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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Irak, Liban : peut-on faire la révolution sans leaders ?

L’incapacité de l’opposition à s’organiser affaiblit largement le mouvement.

Des étudiants libanais manifestant hier à Beyrouth. Anwar Amro/AFP

De l’Irak à l’Algérie, en passant par le Liban et le Soudan, les scènes sont les mêmes. Des milliers de manifestants occupent les rues, de façon spontanée, pour demander un changement de la classe politique et de meilleures conditions de vie. Avec à chaque fois un point commun crucial : l’absence de leaders définis. Résultat d’une gronde sociale couvant depuis plusieurs années, l’aspect diffus des contestations n’est pas sans rappeler l’une des caractéristiques principales des soulèvements du printemps arabe qui ont balayé la région en 2011. Une dynamique qui semble être dans l’air du temps si l’on analyse les mouvements au Chili, à Hong Kong ou encore en France avec les « gilets jaunes ». Considérées comme la « deuxième vague du printemps arabe » par de nombreux observateurs, les manifestations régionales traduisent à nouveau un rejet des systèmes politiques exploitant les divisions sectaires en place. Les protestataires mettent un point d’honneur à insister sur leur appartenance nationale, se défendant de toute affiliation politique et dénonçant les lacunes institutionnelles et structurelles des États faillis.

Ne pas avoir de porte-voix désigné ébranle les régimes en place puisqu’il leur est difficile de menacer une personne ou un groupe spécifique ou de lancer une contre-attaque politique pour mettre un terme aux contestations. Cela permet aussi de rassembler l’ensemble des populations sous une même bannière, malgré les divergences de point de vue. Mais cet atout peut également se retourner contre les manifestants puisqu’il prive l’opposition de visibilité et complique l’établissement d’une formation qui porterait les revendications du peuple. En Syrie, par exemple, le fait qu’aucune figure de l’opposition ne se soit démarquée et que les différents partis n’aient pas réussi à s’unir a largement fragilisé leurs positions.

« Dans la première phase de la contestation, il est important de ne pas avoir de leaders afin qu’ils ne puissent pas être visés ou cooptés par ceux qui détiennent le pouvoir », explique Georges Fahmi, chercheur associé à Chatham House, contacté par L’Orient-Le Jour. « Il faut cependant entrer dans une période de négociations dans la seconde phase du mouvement, avec des messagers qui puissent relayer les demandes de la population », continue-t-il. Si le manque d’organisation politique sert d’abord les intérêts des manifestants en déstabilisant le système politique en place, il peut finir par les desservir en s’inscrivant dans le temps. Récupération politique, exacerbation des divisions, essoufflement de la contestation... autant d’éléments qui peuvent mettre en péril les mouvements sociaux dans la région. « La principale leçon du printemps arabe est qu’une transition démocratique ne peut pas être gérée par un seul acteur, mais doit être faite de manière collective avec l’opposition et, le plus probablement, avec les représentants des institutions de l’État », observe-t-il.



(Lire aussi : De Beyrouth à Bagdad, en passant par Téhéran)



La dernière leçon
Le chemin pour arriver à des négociations semble toutefois encore long dans les cas libanais et irakien où l’absence d’une liste de revendications clairement établies et de représentants empêche les manifestants de se poser comme un contre-pouvoir solide pour le moment. Au pays du Cèdre, le pacifisme relatif du soulèvement qui balaie le pays du nord au sud pourrait pourtant présenter des conditions propices à la formation d’une entité capable de jouer le rôle de porte-voix de la contestation. Le fait que les protestataires ne le fassent pas pourrait finir par porter préjudice à la survie du mouvement, dans un pays sujet aux divisions locales mais aussi aux ingérences extérieures.

En Irak, l’option est plus difficilement envisageable dans le contexte actuel où les manifestations sont cantonnées au Sud à majorité chiite, empêchant de donner une dimension d’unité nationale au soulèvement. Les protestataires doivent également faire face à une violente répression de la part du gouvernement de Adel Abdel Mahdi, qui a fait près de 300 morts depuis le début du mois d’octobre, et aux pressions iraniennes pour contenir les manifestations.

Du côté du Maghreb, le soulèvement qui a débuté en Algérie en février dernier ne faiblit toujours pas, mais aucune figure n’a toutefois encore émergé. « En Tunisie, il y a eu l’établissement en 2011 d’une “Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique” composée de différents partis politiques, de la société civile et de figures indépendantes qui a été menée par un professeur de droit constitutionnel pour la rédaction d’une loi électoral, par exemple », rappelle Georges Fahmi. Un scénario qui n’a pas pu avoir lieu la même année en Égypte où l’armée a pris en main la gestion de la période transitoire, empêchant l’établissement d’une sphère d’échange et limitant la marge de manœuvre de la société civile. Au Soudan, un accord de partage du pouvoir a fini par être signé entre les meneurs de la contestation et les militaires en juillet dernier, soit sept mois après le début des manifestations et trois mois après la chute du régime de Omar al-Bachir. Un « Conseil souverain » a été intronisé en août dernier et remplace depuis le Conseil militaire de transition. Il est chargé de mener à bien une période transitoire qui doit s’étaler sur trois ans, dans le but de mener à un gouvernement civil.

