Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Éclairage

L’Arabie saoudite veut-elle réintégrer le jeu syrien ?

Encouragé par Poutine, Riyad pourrait trouver un intérêt à reprendre pied à Damas.

Le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, et le président russe, Vladimir Poutine, le 14 octobre à Riyad. Saudi Royal Palace/Bandar al-Jaloud/AFP

Les événements de ces derniers jours dans le Nord-Est syrien ont fini de brosser le tableau : les présidents russe Vladimir Poutine, turc Recep Tayyip Erdogan et iranien Hassan Rohani sont désormais les trois grands décideurs de l’avenir de la Syrie. Huit ans après le début du conflit, force est de constater l’échec des Arabes, alors qu’aucun d’entre eux n’est présent à la table des négociations. L’intervention turque lancée mercredi contre les Kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) dans le Nord-Est syrien et l’annonce du retrait américain de la région ont fini d’achever leurs derniers espoirs de voir Washington s’interposer pour défendre leurs intérêts. Venant de perdre leur principal levier diplomatique sur le dossier syrien, la tentation de revenir dans le jeu politique est grande. Une donnée que Vladimir Poutine a clairement assimilée. La situation actuelle fait les affaires du président russe, parrain de Damas, qui a besoin d’une caution arabe pour réhabiliter le régime de Bachar el-Assad dans le processus de paix syrien, d’une part, et de mécènes pour financer la reconstruction du pays, d’autre part. Les derniers développements dans le nord-est de la Syrie ont un peu plus consolidé son statut de maître du jeu syrien, qui peut avoir le dernier mot sur Téhéran et Ankara. Arrivé en position de force à Riyad lundi, Vladimir Poutine semble miser sur Mohammad ben Salmane pour mener à bien son plan. Face à des dirigeants arabes réticents à l’idée d’amorcer un rapprochement avec le « boucher de Damas », le profil du prince héritier saoudien se distingue. « Bachar va rester », avait-il confié, résigné et pragmatique, en août 2018 au magazine d’information américain Time. « Mais je crois que l’intérêt de Bachar n’est pas de laisser les Iraniens faire ce qu’ils veulent faire », avait-il ajouté. Des propos lourds de sens sur le changement d’attitude de l’Arabie saoudite à l’égard de Damas – à des années-lumière de l’époque où Riyad finançait et armait la rébellion syrienne.

Moscou compte profiter du vide politique laissé par Washington pour placer ses pions dans le Golfe et arguer en faveur du retour de la Syrie dans le giron de la Ligue arabe. Tendant la main à Riyad, Vladimir Poutine a affirmé lundi considérer « la coordination russo-saoudienne comme un élément indispensable pour assurer la sécurité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ». « Je suis convaincu que sans votre pays, il est difficile de parvenir à un règlement juste et à long terme de tout problème dans cette région », a-t-il souligné.


(Lire aussi : Poutine se pose en pacificateur en Arabie saoudite)


Mordre à l’hameçon

La redistribution des cartes au Moyen-Orient pourrait inciter Riyad à entrer dans la danse avec Moscou afin de protéger ses arrières, conséquence du manque de fiabilité de l’administration de Donald Trump. « L’Arabie saoudite pourrait éventuellement être disposée à renforcer sa coopération avec la Russie en finançant, en commun avec les Émirats arabes unis et peut-être le Koweït, des travaux de reconstruction en Syrie », estime Neil Partrick, analyste indépendant et auteur de Saudi Arabian Foreign Policy : Conflict & Cooperation (IB Tauris, seconde édition 2018), contacté par L’Orient-Le Jour. « Cela pourrait se faire sans un rétablissement complet des relations diplomatiques avec le régime d’Assad », précise-t-il.

