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Liban - Présidence

Aoun : Les consultations parlementaires pourraient avoir lieu jeudi ou vendredi

Le chef de l’État reproche à la rue de n’avoir pas réagi à son appel au dialogue.

Michel Aoun lors de l’entretien accordé hier aux journalistes Nicolas Nassif (à gauche) et Sami Kleb. Photo Dalati et Nohra

Le président Michel Aoun a affirmé, lors d’un entretien retransmis sur les différentes chaînes de télévision libanaises, que « le prochain gouvernement devrait être techno-politique », composé d’experts et des représentants des partis traditionnels, dans la mesure où le pays passe par une situation difficile qui exige des décisions que devraient prendre des politiques.

Avant même la fin de l’interview, des dizaines de protestataires avaient coupé la voie express du Ring à Beyrouth à l’aide de pneus en feu, scandant : « Désobéissance civile demain! » Cette réaction s’explique notamment par le fait que le président continue de maintenir le flou quant à la date prévue pour les consultations parlementaires contraignantes qui doivent déboucher sur la nomination d’un nouveau chef du gouvernement? Il a en outre eu des propos provocateurs, appelant notamment les protestataires à émigrer s'ils « ne trouvent pas de personnes intègres dans cet Etat ». Il a, en outre barré la voie dans son interview à la possibilité de mettre en place un gouvernement composé exclusivement de spécialistes indépendants. Ce dernier point constitue l’une des principales revendications des manifestants, depuis le soulèvement du 17 octobre, mais aussi celui du Premier ministre sortant Saad Hariri, s’il est désigné pour mettre en place le nouveau cabinet. « Il n’y aura pas de gouvernement choc dans le sens où il sera exclusivement composé de technocrates. D’une part, il y a le Parlement. D’autre part, qui va définir la politique du pays ? Il faut qu’il soit mixte, mais il ne ressemblera pas au précédent et ne sera pas formé dans les mêmes conditions », a-t-il dit, avant d’assurer qu’il n’y aura pas de députés parmi les ministres.

Il n’a pas voulu répondre à la question de savoir si Saad Hariri est appelé à former la nouvelle équipe : « Avant les consultations, je ne peux rien dire. Il aura peut-être 100 voix et il se peut que cela ne soit pas lui. »

À maintes reprises, Michel Aoun a reproché aux manifestants de n’avoir pas réagi favorablement à tous ses appels au dialogue. Un appel qu’il a réitéré hier à l’adresse des protestataires, « afin de mener les réformes nécessaires, combattre la corruption et édifier un État ». Et de poursuivre : « Comment envisager une solution à cette crise si dans les rangs des protestataires il n’y a personne qui veuille dialoguer ? » « Les fermetures des routes, des institutions publiques et la suspension des cours paralysent le pays », a-t-il dénoncé, appelant les manifestants à « ne pas détruire le pays ». À la fin de son entretien, il a exhorté les Libanais à « retourner chez eux pour que la vie reprenne son cours et que le futur gouvernement puisse travailler dans la lumière et non dans l’obscurité ».

« Nous avons bien entendu vos revendications et vos appréhensions mais ne détruisez pas le pays et cessez d'assiéger les institutions publiques ». « S'ils estiment qu'il n'y a pas de personnes intègres dans cet Etat, qu'ils émigrent, a encore lancé le président. Qu'ils revoient mon passé et qu'ils restent avec moi si ce passé leur plaît, sinon c'est moi qui partirai ». Ces propos ont suscité un tollé sur les réseaux sociaux, poussant la présidence à publier une mise au point quelque peu alambiquée. « Ces propos ont été mal interprétés, peut-on y lire. Le chef de l'Etat voulait dire que si les contestataires n'arrivent pas à trouver des personnes intègres pour participer à un dialogue, qu'ils émigrent car de cette façon ils n'arriveront pas au pouvoir".


Saad Hariri « hésite »

À la question de savoir si les consultations parlementaires contraignantes pour nommer un Premier ministre allaient avoir lieu jeudi ou vendredi, M. Aoun a répondu : « C’est vrai, mais cela dépend des réponses que nous attendons des personnes concernées. Si nous n’obtenons pas de réponses, nous pourrons retarder les consultations de quelques jours, mais beaucoup d’obstacles ont déjà été levés. »

La présidence avait justifié le retard dans l’annonce de la date des consultations parlementaires par la volonté de M. Aoun de mener des tractations préalables entre les différentes formations politiques afin de préparer la « formule » selon laquelle sera formé le futur cabinet. Les discussions butent notamment sur la question de la mise sur pied d’un gouvernement composé uniquement de technocrates, comme le réclame la rue, alors que certains partis, comme le Hezbollah et le Courant patriotique libre, prônent un gouvernement « techno-politique ». La place dans le futur gouvernement du chef du Courant patriotique libre et ministre sortant des Affaires étrangères Gebran Bassil, figure particulièrement conspuée par les manifestants, pose également problème.

À la question de savoir si M. Bassil fera partie du prochain cabinet, le président a répondu : « Il lui revient de décider. Mais, dans un système démocratique, personne ne peut mettre un veto sur le chef du plus grand groupe parlementaire chrétien. » Il a en outre estimé qu’il était compliqué de nommer des ministres sans aucune affiliation politique, comme le demande le chef des Forces libanaises Samir Geagea. « Où vais-je les trouver ? Sur la lune ? Existe-t-il des Libanais qui ne sont affiliés à aucun parti politique ? » a-t-il ironisé.