La deuxième vague des printemps arabes a tiré de nombreuses leçons des échecs de la première : elle est pacifique, elle met à l’écart les mouvements islamistes et ne se laisse pas berner par les récits contre-révolutionnaires. Reste une dernière leçon à apprendre : que l’opposition s’organise pour pouvoir incarner l’alternance.



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commentaires (8)

De quoi se plaignent les critiques de la révolte du peuple libanais? Est ce qu'on était au beau fixe avec nos politiciens modèles Ford T? Est ce qu'on était satisfait de nos dirigeants religieux d'un temps ancestral? Est-ce qu'on se réjouissait que nos sois disant responsables s'enrichissent au dépend de l'avenir de nos générations futures? Est-on si content de notre statu-quo qu'on le défend à corp et âme sachant que ceci ne profite qu'à des zaims égoïstes et insatiables? Trêve de plaisanterie et supportons ces libanais qui réclament leurs droits et leurs vies et joignons nous tous à eux au lieu d'encenser ces vestiges moyenâgeux pour des raisons qui ne nous concernent pas!!

Wlek Sanferlou

22 h 25, le 11 novembre 2019

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Commentaires (8)

  • De quoi se plaignent les critiques de la révolte du peuple libanais? Est ce qu'on était au beau fixe avec nos politiciens modèles Ford T? Est ce qu'on était satisfait de nos dirigeants religieux d'un temps ancestral? Est-ce qu'on se réjouissait que nos sois disant responsables s'enrichissent au dépend de l'avenir de nos générations futures? Est-on si content de notre statu-quo qu'on le défend à corp et âme sachant que ceci ne profite qu'à des zaims égoïstes et insatiables? Trêve de plaisanterie et supportons ces libanais qui réclament leurs droits et leurs vies et joignons nous tous à eux au lieu d'encenser ces vestiges moyenâgeux pour des raisons qui ne nous concernent pas!!

    Wlek Sanferlou

    22 h 25, le 11 novembre 2019

  • LA PARISIENNE/ Ces critères de "Révolte" - pas de "Révolution"- existent bien! Ils nous ont été donnés par les deux derniers rapports du Fonds monétaire international-FMI et de la Banque Mondiale, que nous avons lu dans ce journal, qui prévoyaient il y a plus de deux mois mois, une situation économique catastrophique pour le pays, et particulièrement pour les Jeunes et les Femmes, Sunnites ou Chiites- privées de travail et sur le seuil de pauvreté. C'est de la "révolte des pauvres" qu'il s'agit. Réveillez-vous, et ne vous laissez pas intoxiquer par les politiciens pourris.

    Saab Edith

    11 h 20, le 11 novembre 2019

  • En sciences politiques une révolution au sens classique doit avoir : 1) un leader charismatique , un Robespierre , un Zapata, un Mandela , un Lenine , un Fidel ... 2) une stratégie bien définie et bien étudiée , bien claire et définie sur tout le territoire de la nation 3) la possibilité de passer à un moment donné à l'insurrection par les armes afin de prendre le pouvoir en évitant une guerre civile (comme celle contre Franco en Espagne) . Or , ce qui se passe chez nous n'est qu'une série de révoltes puisque ces critères sont impossibles , pour l'instant, à repérer . Si ces critères manquent , ça ne mènera qu'au désastre . Faisons bien attention , nous l'aurons voulu !

    Chucri Abboud

    23 h 05, le 09 novembre 2019

  • C'est un fait que des gens qui ne bêlent pas bêtement "bel rou7, bel damm, etc..." ça peut dérouter, surtout chez les dinosaures de la politique...

    Gros Gnon

    22 h 21, le 09 novembre 2019

  • Qui a dit quil n y a pas de leader ???? Il y en a bel et bien , mais ils ne sont pas libanais et ne vivent pas au Liban.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 29, le 09 novembre 2019

  • Toute cette mascarade ne mènera à rien sauf au chaos , pauvre pays ! UNE CACOPHONIE NE FAIT PAS UNE SYMPHONIE !

    Chucri Abboud

    10 h 28, le 09 novembre 2019

  • Toute cette mascarade ne mènera à rien sauf au chaos , pauvre pays !

    Chucri Abboud

    10 h 27, le 09 novembre 2019

  • C,EST POSSIBLE QUAND LE PEUPLE EST LE LEADER ET PARLE D,UNE SEULE VOIX.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 11, le 09 novembre 2019

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