Depuis le début du mouvement contestataire, l’institution militaire, plus précisément le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, semble au cœur d’une campagne politique et médiatique orchestrée par le camp du 8 Mars. Au vu de son timing et du contexte dans lequel elle est intervenue, certains estiment que des considérations politiques et « présidentielles » se tiennent derrière cette campagne.
Le commandant en chef de l’armée est surtout soumis à des pressions du pouvoir pour sévir contre les protestataires qui bloquent les routes depuis le début du mouvement de protestation populaire le 17 octobre. Si les manifestants disent vouloir par là faire entendre leurs revendications, les milieux du 8 Mars ne perçoivent pas les choses sous cet angle et estiment qu’il s’agit d’une atteinte au droit à la libre circulation, garanti par la Constitution. Même le président de la République, Michel Aoun, n’a pas caché son mécontentement quant au blocage des routes, le considérant comme une atteinte à la liberté de circulation, mais surtout comme une mesure pouvant porter atteinte à l’économie nationale. S’exprimant devant l’émissaire français Christophe Farnaud, le 13 novembre, le chef de l’État avait déploré le fait que « la conjoncture économique se dégrade à cause des protestations et manifestations (…) ».
Sous la pression du pouvoir, l’armée a donc été appelée à tout faire pour rouvrir les routes. Si des accrochages entre la troupe et les manifestants ont été enregistrés, notamment à Jal el-Dib, globalement, et contrairement à ce qu’auraient voulu les forces hostiles au mouvement contestataire, l’institution militaire n’a pas cherché à entraver le droit, consacré par la Constitution, des manifestants à s’exprimer, conformément aux directives du général Joseph Aoun, souligne un expert militaire. Cela a valu au commandant en chef de l’armée plusieurs accusations, doublées de rumeurs selon lesquelles ses rapports avec le président Aoun seraient en dents de scie. Des rumeurs toutefois démenties à plusieurs reprises.
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« Certains œuvrent pour que le sang coule au Liban »
C’est surtout le Hezbollah, à travers les médias gravitant dans son orbite, qui semble mener campagne contre la troupe. En témoigne un article publié hier dans les colonnes du quotidien al-Akhbar accusant, en substance, le commandement en chef de l’armée de s’être joint au camp du 14 Mars dans sa tentative de torpiller la séance parlementaire de mardi. Celle-ci a été reportée sine die, faute de quorum, l’écrasante majorité des députés des blocs parlementaires ayant boycotté la réunion ou n’ayant pas pu arriver à l’hémicycle en raison du blocage, par les manifestants, des accès au Parlement. Dans ce même cadre s’inscrivent des propos tenus hier par Ali Ammar, député Hezbollah de Baabda. S’exprimant à l’issue des audiences du mercredi tenues à Aïn el-Tiné, il n’a pas mâché ses mots. « Nous avons vu des officiers et des soldats rester les bras croisés pendant que les députés de la nation étaient insultés et offensés », a-t-il tonné, rappelant que « le commandant en chef de l’armée s’était engagé à protéger aussi bien les manifestants que le droit à la libre circulation ». Il s’est dit « désolé » de « constater que ce qui s’est passé est à même de semer les doutes ». M. Ammar faisait ainsi allusion aux propos du général Joseph Aoun, alors qu’il inspectait les troupes chargées de la sécurité au milieu d’un mouvement de contestation à Beyrouth et au Mont-Liban, dimanche dernier. « L’armée est responsable de la sécurité des manifestants et du reste des citoyens », avait-il souligné, rappelant qu’« il est interdit de bloquer les routes » et que « le droit à la libre circulation est consacré dans les conventions internationales ».
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Sauf que des sources informées confient à L’Orient-Le Jour que contrairement à ce que l’on serait tenté de croire, l’armée était censée protéger les entrées de Beyrouth, durant la journée de mardi, alors que les rues de la ville étaient confiées aux Forces de sécurité intérieure.
À son tour, le président de la Chambre, Nabih Berry, cité par Ali Bazzi, député du mouvement Amal, a estimé que certains œuvrent pour que « le sang coule au Liban ». « Nous refusons cela. Et la priorité est et restera accordée à la préservation du Liban et de la paix civile », a ajouté M. Berry.
Ce n’est pas la première fois que la troupe se trouve dans le collimateur du camp du 8 Mars. Et ce ne sera probablement pas la dernière. « Ce genre de campagne contre l’armée et le général Joseph Aoun demeurera tant que ce dernier est perçu comme candidat potentiel à la présidence de la République », estime Khalil Hélou, général à la retraite contacté par L’OLJ. Mais il souligne qu’« il est encore très tôt pour trancher cette question ». « Le pouvoir voulait voir le général Joseph Aoun réprimer les protestataires. Mais cela ne s’est pas produit », rappelle M. Hélou, louant le fait que « l’armée ait accompli son devoir de préservation de la stabilité. Elle en est même devenu le pilier ».
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Même son de cloche de la part de Charles Chikhani, également général à la retraite. Interrogé par L’OLJ, il explique les flèches décochées en direction de Joseph Aoun par des calculs prématurés auxquels se livrent certains présidentiables. « Ces attaques se poursuivront dans la prochaine phase », estime-t-il, sachant que rien ne garantit l’accession de Joseph Aoun à la tête de l’État «. Se félicitant de l’action menée par l’institution militaire depuis le déclenchement du mouvement de contestation, M. Chikhani rappelle que » le commandant en chef de l’armée se trouve dans une situation assez délicate. D’une part, il doit garantir la sécurité des protestataires qui usent d’un droit fondamental et, de l’autre, il doit préserver la liberté de circulation ».
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commentaires (18)
J'AVAIS ECRIT HIER DANS CES MEMES COMMENTAIRES LE SUIVANT J'AI BIEN PEUR QUE SI LE PRESIDENT N'ANNONCE PAS CE SOIR DES CONSULTATIONS PARLEMENTAIRES, MEME POUR SAMEDI OU LUNDI LE PEUPLE FORCERA SA DEMISSION EN LUI MONTRANT SON DEGOUT D'UNE TEL CLASSE DIRIGEANTE SOUCIEUSE DE SES CHAISES ET PAS DU BIEM DU PAYS J'ESPERE QUE JE ME TROMPE ET QU'IL AURA ENFIN LE COURAGE D'ALLER CONTRE LES AVIS DE SON GENDRE (GEBRAN,) RESPONSABLE D'AU MOINS 50% DE LA REVOLUTION je constate qu'il n' eu ce courage Sa meilleur sortie pour le bien du Liban serait de demissionner et l'election d'un nouveau President qui lui aura ce courage
LA VERITE
15 h 24, le 22 novembre 2019