Cela fait douze ans que Vladimir Poutine ne s’était pas rendu en Arabie saoudite. Signe du rapprochement entre les deux pays deux ans après la visite du roi Salmane à Moscou, le président russe sera reçu aujourd’hui à Riyad avant de s’envoler demain pour les Émirats arabes unis. Au menu des discussions : la Syrie, le Golfe, le Yémen ou encore les prix du pétrole.
Prévu de longue date, le déplacement du maître du Kremlin intervient dans un contexte particulièrement agité, suite au lancement de l’offensive turque dans le nord-est de la Syrie mardi dernier dans l’objectif de déloger les forces kurdes des Unités de protection du peuple (PYG), branche syrienne du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et bête noire d’Ankara. Une opération qui n’aurait pas été possible sans l’aval de Moscou, estiment de nombreux observateurs et qui renforce un peu plus le statut de maître des horloges du dirigeant russe dans la région, compte tenu de la volonté des États-Unis de s’en désengager. Vladimir Poutine pourrait à ce titre profiter du climat de doute quant à l’effectivité du parapluie sécuritaire américain au Moyen-Orient, après l’abandon des Kurdes syriens et la non-réponse américaine suite à l’attaque, imputée à l’Iran, contre les installations d’Aramco en Arabie saoudite le 14 septembre dernier.
La Russie cherche ainsi à se présenter comme un allié plus solide que les Américains. Essayant de consolider son assise au Moyen-Orient, la Russie a d’ailleurs présenté un projet de sécurité collective dans le Golfe en juillet dernier, visant à établir une organisation pour la sécurité et la coopération dans la région. La capacité du Kremlin à avoir des contacts diplomatiques avec tout le monde dans la région n’a pas échappé au cours de ces dernières années aux pays du Golfe, qui affichent leur volonté de diversifier leurs relations et leurs intérêts. Le timing de la visite de Vladimir Poutine est d’autant plus opportun pour le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane est isolé par les Occidentaux, depuis l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays en octobre 2018. Signe que le terrain diplomatique entre Moscou et Riyad est fertile en coulisses, Yuri Ushakov, conseilleur de Vladimir Poutine pour les relations étrangères, a précisé jeudi dernier que « le président Poutine et le roi Salmane communiquent régulièrement par téléphone ».
(Lire aussi : L’alliance américano-saoudienne dans la tourmente)
Une ligne entre 2007 et 2019
Ce voyage s’inscrit dans la continuité de l’impulsion donnée à la relation entre Riyad et Moscou lors de la venue en Arabie saoudite de Vladimir Poutine en 2007 pour rencontrer le monarque saoudien de l’époque, le roi Abdallah. Ce déplacement a marqué la première visite officielle d’un dirigeant russe sur le sol du royaume wahhabite. Dix ans plus tard, le roi Salmane rendait la pareille en se rendant en Russie, scellant leur rapprochement par une quinzaine d’accords militaires et stratégiques, dont l’un frayant le chemin pour l’achat du système antiaérien russe S-400.
« On peut tracer une ligne entre 2007, qui était un coup de maître en diplomatie, et 2019 », explique à L’Orient-Le Jour Theodore Karasik, conseiller à Gulf State Analytics, un cabinet de conseil géostratégique basé à Washington. Moscou devrait saisir les opportunités présentées par ce voyage pour évoquer le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe, enjoignant l’Arabie saoudite de tendre la main à Damas.
Riyad et Moscou entretiennent par ailleurs une coopération étroite sur le plan énergétique alors que la Russie est partenaire de l’OPEP, dont Riyad est un poids lourd. La Russie va œuvrer avec l’Arabie saoudite contre toute « tentative de déstabiliser » le marché pétrolier, a assuré Vladimir Poutine, dans une interview à des chaînes de télévision arabophones, diffusée hier. « Si quelqu’un croit que les actes comme la saisie de pétroliers ou des frappes contre des infrastructures pétrolières pourraient affecter de manière quelconque la coopération entre la Russie et nos amis arabes (...), ils se trompent tous profondément », a déclaré M. Poutine, dont le pays est partenaire de l’Iran en Syrie.La visite de Vladimir Poutine devrait également être fructueuse sur le plan économique alors que 30 contrats et accords devraient être signés, a indiqué Moscou. Kirill Dmitriev, PDG du Fonds d’investissement direct russe, a affirmé jeudi dernier lors d’une conférence téléphonique que « la visite montrera le niveau sans précédent du développement des liens entre la Russie et l’Arabie saoudite dans de nombreux domaines ». Kirill Dmitriev a également précisé qu’une dizaine d’accords devraient être annoncés dans les domaines pétrochimiques, de l’agriculture ou encore des hautes technologies. Selon le Fonds d’investissement direct russe, Riyad a accepté d’investir deux milliards de dollars en Russie, faisant partie d’un engagement saoudien à hauteur de 10 milliards de dollars et dont 2,5 milliards ont déjà été encaissés. Vladimir Poutine doit également participer à un forum d’investissements russo-saoudien devant réunir « la plus grande délégation d’hommes d’affaires russes de l’histoire des relations russo-saoudiennes », a souligné l’institution.
Selon Theodore Karasik, « ce voyage fait aussi partie d’une poussée majeure de la Russie en direction des États du Golfe pour aller en Afrique, juste avant le sommet Russie-Afrique à Sotchi », qui doit se tenir les 23 et 24 octobre courant. Présentant des intérêts économiques et géostratégiques, l’Afrique est en ligne de mire de Riyad et Abou Dhabi qui y ont déjà investi plusieurs milliards de dollars tandis que les Émirats disposent de bases aéronavales en Érythrée et au Somaliland. À l’instar de la Russie, les EAU sont aussi particulièrement actifs en Libye où ils soutiennent tous deux le maréchal Haftar face au gouvernement libyen d’union nationale reconnu par la communauté internationale.
commentaires (6)
Disait-on que les rencontres entre un clown et un illuminé étaient des rencontres entre un charcutier et un truand ? Hahahaha Travestir l'Histoire ne la rendra pas plus juste , Poutine n'en a que faire des bensaouds , des iraniens ou des syriens , mais pourquoi on se met à l'aimer de Paris à Djeddah de Beijing à Berlin ? Pourquoi le clown "délaisse" t- il au génie les "fruits" qu'il n'arrive pas à consommer sans modération, peut être que le clown commence lui aussi à tomber amoureux du génial Poutine . Amère-risque de déprime !
FRIK-A-FRAK
14 h 22, le 14 octobre 2019