Des manifestants irakiens lors des contestations contre le gouvernement hier à Bagdad. Photo AFP
À Beyrouth comme à Bagdad, la rue était hier en ébullition. Impossible de ne pas faire un parallèle : deux peuples arabes qui demandent la chute de leurs gouvernements respectifs, qui dénoncent la corruption du pouvoir et qui revendiquent – avant tout – de meilleures conditions de vie. Deux pays qui vivent, à des degrés différents, sous l’ombre de l’Iran et de ses alliés. La comparaison a toutefois ses limites, tant en raison des particularismes de chacun de ces deux pays que de l’ambiance dans laquelle se déroulent les manifestations.
Le pacifisme de la révolte au Liban et son ambiance festive contrastent radicalement avec la violente répression dont les Irakiens ont fait l’objet. Les heurts entre les manifestants et les forces de l’ordre ont fait 24 morts hier, dont 8 à Bagdad. Au total, 157 personnes ont trouvé la mort depuis le début de la contestation irakienne, selon un bilan officiel, alors que les forces de sécurité n’hésitent pas à tirer à balles réelles sur les manifestants. Reuters a révélé la semaine dernière que ce sont les milices chiites pro-iraniennes, qui se sont renforcées à la faveur de la lutte contre l’État islamique, qui ont tiré sur les manifestants irakiens. Si le secrétaire général du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, a lui aussi utilisé les arguments de la menace et de la peur du chaos pour faire taire les manifestants, on n’imagine pas, du moins pour l’instant, une situation où le Hezbollah se retrouverait à tirer sur la foule, en tout cas dans les régions non chiites, comme ce qui s’est passé en Irak.
Les interférences de Téhéran sont en ligne de mire d’une partie des Irakiens depuis le début du mouvement. Cela n’est pas le cas au Liban, même si plusieurs slogans anti-iraniens ont été scandés. Une différence qui s’explique « en partie par le fait que le rôle de l’Iran dans la politique intérieure irakienne est beaucoup plus étendu qu’au Liban », note Randa Slim, chercheuse au Middle East Institute, interrogée par L’Orient-Le Jour. « Au Liban, lors de certaines manifestations, des appels ont été lancés pour que toutes les armes soient sous le contrôle de l’État, mais nous n’avons pas encore vu de demandes des protestataires visant le Hezbollah et ses relations avec l’Iran », poursuit-elle.
(Lire aussi : « On espère tous que le Liban ne subira pas le même sort que la Syrie »)
Image symbolique
Si le Hezbollah peut être considéré comme un acteur dominant sur la scène politique libanaise, il est toutefois obligé de composer avec les autres forces du pays, mais aussi avec les agendas des autres acteurs régionaux et internationaux. L’Iran est beaucoup plus fort en Irak, où il n’a pas véritablement de contre-pouvoir de premier plan, malgré la présence américaine dans le pays. Sa situation est toutefois aussi plus fragile car la contestation vient de l’intérieur de la « maison chiite », notamment du fait de la présence de l’ayatollah Ali Sistani, la plus haute autorité religieuse du chiisme irakien, qui n’a pas fait allégeance au velayet e-faqih. Le Premier ministre irakien, Adel Abdel Mahdi, est à la tête d’un gouvernement de coalition mêlant le leader chiite Moqtada Sadr et le Fateh, parti politique composé de milices chiites pro-iraniennes dont celles du Hachd el-Chaabi. Moqtada Sadr, qui a articulé sa campagne autour du nationalisme irakien en insistant sur la lutte contre les influences étrangères, semble toutefois jouer sur les deux tableaux. Il est notamment apparu aux côtés du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, et du chef de la force al-Qods, l’unité d’élite des gardiens de la révolution, à l’occasion de la Achoura en Iran en septembre dernier. Une image symbolique qui démontre la marge de manœuvre limitée du leader chiite face à Téhéran.
Les revendications des manifestants irakiens et libanais se rejoignent toutefois sur plusieurs points alors qu’ils dénoncent tous la corruption de leurs dirigeants et demandent de meilleures conditions de vie passant par des réformes économiques et sociales. L’aspect transcommunautaire des contestations reste cependant une particularité propre au mouvement libanais, alors que chrétiens, sunnites, chiites et druzes ont tenu à mettre en avant leur unité dès le début des contestations qui ont balayé le pays du Cèdre du nord au sud. « En Irak, les manifestants sont surtout chiites. Cela a commencé dans les régions du sud l’année dernière, mais cette année, les manifestations se sont étendues à Bagdad et dans toutes les régions du sud », nuance Randa Slim. « Ce mouvement de protestation ne s’est pas étendu aux zones à majorité kurde et sunnite, non pas parce que les habitants de ces régions ne partagent pas les mêmes revendications que les manifestants, mais en raison de la peur, en particulier dans les zones à majorité sunnite, que la protestation puisse conduire à une accusation d’être un partisan de l’EI », précise-t-elle.
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commentaires (4)
Liban, Iraq, Algérie, velléités en Egypte, ... remake du "Printemps arabe" ? Celui-ci avait débouché sur un "hiver". Espérons que cet "automne" débouchera sur un "été" prometteur ...
Apvrille Denis
08 h 55, le 29 octobre 2019