Le commandant en chef de l'armée libanaise, le général Joseph Aoun, s'est adressé jeudi à la troupe, à la veille du 76e anniversaire de l'Indépendance, demandant aux militaires de ne pas se laisser affecter par les tensions politiques, au moment où le pays entame son 2e mois d'une contestation populaire inédite contre la classe politique, qui a poussé le gouvernement à la démission.
"Militaires, notre fête de l'Indépendance coïncide cette année (...) avec les circonstances exceptionnelles que traverse notre pays et qui se répercutent sur tous les plans", a dit le chef de l'armée, dans son ordre du jour à la troupe.
"Nous sommes aux portes des célébrations du centenaire du Grand Liban, qui coïncident également avec le jubilé de diamant de l'armée. De ce fait, nos responsabilités sont décuplées à l'ombre de nombreux défis sur le plan régional ainsi que sur le plan sociétal interne. Cela requiert de notre part davantage de vigilance, de sagesse et de préparation afin de surmonter ces défis", a prévenu le général Aoun.
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"Restez à l'écart des rumeurs"
"A l'ombre de ces circonstances sensibles qui vous sont imposées, et qui constituent une nouvelle approche de la réalité que vous n'avez jamais souhaiteé, vous avez accompli votre devoir avec honneur, sacrifice et fidélité, munis de la confiance de votre commandement et du soutien de vos familles. Vous avez respecté votre serment et avez prouvé que l'institution militaire rassemble tous les enfants de la nation, indépendamment de leurs divergences d'appartenance et de leurs points de vue. Vous avez effectué votre mission de manière professionnelle et responsable, alors que votre mission militaire consiste à lutter contre l'ennemi israélien qui viole quotidiennement notre souveraineté (...), et contre le terrorisme qui profite de certaines occasions pour porter un coup à la paix civile et provoquer la discorde (...)", a poursuivi le général Aoun.
"Votre vigilance et votre sens des responsabilités, dans le cadre de cette crise, ont mis en échec tous ceux qui cherchent à pêcher en eaux troubles. Votre maîtrise de soi a prouvé votre attachement à la paix civile et à la sauvegarde des droits de tous les citoyens. Militaires, je vous appelle à rester fidèles à votre serment, tout en étant conscients des dangers qui ne cesseront pas avec la fin de cette crise, car vous pourriez faire face à d'autres obstacles à l'avenir. Sauvegardez la nation. Restez à l'écart des rumeurs et ne laissez pas les tensions politiques vous empêcher de mener votre mission à bien et affecter votre moral (...)", a conclu le commandant en chef de la troupe.
Le commandant en chef de l’armée est soumis à des pressions du pouvoir pour sévir contre les protestataires qui bloquent les routes depuis le début du mouvement de protestation populaire. Si les manifestants disent vouloir par là faire entendre leurs revendications, les milieux du 8 Mars ne perçoivent pas les choses sous cet angle et estiment qu’il s’agit d’une atteinte au droit à la libre circulation, garanti par la Constitution.
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"Un Etat juste et moderne"
Le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, s'est également adressé aux militaires de la SG dans son ordre du jour, estimant que le Liban "ne sera pas sûr sans un Etat juste et moderne".
"Le défi consiste à concrétiser l'indépendance sous le seul titre de l'édification d'un Etat fort, capable et juste... et cela ne peut s'effectuer que grâce à la volonté des Libanais et la vôtre. Soyez fidèles au serment que vous avez prêté et à la hauteur de la confiance que les citoyens vous ont accordée", a dit le général Ibrahim aux agents de la SG.
"(...) Le Liban ne sera jamais sûr sans un Etat juste et moderne qui se base sur les plus hauts standards de transparence dans sa gestion des affaires administratives et financières, en application de la loi (...)", a ajouté Abbas Ibrahim.
"Militaires, le Liban traverse la phase la plus sensible de son histoire moderne, notamment en raison des visions contradictoires des différentes forces autour de l'édification d'un Liban sûr que tout le monde réclame, et qui soit souverain, libre et indépendant (...)", a souligné le chef de la SG.
"La condition d'un vrai redressement du triptyque souveraineté, liberté et indépendance se base sur l'attachement aux institutions constitutionnelles, aux mécanismes qui garantissent le travail pacifique et légal à l'ombre du système parlementaire démocratique juste, et sur un Etat doté d'une forte économie et d'une justice honnête (...)", a conclu le général Ibrahim.
L'armée et la police sont déployées sur tout le territoire pour assurer l'ouverture des routes bloquées par les protestataires et empêcher les débordements. Les militaires et les forces de l'ordre ont régulièrement fait usage de la force non létale pour disperser certaines manifestations, faisant plusieurs blessés dans les rangs des protestataires, dont certains ont également blessé des soldats et des agents de la police.
"Protéger l'indépendance"
De son côté, le président du Parlement, Nabih Berry, s'est adressé aux Libanais, les appelant à "protéger l'indépendance". "De la même manière qu'ils ont forgé l'indépendance il y a 76 ans par leur union, les Libanais sont appelés aujourd'hui à protéger cette indépendance mais aussi à la forger de nouveau en renforçant leur union et en évitant de tomber dans le piège de la dissension".
Le 76e anniversaire de l'Indépendance du Liban intervient alors que depuis le 17 octobre, des centaines de milliers de Libanais de tous bords sont descendus dans les rues pour dénoncer la dégradation de la situation économique et réclamer le départ d'une classe politique jugée incompétente et corrompue.
Face aux manifestants plus que jamais en colère et déterminés, le président de la République, Michel aoun, a eu la semaine dernière une formule lapidaire: "Si, au sein de l'Etat, il n'y a personne qui leur convient, qu'ils émigrent", avait-il asséné, attisant la colère de la rue. De nombreux protestataires appellent depuis le chef de l'Etat à céder sa place.
Le président Aoun s'adresse aux Libanais ce soir à 20h à l'occasion de l'Indépendance. Le chef de l'Etat doit fixer la date des consultations parlementaires contraignantes pour la formation du gouvernement, mais il repousse cette échéance en affirmant vouloir aboutir à un accord politique préalable afin d'éviter des obstacles au prochain chef du cabinet qui doit former son équipe.
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17 h 44, le 21 novembre 2019