« Les gens ont commencé à plier bagages. Les familles avec des enfants sont les premières à fuir. » Avant même le lancement, annoncé hier après-midi par le président Recep Tayyip Erdogan, de l’offensive turque dans le Nord-Est syrien, les habitants des régions menacées s’étaient préparés au pire.
« Hier matin, il y avait vraiment un sentiment de menace, une atmosphère de danger imminent. Les gens avaient peur que l’armée turque traverse la frontière. Finalement, elle ne l’a pas fait aussi tôt qu’on le pensait », raconte Dilovan, 49 ans, journaliste kurde syrien basé à Qamichli, ville syrienne frontalière à la Turquie. « Puis, dans l’après-midi, les bombardements entre les régions de Tal Abyad et de Ras al-Aïn ont commencé », ajoute le journaliste, contacté par WhatsApp par L’Orient-Le Jour, alors qu’il se trouve, actuellement, à Qamichli.
« L’un des villages à côté, le village de Sêgirka, a été bombardé. À l’heure où je vous parle, des maisons sont en train de brûler. Un missile Hawk est tombé pas loin de Qamichli. L’ambiance est à la panique générale. Les gens ont commencé à plier bagages. Les familles avec des enfants sont les premières à fuir vers des villages plus éloignés de la ville. Les gens flairent le danger et la peur les pousse à partir. Les villages ne sont pas forcément sûrs, mais, malgré tout, les gens cherchent à s’y réfugier », ajoute-t-il. L’opération lancée par Recep Tayyip Erdogan contre les forces kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), et baptisée « source de paix », est la troisième offensive militaire que mène Ankara depuis 2016. Considéré comme « terroriste » par la Turquie, ce groupe soutenu par les Occidentaux a combattu l’État islamique auprès des États-Unis.
(Lire aussi : Les menaces US pourraient être contre-productives)
« Les Forces démocratiques syriennes (FDS, alliance de combattants kurdes et arabes soutenue par Washington) nous ont assuré qu’elles allaient nous défendre et qu’elles allaient continuer à garder le camp d’al-Hol où des membres de l’État islamique sont emprisonnés. On a aussi très peur du risque que représente ce camp si les jihadistes fuient à la faveur de l’intervention turque. Ce serait un vrai péril pour toute la région ! » estime-t-il.
« À dire vrai, la population ressent une très grande amertume envers la communauté internationale, et surtout vis-à-vis de la décision américaine de se retirer du nord-est de la Syrie et donc de permettre ainsi aux Turcs de nous attaquer. On a du ressentiment envers les Occidentaux. De toute manière, l’histoire a montré qu’ils ont toujours laissé tomber le peuple kurde à la dernière minute. Les gens n’ont plus aucune confiance en eux et ils appréhendent beaucoup la situation. Vous savez, les bombardements ne distinguent pas entre untel et untel. Ils visent les civils et les combattants de manière indiscriminée. Nous sommes pris en étau entre l’offensive turque et l’attente d’un sursaut de pitié de la part de la communauté internationale », lâche Dilovan.
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Entre offensive, invasion, menace, bombardements, intervention... même un derviche tourneur ne se retrouve plus. Recep Tayyip Erdogan : "Avec l'aide de Dieu (???) nous poursuivrons notre chemin, mais nous ouvrons les portes" aux migrants. Question : Reste-t-il encore en Turquie des migrants Grecs, Arméniens, Syriaques, Chaldéens, Juifs etc...
15 h 09, le 10 octobre 2019