Riyad va-t-il mordre à l’hameçon russe ? Les cartes à disposition du royaume wahhabite sont limitées et tabler sur Moscou paraît être la meilleure option pour le moment pour endiguer l’influence iranienne. « Le lien avec la Russie devient essentiel », indique à L’OLJ Bassma Kodmani, directrice exécutive de l’Arab Reform Initiative et ancienne porte-parole du Conseil national syrien. Face à une administration américaine peu fiable, « c’est la Russie qui devient le médiateur le plus pertinent » pour apaiser les tensions avec l’Iran, ajoute-t-elle.

Ayant clairement perdu la partie, « l’Arabie saoudite a déjà modifié sa politique vis-à-vis de la Syrie au fur et à mesure que progressait la guerre civile, d’abord avec la montée en puissance des islamistes radicaux (généralement soutenus par la Turquie et le Qatar, mais pas l’Arabie saoudite) venus pour dominer l’opposition armée, et ensuite avec le régime d’Assad prenant le dessus de manière décisive après l’intervention militaire de la coalition de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah », rappelle à L’OLJ Hussein Ibish, chercheur à l’Arab Gulf States Institute à Washington. L’intervention russe en Syrie en 2015 a changé la donne, obligeant les Saoudiens à prendre leurs distances avec le conflit syrien. Trois ans plus tard, la décision des Émirats arabes unis de rouvrir leur ambassade à Damas montre une volonté arabe de revenir dans la partie. « Face à l’expansionnisme régional de l’Iran et de la Turquie, il y a un rôle arabe à jouer en Syrie qui est devenu encore plus nécessaire », avait alors insisté Anwar Gargash, le ministre d’État aux Affaires étrangères des Émirats. Le pas est significatif, mais Abou Dhabi n’a pas la stature de Riyad dans le Golfe.


(Lire aussi : La Russie et l'Arabie saoudite scellent leur entente pétrolière)

Équation délicate

Les pressions pour réintégrer la Syrie dans la Ligue arabe, dont elle a été suspendue en 2011, se font sentir. Des pays comme l’Irak, l’Algérie, le Liban sous l’impulsion du ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil et dans une certaine mesure l’Égypte font part de leur souhait de voir Damas revenir dans le giron de l’institution, se heurtant aux réticences de leurs voisins. Une question que Vladimir Poutine aurait probablement soulevé lors de sa visite à Riyad alors que la Syrie était à l’ordre du jour, estiment les observateurs.

S’investir dans le dossier syrien présente deux avantages pour le royaume wahhabite. D’une part, celui de pouvoir être le porte-parole arabe dans le cercle ultrafermé des leaders du processus de paix et, surtout, de pouvoir limiter l’influence iranienne. En a-t-il toutefois les capacités ? « L’Arabie saoudite n’a aucun moyen de pression parce qu’elle n’a pas de présence militaire ni même économique en Syrie pour le moment, ni de substituts armés ni de liens étroits avec des groupes armés », souligne Hussein Ibish. « Le plus grand défi sera de trouver un moyen de neutraliser l’influence iranienne en Syrie, d’autant plus que le régime est tellement dépendant de l’Iran et de ses supplétifs sectaires, notamment le Hezbollah mais aussi beaucoup d’autres, pour leur victoire militaire », note-t-il. Riyad semble miser sur Moscou pour contenir Téhéran : un pari risqué compte tenu de la réalité du terrain syrien.


Lire aussi

Apprendre à vivre sans les Américains, le commentaire de Anthony SAMRANI 

Poutine en visite à Abou Dhabi, dominée par l'espace et les investissements

Les événements de ces derniers jours dans le Nord-Est syrien ont fini de brosser le tableau : les présidents russe Vladimir Poutine, turc Recep Tayyip Erdogan et iranien Hassan Rohani sont désormais les trois grands décideurs de l’avenir de la Syrie. Huit ans après le début du conflit, force est de constater l’échec des Arabes, alors qu’aucun d’entre eux n’est présent à...

commentaires (6)

Surtout bien se mettre dans la tête, l'axe de la résistance et ses diverses succursales sont toujours le remède-miracle et universel à tous les problèmes et partout où ça va mal. Irène Saïd

