Manifestants libanais brandissant des drapeaux nationaux durant des manifestations contre le gouvernement dans le centre-ville de Beyrouth, le 21 octobre 2019. Reuters/Ali Hashisho
L’ampleur des manifestations qui s’emparent du Liban depuis la semaine dernière n’échappe pas à l’attention des pays du Maghreb et du Moyen-Orient. Sur les réseaux sociaux, le mouvement reçoit de nombreux messages de solidarité des pays de la région. Des Égyptiens saluent la lutte pour un « Liban libre » où le pays appartient « au peuple et non au gouvernement » quand des Syriens réfugiés aux quatre coins du monde font part de leur émotion face au soulèvement populaire, qui ravive dans leurs mémoires les premiers jours pacifiques de la révolution débutée en mars 2011. « Je suis jaloux des Syriens qui ont vécu la révolution en Syrie et ils vivent la révolution au Liban. Moi aussi je veux manifester comme en 2011 », exprime ainsi un utilisateur syrien de Facebook basé aujourd’hui en France.
Les revendications sociales des manifestants libanais font en partie écho à celles qui ont été exprimées ces derniers mois dans les rues d’Irak, d’Égypte, ou encore d’Algérie, avec, en ligne de mire, la corruption généralisée. Le pays du Cèdre détonne cependant par un aspect. Le pays n’est pas une dictature, mais une démocratie en panne. Cette spécificité s’en ressent dans les manifestations. Aux slogans politiques s’y joignent d’autres qui insultent l’ensemble de la classe gouvernante dans une ambiance de liesse inimaginable ailleurs. Les mêmes scènes n’auraient pu prendre place en Syrie ou en Arabie saoudite sans que les autorités n’y répondent par une répression brutale. Pas non plus en Égypte où les manifestations déclenchées fin septembre contre le général Abdel Fattah el-Sissi ont rapidement été étouffées par la répression.
« Cela fait 24 heures que vous manifestez et l’ambiance est très festive. Chez nous, après une heure, il y aurait déjà eu 100 morts », ont ainsi confié trois Irakiens à un homme d’affaires libanais samedi. Ils ont également mentionné la mine déconfite des hommes d’affaires saoudiens hébergés dans le même hôtel qu’eux et en passe d’être évacués du fait du climat social dans le pays.
(Lire aussi : « On espère tous que le Liban ne subira pas le même sort que la Syrie »)
Al-Arabiya se réjouit du soulèvement de la rue chiite
L’hédonisme libanais marque les esprits. « Comment se fait-il que vous les Libanais soyez toujours heureux ? Des DJ, de la danse, de la dabké, des rires, des blagues, des insultes, tout. J’espère que votre révolution va durer afin que vous restiez toujours aussi heureux », s’exclame un Jordanien dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, faisant part de son étonnement face à la joie qui imprègne les manifestations de ces derniers jours au pays du Cèdre.
Depuis jeudi soir, le nombre de protestataires n’a cessé d’augmenter pour atteindre plus d’un million de personnes samedi, rassemblant ainsi près d’un quart du pays. Autre élément qui interpelle, alors que la place Tahrir emblématique de la révolution égyptienne avait mis sous le feu des projecteurs le problème du harcèlement sexuel auquel de nombreuses femmes ont été confrontées durant les manifestations anti-Moubarak en 2011, le Liban semble relativement épargné, même s’il est encore trop tôt pour évaluer l’ampleur exacte du phénomène. « C’est plutôt bon enfant de ce que j’ai vu », témoigne Yara, 30 ans, qui prend part aux manifestations depuis le premier jour. « En fait, on doit rester prudentes. On est tellement tous collés les uns aux autres, que certains en profitent », nuance pour sa part Joumana, 30 ans également. Julia confie pour sa part à L’OLJ se sentir plus en sécurité dans les rues pleines de Beyrouth que dans celles de Paris quand il y a foule. Sur les réseaux sociaux, certains commentaires venus d’autres pays arabes ont noté la forte présence des femmes, certains allant même jusqu’à moquer l’habillement des manifestantes et la possibilité du mouvement d’aboutir.
Fait notable, la chaîne saoudienne al-Arabiya couvre abondement les événements et a pris fait et cause pour le soulèvement libanais, misant sur une révolte de la rue chiite contre ses leaders, et notamment contre le mouvement Amal de Nabih Berry et le Hezbollah de Hassan Nasrallah, et par ricochet contre l’ennemi juré iranien. Bien que minoritaires, certains Libanais ont aussi profité des manifestations de ces derniers jours pour exprimer leur solidarité pour tous les soulèvements de la région, de la Syrie au Soudan, de l’Égypte au Yémen, de l’Algérie à Bahreïn. Des photos des activistes égyptiens Alaa et Mahienour arrêtés par le pouvoir ont été collées sur les murs de la capitale, Beyrouth, quand des manifestants à Tripoli, dans le nord du Liban, ont entamé des chants révolutionnaires libyens. À Beyrouth, des manifestants ont copieusement insulté le président égyptien au rythme de la dirbakké, ce qui leur a valu les remerciements chaleureux d’Égyptiens sur Twitter, qui leur ont demandé une liste de noms afin de pouvoir leur rendre la pareille à partir de l’Égypte.
L’ampleur des manifestations qui s’emparent du Liban depuis la semaine dernière n’échappe pas à l’attention des pays du Maghreb et du Moyen-Orient. Sur les réseaux sociaux, le mouvement reçoit de nombreux messages de solidarité des pays de la région. Des Égyptiens saluent la lutte pour un « Liban libre » où le pays appartient « au peuple et non au...
commentaires (7)
Le Liban ne serait pas vivable si nous devions ressembler à un pays wahabite !
Chucri Abboud
21 h 52, le 22 octobre 2019