Les liens entre Doha et Ankara se sont consolidés depuis que l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Bahreïn et l'Egypte ont rompu leurs relations diplomatiques en juin 2017 avec le Qatar. Ces quatre pays accusent Doha de soutenir les mouvements islamistes -ce que nie l'intéressé- et de vouloir se rapprocher de l'Iran chiite, principal rival régional du royaume saoudien sunnite.
"Ceux qui demandent la fermeture de cette base sont ceux qui n'ont toujours pas compris que la Turquie était l'amie du Qatar dans les jours difficiles", a dit M. Erdogan. "(...) Nous n'avons jamais abandonné nos amis face aux menaces et au danger". "Mon souhait est que la crise qui continue dans le Golfe depuis deux ans et demi soit résolue dans les plus brefs délais", a-t-il ajouté sur la base en banlieue de Doha, où quelque 5.000 troupes sont stationnées.
Si le Qatar et la Turquie, qui soutiennent tous deux l'organisation des Frères musulmans, ont renforcé leurs relations économiques et politiques, les liens entre Ankara et Riyad se sont dégradées depuis le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi par des agents saoudiens dans le consulat de son pays à Istanbul en octobre 2018.
(Lire aussi : Iran, Yémen, Qatar : Riyad mise sur la détente)
"Relation personnelle"
Durant sa visite, le président turc a rencontré l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani. Des accords économiques et commerciaux bilatéraux ont été signés. Les deux pays ont prévu une coopération accrue dans le cadre de projets liés à la Coupe du monde de football au Qatar en 2022.
La Turquie et le Qatar "se trouvent dans une situation de gagnant-gagnant", estime Andreas Kreig, professeur au King's College de Londres. "La Turquie souhaitait installer (une base) dans le Golfe et le Qatar avait besoin d'un soutien militaire étranger" après l'embargo. Selon lui, la visite de M. Erdogan vise à démontrer "le caractère résilient de cette relation bilatérale" après des tensions rapportées entre les deux pays en raison de la couverture par les médias au Qatar de l'offensive turque en Syrie en octobre.
Doha est le seul pays membre de la Ligue arabe, avec la Somalie, à avoir émis des réserves à un texte condamnant "l'agression" turque contre les forces kurdes dans le nord de la Syrie.
"Les Qataris se sont trouvés dans une situation difficile", observe le professeur car, "ils ont reconnu le droit de la Turquie à se défendre tout en étant en désaccord sur les moyens utilisés par Ankara".
Mais, pour Andreas Kreig, les deux pays restent essentiellement liés par "une relation personnelle entre M. Erdogan et l'émir du Qatar".
"Tentative d'apaisement"
La Turquie a été l'un des premiers pays à apporter son soutien à l'émirat gazier après l'annonce du boycott des voisins du Qatar. Doha a de son côté annoncé l'année dernière un prêt de 15 milliards de dollars à la Turquie, alors plongée dans une crise financière.
La visite de M. Erdogan est intervenue sur fond d'espoir d'une détente dans la région, alors que les équipes de football d'Arabie saoudite, des Emirats et de Bahreïn participent cette semaine à la Coupe du Golfe à Doha, une première depuis 2017.
Pour Cinzia Bianco, chercheuse spécialiste du Golfe au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), "la visite d'Erdogan doit être lue dans le contexte d'une tentative d'apaisement entre le Qatar et l'Arabie saoudite". "La Turquie a longtemps été considérée comme un rival régional par Abou Dhabi puis par Riyad", déclare-t-elle à l'AFP. "Erdogan tente de s'assurer qu'un éventuel apaisement dans le Golfe ne se fera pas au détriment des relations turco-qataries".
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