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Michel Eddé, reflet de la complexité libanaise

Il était ce dont le Liban a plus que jamais besoin dans les circonstances présentes. Un homme politique de grand cœur, d’une envergure nationale indéniable, profondément conscient des réalités et des spécificités libanaises, et en même temps très soucieux de la chose publique. Il avait le sens de l’État, plus spécifiquement l’État de droit, dans toute l’acception du terme… L’État rassembleur, garant des intérêts et des droits du citoyen, mais aussi des composantes plurielles du tissu social libanais.

Ceux qui ont eu le privilège, comme l’auteur de ces lignes, d’avoir des échanges fréquents et prolongés avec lui sur des sujets de (macro)politique générale ou des questions d’ordre sociétal pouvaient apprécier à quel point Michel Eddé se distinguait des autres hommes politiques par sa personnalité et sa ligne de conduite qui reflétaient dans un certain sens toute la complexité de la société libanaise. Il savait ainsi concilier son maronitisme pleinement assumé avec ses liens étroits avec les leaders musulmans ; il conciliait aussi son attachement à la francophonie et à ses valeurs humanistes avec son engagement en faveur des causes arabes ; son libéralisme et son ouverture d’esprit, voire son progressisme, n’étaient pas en outre en porte-à-faux avec sa conviction que le système politique dans un pays pluraliste comme le Liban doit conserver son caractère communautariste éclairé.

Il parvenait de la sorte à jongler remarquablement avec ces paradoxes, fort de son érudition hors du commun (qui ratissait très large) et de sa profonde connaissance des grands dossiers de l’histoire et de l’actualité locale, régionale et internationale, ce qui lui permettait d’avoir une vision lucide et réaliste de ce que devraient être le rôle, la vocation et la place du pays du Cèdre dans cette région du monde en pleine ébullition.

Michel Eddé était donc, d’abord, un maronite convaincu et engagé, profondément croyant, très fier de son appartenance communautaire et soucieux du rayonnement des maronites, politiquement, socialement et économiquement. Il ne cessait de répéter que le Liban ne se limite pas au seul territoire libanais mais s’étend aux quatre coins de la planète. Il créa ainsi, avec le soutien du patriarche Nasrallah Sfeir, la Fondation maronite dans le monde avec pour mission d’amener les émigrés libanais, plus particulièrement maronites, à renouer avec la mère patrie. Cette posture maronite s’accompagnait dans le même temps de son ouverture en direction des autres communautés, fondée sur un attachement indéfectible à ce qui constitue la raison d’être du Liban, en l’occurrence le pluralisme politico-socio-culturel combiné au vivre-ensemble. Rien d’étonnant de ce fait qu’il soit, lui le fervent maronite, vice-président de l’association communautaire druze al-Orfane.

C’est parce qu’il était parfaitement conscient de ces spécificités proprement locales qu’il avait une perception audacieuse de ce que devrait être le système politique libanais.

S’inscrivant dans la ligne de pensée de Michel Chiha, il ne cachait pas – rejoignant sur ce plan l’ancien chef spirituel de la communauté chiite Mohammad Mehdi Chamseddine – sa farouche opposition à l’abolition du confessionnalisme politique. « Ce serait la fin du Liban », nous disait-il. Lors d’une conférence donnée il y a quelques années, il avait précisé son approche à ce propos en soulignant la nécessité d’établir une nette distinction entre la mentalité confessionnelle sectaire (laquelle doit être, elle, combattue), et la participation équitable des communautés au pouvoir, qui doit être préservée pour sauvegarder ce qui fait la particularité du Liban, comme le soulignait cheikh Chamseddine. Il nous avait confié un jour à ce sujet qu’au cours d’une conversation en tête à tête avec le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, il avait défendu avec acharnement cette vision du système politique communautaire à laquelle il restait attaché, indépendamment de toute considération d’ordre démographique.

Ce sont cette franchise et cette sincérité qui lui avaient permis d’établir et de maintenir des relations étroites avec les principaux acteurs de la scène locale. Son souci de l’équilibre communautaire le poussait, entre autres, à faire preuve de compréhension à l’égard du comportement du Hezbollah, mais sans complaisance et sans faire de concessions sur ses convictions profondes, notamment en termes de libertés publiques et de liberté d’expression. L’on se souvient qu’à la suite de l’agression milicienne lancée le 7 mai 2008 par le Hezbollah contre le courant du Futur dans le secteur occidental de Beyrouth, il s’était élevé avec véhémence contre ce coup de force et contre l’occupation des médias haririens par la milice chiite.

Ce refus des compromissions susceptibles de remettre en cause son attachement à certaines valeurs, maronites et nationales, a fait obstacle à trois reprises à son accession à la présidence de la République. En ce sens, Michel Eddé était l’antithèse d’une partie de la classe politique actuelle. Et, a fortiori, il représentait l’exemple type de l’homme d’État auquel aspirent les centaines de milliers de Libanais qui occupent les rues et les places publiques depuis près de trois semaines pour réclamer, précisément, l’accession au pouvoir de personnalités de la trempe de Michel Eddé.

Il était ce dont le Liban a plus que jamais besoin dans les circonstances présentes. Un homme politique de grand cœur, d’une envergure nationale indéniable, profondément conscient des réalités et des spécificités libanaises, et en même temps très soucieux de la chose publique. Il avait le sens de l’État, plus spécifiquement l’État de droit, dans toute l’acception du terme…...

commentaires (1)

LE MALHEUR EST QU'EN GARDANT L'ESPRIT POSITIF DU CONFESSIONNALISME TEL QUE SOUHAITE POUR LE BIEN DE LA NATION, IL FALLAIT - IL FAUDRA - COMPTER SUR LE NATIONALISME PUR , CLAIR, NET DES LIBANAIS CHARGES DE L'APPLIQUER .

Gaby SIOUFI

10 h 47, le 06 novembre 2019

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Commentaires (1)

  • LE MALHEUR EST QU'EN GARDANT L'ESPRIT POSITIF DU CONFESSIONNALISME TEL QUE SOUHAITE POUR LE BIEN DE LA NATION, IL FALLAIT - IL FAUDRA - COMPTER SUR LE NATIONALISME PUR , CLAIR, NET DES LIBANAIS CHARGES DE L'APPLIQUER .

    Gaby SIOUFI

    10 h 47, le 06 novembre 2019

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