à limiter la circulation du dollar sur le marché, ce qui a dopé son prix chez les changeurs où il se négocie à plus de 2000 livres depuis plusieurs jours. Son prix avait en revanche baissé hier, pour atteindre 1980 livres en moyenne selon le syndicat de la filière. Officiellement, le prix de la livre est en revanche toujours fixé au dollar depuis 1997 (1507,5 livres, 1515/1517 pour les transactions bancaires).

La BDL devrait par ailleurs publier d’autres circulaires, notamment pour réglementer la question du contrôle des capitaux imposé de facto par les banques et qui est en principe illégal tant qu’il n’est pas entériné par une loi, ou, sous certaines conditions par une décision de la BDL.

Selon les derniers chiffres publiés par les banques, les dépôts en livres et en dollars du secteur privé au Liban ont totalisé 170,3 milliards de dollars à fin septembre (-2,3 % en un an), pour un taux de dollarisation de 72,9 % (contre 70,6 % un an plus tôt). Les crédits au secteur privé ont, eux, atteint 54,5 milliards de dollars sur la même période (-8,2 % en un an), pour un taux de dollarisation de 70,3 % contre 67,7 % un an plus tôt.


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Comme attendu depuis la fin de la semaine dernière, la Banque du Liban a émis mercredi une circulaire entérinant une baisse des taux d’intérêts sur les dépôts à travers un ensemble de mesures applicables pendant une période de six mois.Accessible sur le site de la Banque centrale, le texte (circulaire n° 536 du 4 décembre 2019) met en œuvre une des propositions...

commentaires (6)

Aïe aïe aïe .... pauvre nouvelle règle ... on vas voir de moins en moins de dollars dans les banques libanaise car payer en LL LES DÉPÔTS EN US SANS POUR AUTANT DONNER LE TAUX D INTÉRÊTS QUI VAS AVEC N EST PAS LÉGAL !! On verra de moins en moins de transfert vers le Liban de la diaspora surtout que si comme ils affirment ils augmentent la taxes dessus

Bery tus

20 h 31, le 04 décembre 2019

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Commentaires (6)

  • Aïe aïe aïe .... pauvre nouvelle règle ... on vas voir de moins en moins de dollars dans les banques libanaise car payer en LL LES DÉPÔTS EN US SANS POUR AUTANT DONNER LE TAUX D INTÉRÊTS QUI VAS AVEC N EST PAS LÉGAL !! On verra de moins en moins de transfert vers le Liban de la diaspora surtout que si comme ils affirment ils augmentent la taxes dessus

    Bery tus

    20 h 31, le 04 décembre 2019

  • Une fois de plus on s’attaque aux plus faibles en les volant de façon légalisée... Il nous faut un MBS libanais qui agisse de façon similaire avec tous ceux qui ont volé l’argent public et ont fait plonger le pays dans un endettement insupportable

    Lecteur excédé par la censure

    20 h 12, le 04 décembre 2019

  • Toutes les décisions sont lamentables depuis le rationnement des devises qui représentent 70% des dépôts au Liban. 50% en livres sur des intérêts en devises,quelle nouveauté! Alors , on sous-entend qu'on a considéré la moitié du dépôt en devises, comme si c'était en livres. Dans ce cas , Monsieur Salamé, la moitié des intérêts doivent être au taux du dépôt en livres. Veuillez donc clarifier votre circulaire qui cache des zones d'ombre. On s'attaque aux déposants en plus de la taxe des 10% sur les intérêts. Ceux qui ont poussé à ces décisions, ont-ils songé à nettoyer la fonction publique du tas de fonctionnaires inutiles et qui touchent des salaires dont ils ne rêvaient jamais s'ils restaient dans le privé , qui ne bénéficie que de prélèvements sans avoir touché la grille des salaires qui constitue une des causes de la situation grave actuelle. Alors, justice et égalité pour tous.

    Esber

    19 h 18, le 04 décembre 2019

  • Plus ils serrent l'étau et moins le peuple paiera. Ca sera la loi du talion. Il ne reste plus que l'argent dans les tirelires des petits qu'ils n'ont pas volé. Désobéissance civile ça vous parle?

    Sissi zayyat

    18 h 53, le 04 décembre 2019

  • Vue la situation actuelle, c est une bonne mesure !, je dirais même que la baisse des taux d'intérêt devrait être encore plus forte ! Cependant, cela ne veut pas dire que la BDL n est pas fautive !!!!! Salamé a prêté notre argent à un état voyous et en faillite !, et ceci en connaissances de cause ! Alors tout le mode dégage, qu ils rendent l'argent de la corruption, et laisser plutôt les spécialistes appliquer ces mesures douloureuses.

    Aboumatta

    18 h 47, le 04 décembre 2019

  • ET LES DEPOSITAIRES DE LA DIASPORA QUI DEPOSENT DES DOLLARS ET HABITENT A L,ETRANGER RECEVRAIENT LA MOITIE DE LEURS INTERETS EN L.L. POUR EN FAIRE QUOI ! ET L,ON S,ATTEND A DE NOUVEAUX TRANSFERTS DE LA DIASPORA... ON REVE ! ON FAIT DU HARA KIRI !

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 26, le 04 décembre 2019

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