Irene Said

15 h 14, le 17 octobre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Surtout bien se mettre dans la tête, l'axe de la résistance et ses diverses succursales sont toujours le remède-miracle et universel à tous les problèmes et partout où ça va mal. Irène Saïd

    Irene Said

    15 h 14, le 17 octobre 2019

  • Si certains pensent que tout est terminé, ils feraient mieux d'attendre et voir venir... Un nouveau chapitre de guerres s'ouvre avec l'intervention Turque en Syrie et il ne sera pas moins sanglant que le précédent avec Daech. Les Américains se font petits maintenant pour mettre leur économie a flot et avec Trump ils sont sur le bon chemin. Ils ont assuré que les pays terroristes comme la Syrie, Libye etc... ont été totalement détruit et laissé faire la Russie qui n'a pas le sou pour aider les pays qu'elle approche. L'Arabie, et autres pays du golf, n'ont plus les moyens de reconstruire quoi que ce soit sans le faire au dépends de leurs peuple respectifs et donc ce sera au compte goutte qu'il le feront s'assurant que ces pays la ne s'en remettent jamais totalement. Il ne faut donc pas crier victoire trop tôt car aucun état dictatorial n’a jamais pu se maintenir plus de quelques décennies... Ils chuterons tous...

    Pierre Hadjigeorgiou

    12 h 22, le 17 octobre 2019

  • Pas difficile d etre vainqueur lorsque les USA sont absents du terrain...on verra ce qui se passera dans le futur avec un vrai republicain a la maison blanche et non pas cette poule mouillee de Trumpette.

    HABIBI FRANCAIS

    11 h 03, le 17 octobre 2019

  • Comment ose t on poser cette question sous une forme de question ? LES BENSAOUDS EN CRÈVENT D'ENVIE, la seule question qui se pose c'est s'ils acceptent d'intégrer le groupe de la réconciliation AUX CONDITIONS DE L'AXE DE LA RESISTANCE ? QUE CROYEZ VOUS QUE POUTINE EST ALLÉ FAIRE EN BENSAOUDIE ? Signer des contrats ? Il est allé leur dire qu'elles étaient les conditions des IRANIENS NPR , EN LEUR SIGNIFIANT QUE L'IRAN ÉTAIT CELUI QUI ACCEPTERAIT LEUR CAPITULATION , MAIS QUE PLUS VITE ELLE SE FERA PLUS DOUCE ELLE SERA . CE SERA PAREIL POUR TOUT CE GROUPE DU COMPLOT CONTRE LA SYRIE , La France, les usa , l'Angleterre les golfettes sans la Qatar qui a été plus malin qu'eux tous , la Turquie de l'erdo qui a senti le vent tourné avant tout le monde puisqu'il était aux 1eres lignes de ce complot, voilà pourquoi erdo estime ne rien devoir aux occidentaux et qu'il a intérêt à faire cavalier tout seul . Voilà ce que les bensaouds devraient faire , c'est tourner casaque avant que le gros malheur s'abatte sur leurs têtes de linotte .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 09, le 17 octobre 2019

  • Tous les quotidiens européens donnent et titrent ce matin Poutine grand vainqueur sur l'échiquier du Moyen-Orient . Tout désormais se fera sous l'effet de sa baguette magique . Il faut lui faire confiance . Il ne faut pas que le Liban rate le train . Poutine est notre seule soupape de sécurité .

    Chucri Abboud

    09 h 22, le 17 octobre 2019

  • IL Y A DES VAINQUEURS ET DES VAINCUS. AINSI EN A VOULU LE POLICHINELLE AMERICAIN. L,ARABIE DEVRAIT COOPERER AVEC LA RUSSIE DANS LE DOSSIER SYRIEN ET POURQUOI PAS L,IRANIEN ET PAS SEULEMENT. LES DONNES VONT CHANGER RADICALEMENT DANS LA REGION. C,EST CA LA POLITIQUE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 37, le 17 octobre 2019

Retour en haut