M. Aoun a indiqué que « des raisons personnelles poussent Saad Hariri à hésiter à reprendre le poste de Premier ministre ». « Personne ne peut lui en vouloir », a-t-il dit, soulignant « ne pas pouvoir décider lui-même qui sera président du Conseil avant les consultations parlementaires contraignantes ».

Le chef de l’État a par ailleurs affirmé que la question de la place du Hezbollah dans le futur cabinet « peut être résolue ». Le parti chiite « respecte la résolution 1701 de l’ONU », a-t-il souligné, précisant que les sanctions financières imposées au parti chiite impactent tous les Libanais. Il a souligné que le Hezbollah « ne fait que se défendre » et « personne ne peut m’obliger à prendre mes distances avec un parti qui représente un tiers du peuple libanais ».


Les réformes et la corruption

Le chef de l’État a critiqué le slogan « Tous sans exception », populaire lors des manifestations, estimant qu’il y avait au pouvoir des gens compétents qui pouvaient mettre en œuvre le plan nécessaire pour sortir le pays de la crise. Ce plan contient trois grands axes, a-t-il souligné : la lutte contre la corruption, la sortie de la crise économique et l’établissement d’une société civile. « Si nous travaillons sur ces trois points, nous pouvons construire un État », a-t-il déclaré. Il a dans ce contexte préconisé « la formation d’un gouvernement qui aura le courage de lutter contre la corruption et pourra mettre en application un plan économique ». Il a en outre estimé qu’il faudra du temps à la société pour pouvoir « changer ses pratiques et coutumes ».

Sur le plan de la lutte contre la corruption, le président Aoun a affirmé que désormais « tout le monde sait où en sont les dossiers de corruption », précisant que de nouveaux juges « dignes de confiance » avaient été nommés pour juger ces affaires. Il a souligné avoir rappelé aux magistrats, lors d’une réunion avec le Conseil supérieur de la magistrature, qu’ils « ne sont pas des responsables politiques » et devaient procéder à ces nominations « sur base des compétences et de l’éthique ». « La première cause de la corruption dans la justice est l’ingérence politique », a-t-il ajouté, estimant qu’il était temps de mettre en œuvre des réformes pour venir à bout du « délabrement » du corps judiciaire.


« Ne pas se ruer sur les banques »

Concernant la crise économique que traverse le pays, due notamment à la limitation de la circulation du dollar sur le marché, le président Aoun a exhorté les Libanais « à ne pas se ruer sur les banques » pour retirer leurs fonds et « aggraver la situation ». « Vous pourrez récupérer vos fonds et nous allons résoudre cette crise », a-t-il déclaré. Il a dans ce contexte indiqué « avoir confiance » dans le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé.

Évoquant enfin la question des réfugiés, Michel Aoun a dénoncé l’intention de l’Europe de « chercher à intégrer les réfugiés syriens dans la société libanaise ». Il a réitéré son appel à « un retour des réfugiés dans leur pays », regrettant que la communauté internationale lui réponde toujours qu’il faut attendre une solution politique en Syrie. « Les réfugiés syriens ont fui pour des raisons de sécurité, ils ne sont pas des réfugiés politiques, il ne faut donc pas attendre une telle solution », a-t-il insisté, soulignant que l’économie libanaise souffre de leur présence.

Le président Michel Aoun a affirmé, lors d’un entretien retransmis sur les différentes chaînes de télévision libanaises, que « le prochain gouvernement devrait être techno-politique », composé d’experts et des représentants des partis traditionnels, dans la mesure où le pays passe par une situation difficile qui exige des décisions que devraient prendre des politiques....

commentaires (4)

Le Hezbollah "respecte la résolution 1701 de l’ONU". C'est une excellente nouvelle! Ainsi donc, il a évacué toutes ses armes de la bande frontalière. Bravo! Comment a-t-l pu le faire sans que personne ne s'en aperçoive?

Yves Prevost

10 h 56, le 13 novembre 2019

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Commentaires (4)

  • Le Hezbollah "respecte la résolution 1701 de l’ONU". C'est une excellente nouvelle! Ainsi donc, il a évacué toutes ses armes de la bande frontalière. Bravo! Comment a-t-l pu le faire sans que personne ne s'en aperçoive?

    Yves Prevost

    10 h 56, le 13 novembre 2019

  • IL N,Y A RIEN QUI PRESSE. 3ALA MAHLAK. LE PAYS S,EFFONDRE SEULEMENT. NERON JOUAIT MEME DE LA LYRE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 42, le 13 novembre 2019

  • Il n'existerait aucun libanais compétent, intègre et indépendant ? Vraiment triste pays, s'il a raison ! Quant au Hezbollah, ce n'est pas "un parti qui représente le tiers des libanais ", mais une milice illégale. Il est donc, non seulement facile, mais obligatoire de s'en désolidariser.

    Yves Prevost

    06 h 40, le 13 novembre 2019

  • Pitoyable dans la forme, désastreuse dans le fond, l'intervention de Michel Aoun n'a fait que jeter de l'huile sur le feu. Il aurait mieux fait de se taire.

    Tabet Ibrahim

    06 h 33, le 13 novembre 2019

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