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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Nucléaire iranien : Paris hausse le ton face à Téhéran

La France pose la question du retour des sanctions internationales contre la République islamique.

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, arrivant au palais de l’Élysée à Paris pour assister à une réunion avec le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, le 28 novembre 2019. Bertrand Guay/AFP

S’ils ont jusque-là été les plus ardents défenseurs de l’accord sur le nucléaire de 2015 (ou JCPOA), les Européens, et les Français en particulier, semblent ces dernières semaines changer radicalement de position vis-à-vis de la République islamique et de leur soutien à l’accord.

La France a averti mercredi l’Iran qu’elle serait prête à enclencher la procédure de mise en route d’un mécanisme inclus dans le marché pouvant, à terme, mener au rétablissement de sanctions internationales de l’ONU contre Téhéran. « Tous les deux mois, il y a une encoche supplémentaire (de l’Iran au texte), si bien qu’on s’interroge aujourd’hui, je le dis très clairement, sur la mise en œuvre du mécanisme de règlement des différends qui est prévu dans le traité », a ainsi expliqué le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. « Étant donné la succession d’actions prises par les autorités iraniennes, qui sont progressivement en rupture avec le contenu du JCPOA, la question se pose », a-t-il ajouté. Le dispositif en question est appelé « Snap-Back ». « Un mécanisme de retour automatique de toutes les sanctions de l’ONU en cas de violation par l’Iran de ses obligations permettra de s’assurer que Téhéran respectera ses engagements pendant toute la durée de l’accord », stipule le texte de l’accord.

Les propos de M. Le Drian interviennent trois semaines après l’entrée dans la « quatrième phase » de retrait par la République islamique de ses engagements vis-à-vis du JCPOA. Le 5 novembre, Téhéran avait annoncé la remise en route de centaines de centrifugeuses dans le centre d’enrichissement d’uranium de Fordo (à quelque 180 km au sud de Téhéran). Ils interviennent également au moment où les relations entre Paris et Téhéran sont en dents de scie sur de nombreux dossiers, notamment ceux sur les missiles balistiques et la politique régionale de l’Iran, mais surtout celui concernant l’emprisonnement de chercheurs français en Iran : l’anthropologue Fariba Adelkhah et son confrère Roland Marchal, spécialiste de l’Afrique.

Téhéran n’a pas tardé à réagir aux propos de M. Le Drian, rejetant hier les interrogations « irresponsables » de la France. « L’allègement par l’Iran de ses engagements nucléaires est l’application de ses droits légaux à réagir au retrait illégal et unilatéral de l’accord de l’Amérique et à l’incapacité des parties européennes à remplir leurs obligations », a ainsi affirmé le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Abbas Moussavi, cité par la télévision d’État, précisant que « dans ces circonstances, l’accord ne prévoit pas le déclenchement de ce mécanisme. (...) Les propos de ce responsable français sont irresponsables et pas constructifs », a-t-il ajouté. « La France a attendu de longs mois face aux manœuvres iraniennes car elle espérait pouvoir débloquer la situation, notamment avec les efforts diplomatiques engagés par Emmanuel Macron vis-à-vis des présidents Trump et Rohani », explique François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran de 2001 à 2005, contacté par L’Orient-Le Jour, notant par ailleurs qu’« on a maintenant le sentiment que les différents acteurs concernés ont perdu espoir de trouver une solution ».


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Une menace crédible

Les Européens avaient déjà tapé du poing sur la table au début du mois de novembre, avertissant alors Téhéran que le soutien de l’Europe au JCPOA était lié au « plein respect des engagement pris par l’Iran ». Autrement dit, si les Iraniens continuent de se désengager de l’accord, les Européens cesseront de le soutenir.

Selon les analystes, la menace de la France est crédible car sur le papier, « l’accord de 2015 est bâti de telle manière qu’un seul pays peut, à lui seul, obtenir le rétablissement des sanctions des Nations unies (…) Il n’a pas besoin d’une unanimité au Conseil de sécurité », explique l’ancien diplomate. La France peut ainsi choisir d’aller de l’avant, et en vertu de son pouvoir de membre permanent du Conseil de sécurité, choisir de réimposer les sanctions internationales de l’ONU. Elle pourrait également tenter de convaincre les autres parties prenantes de l’accord de s’aligner sur sa position. Les signataires du côté européen, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, qui partagent les préoccupations de la France vis-à-vis de l’Iran, devraient sans hésitation se joindre aux côtés de Paris. Mais pour ce qui est des Russes et des Chinois, c’est une autre affaire. « Les Européens peuvent essayer de forcer la main à Moscou et Pékin, mais cela aurait un prix diplomatique. Mais s’ils ne réussissent pas, les Européens prendront alors la décision d’aller de l’avant ou d’attendre encore un peu. » Cette décision dépendra du choix de Téhéran de se retirer davantage, ou non, de l’accord sur le nucléaire en janvier prochain.Faire toutefois revenir l’Iran sur sa position est une autre histoire. Les sanctions des Nations unies sont de moins grande ampleur que celles que les Américains ont réimposées le 8 mai 2018. Celles de l’ONU ciblent essentiellement ce qui relève du nucléaire et de la défense de l’Iran, tandis que celles des États-Unis touchent tous les secteurs de l’économie iranienne, des transactions financières jusqu’au pétrole. « Les Russes et les Chinois ont toujours refusé que les sanctions de l’ONU aillent au-delà du sujet de la crise, à savoir : le nucléaire et la défense », explique François Nicoullaud. Elles auraient toutefois un impact symbolique fort. Le Conseil de sécurité des Nations unies étant la voix de la communauté internationale dans le monde, s’il opte pour un rétablissement des sanctions internationales, l’Iran ne tarderait pas à quitter à son tour le JCPOA et serait de nouveau relégué au rang d’« État voyou ». Un statut auquel il avait échappé, justement, grâce à l’accord sur le nucléaire.


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