Que peut-on retenir des dernières manifestations en Iran et quelles sont les différences avec les protestations de fin 2017 ? Ce sont des manifestations cycliques. En 2017, il s’agissait de manifestations de la classe populaire à travers de nombreuses provinces. Lors des dernières manifestations, non seulement le mouvement de prestation a atteint la majorité du pays, mais un plus grand nombre de personnes sont également descendues dans la rue. Les autorités iraniennes ont déclaré qu’il y avait eu au moins 400 000 participants, mais nous savons très bien qu’elles ont tendance à minimiser les chiffres. Les récents mouvements de protestation sont sans précédent aussi en termes de nombre de personnes tuées. Amnesty recense plus de 160 morts, mais certains médias iraniens avancent un bilan autour de 360 morts.
Les manifestations de 2017 n’étaient pas dues aux sanctions, mais elles reflétaient une grande déception de la part de la population envers Hassan Rohani qui avait promis un renouveau économique, lequel n’est jamais arrivé, suite à la signature de l’accord sur le nucléaire. Aujourd’hui, l’Iran est en crise en raison des sanctions américaines qui ont fait des ravages au niveau de l’économie iranienne. Mais, étrangement, on n’a pas beaucoup entendu de slogans contre Donald Trump, qui n’apparaît donc pas comme le seul responsable du piètre état de l’économie iranienne. Les slogans scandés par la population demandaient la fin de la République islamique. Cette fois-ci, la classe moyenne a montré des signes de soutien envers les manifestants des classes populaires, et si l’internet n’avait pas été coupé cela aurait pu constituer une vraie menace pour la République islamique.
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La répression et la désinformation ont été utilisées par le régime. Cela peut-il dissuader les Iraniens de descendre à nouveau dans la rue ?
L’internet coupé pendant plus d’une semaine dans un pays, c’est du jamais-vu dans l’histoire contemporaine. Cela a créé une paralysie économique très importante pour un pays comme l’Iran, qui compte 83 millions d’habitants. Ces manifestations peuvent se répéter, car la colère vis-à-vis du régime est toujours là, alors que la capacité de Téhéran à répondre aux besoins de la population est très faible. Les instances politiques élues ont très peu de marge de manœuvre et les réformateurs ont montré plus d’allégeance envers le système qu’envers les vraies revendications de la population. Les révolutions se produisent lorsque la classe moyenne et la classe populaire sont d’accord pour mettre fin à un système politique. Des élections législatives sont prévues en 2020, il es donc important pour le régime de montrer à la population et à la communauté internationale qu’il est légitime. Si le régime iranien continue de faire la sourde oreille aux revendications de la population, la colère risque de monter et cette volonté de manifester va chercher un autre débouché.
Comment l’Iran peut-il réagir face aux problèmes internes mais aussi face aux manifestations en Irak et au Liban ?
La puissance iranienne est de plus en plus défiée, que ce soit à l’intérieur du pays ou à l’extérieur, en Irak et au Liban. Cela n’est pas de très bon augure pour l’avenir du régime. Cependant celui-ci a très souvent montré des capacités à bénéficier du chaos dans la région, même la République islamique traverse aujourd’hui sa plus grande crise depuis sa création. Les ressources iraniennes sont très limitées en raison des sanctions, on s’attend à une contraction économique d’à peu près 10-15 % dans le pays, donc l’argent utilisé pour soutenir les milices en Irak et au Liban va être de plus en plus réduit. Pour l’Iran, réagir à une crise signifie garder sa population sous pression, procéder à plus de répression et faire taire les voix d’opposition au sein de la population. Le problème étant que tant que de véritables solutions ne sont pas offertes, comme en Irak, où la population lutte pour le changement, cela va créer davantage de crises. Au Liban, c’est pareil, le Hezbollah est mécontent des manifestations, mais le Hezbollah offre-t-il une réelle solution à la population ?
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18 h 32, le 02 décembre 2019