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Culture - Salon littéraire

Notre richesse se compte en livres... libanais

Mercredi, neuf écrivains étaient rassemblés à la résidence de l’ambassadeur du Liban dans le 16e arrondissement de Paris pour présenter leurs dernières parutions, dans une atmosphère chaleureuse et enthousiaste.


Lors de la rencontre d’écrivains racontant le pays du Cèdre à la résidence de l’ambassadeur du Liban, rue Copernic, le 2 octobre 2019. Photo DR

« Ce soir, nous mettons en valeur le Liban qui crée, qui publie, qui raconte, qui s’exporte, qui découvre et qui se découvre. » C’est par ces mots que l’ambassadeur du Liban en France, Rami Adwan, a lancé, mercredi, un événement rassemblant neuf écrivains dans la résidence du diplomate, sise dans le 16e arrondissement de Paris, pour présenter leurs dernières parutions. « La résidence est un lieu que les Libanais se sont approprié au fil des rencontres culturelles que nous organisons : expositions, concerts, soirées poétiques… Le consulat est actuellement en travaux, et un espace de création et de culture y est également prévu, afin de développer une visibilité artistique libanaise. Ce soir, nous mettons des singularités bout à bout, pour une histoire des diversités, avec tous ceux qui lisent. » C’est Albert Dichy, directeur littéraire de l’IMEC (Institut des mémoires de l’édition contemporaine), qui animait la rencontre, invitant les auteurs à évoquer la genèse de leurs textes, ainsi que les échos qu’ils entretiennent avec le Liban, qu’ils soient directs ou détournés.

Carole Ziadé Ajami, enseignante à l’Université libanaise, a tout d’abord été introduite par M. André Bonet, secrétaire général du prix Méditerranée, qui a noté la vivacité de la tradition littéraire au Liban, régulièrement récompensée par son institution, évoquant Amin Maalouf en 2004 et Alexandre Najjar en 2011. Dans le roman Beyrouth ne pardonne pas (éditions Erick Bonnier, 2019), réédité pour la 4e fois, la romancière s’est inspirée d’une histoire d’amour entre deux Libanais, l’une chrétienne et l’autre musulman. « J’ai voulu poser la question complexe de l’identité libanaise ; comme beaucoup, je me sens aussi bien chrétienne que musulmane, orientale qu’occidentale. » La tension latente générée par l’hégémonie confessionnelle est également traitée par Lina Zakhour dans Imane (Hémisphère, 2019). « Mon titre fait écho à la foi de l’héroïne en son pays, qui pour elle est une idée. Elle veut croire en son couple interconfessionnel, mais les deux fiancés, qui s’aiment, ne savent pas vivre ensemble, c’est une métaphore du Liban. » L’Odyssée de Jean Malak (Écriture, 2018), de Nabil Mallat, qui n’a pu se rendre à Paris pour l’occasion, aborde, toujours de manière romanesque, la question de l’origine de ses personnages et ses paradoxes.

Lorsque Josselin Monclar prend la parole, il commence par prendre quelques précautions. « Il est très difficile pour un non-Libanais de parler du Liban à des Libanais ; j’ai été ambitieux dans Paradis perdus (L’éditeur, 2016). Mon épouse est libanaise, et j’ai voulu écrire comment j’ai ressenti Beyrouth, et en particulier Achrafieh, lors de mon premier séjour, en 1992. J’ai souhaité évoquer le drame de la communauté chrétienne, dont le combat a été souvent disqualifié par la presse internationale d’après moi, même si je sais que je vais en froisser certains. »


(Pour mémoire : Le Liban en fête dans le 5e arrondissement de Paris)

Alexandrie, Ougarit, Port-au-Prince et autres détours

« Je fais partie d’une famille décimée, et à la mort de mes parents, j’ai retrouvé leurs lettres de jeunesse, écrites à Alexandrie et Ismaïlia. J’ai eu envie de faire revivre ces années de légèreté, de cosmopolitisme, avant la nationalisation du canal de Suez. Lorsque mes personnages sont contraints de quitter l’Égypte, ils finissent par retourner dans leur pays d’origine, au Liban, où la famille subira la guerre, le handicap, la pauvreté. » La voix douce de Yasmine Khlat berce le public en relatant Égypte 51 (elyzad, 2019), et transmet toute la délicatesse de son écriture, « souvent tissée d’une rencontre entre un fait extérieur et une émotion ».

« Ougarit (Inculte, 2019) est construit sur la confrontation de deux villes : Alep, constituée de strates historiques millénaires, et Dubaï, l’idéal type de la ville du Golfe. Je parle aussi de Beyrouth, et du détricotage de son paysage urbain par les promoteurs immobiliers », résume ensuite Camille Ammoun, dont la perspective littéraire d’écriture de la ville est séduisante.

Georgia Makhlouf n’ayant pu être présente, c’est Albert Dichy qui se charge de présenter son roman Port-au-Prince aller-retour (La Cheminante, 2019). « Le récit reprend la saga familiale de son grand-père, qui a émigré en Haïti au début du siècle, et qui rentre au Liban une vingtaine d’années plus tard sans jamais en reparler. À travers cette quête littéraire, une histoire du Liban se raconte, celle d’une émigration dans des régions moins attendues. C’est aussi le retour d’un homme qui a quitté une province ottomane et qui se retrouve dans un pays jeune, qu’il ne reconnaît pas. »

Les Arrogants (JC Lattès, 2019), de Gabriel Boustany, est un projet romanesque de longue date. « Dans les années 70, j’ai rencontré une princesse arabe qui m’a livré le récit de sa vie, que j’ai enregistré. J’ai ensuite suivi son existence, tonitruante, scandaleuse et assumée. À sa mort, j’ai commencé à écrire une fiction autour de ce personnage, entre les années 1930 et 1952, au moment du naufrage du Champollion à Beyrouth », explique celui qui est aussi dramaturge et cinéaste.

Caroline Torbey, auteure de la série Dessine-moi un proverbe (2017 et 2018), illustrée par Renée Thomas, raconte avec humour comment est né son livre. « Je suis libanaise par mon père, et il m’a élevée avec des proverbes; j’ai passé beaucoup de temps à m’interroger sur leur sens... J’ai envie de permettre aux enfants de la diaspora d’avoir un peu de Liban chez eux, avec les histoires que j’ai écrites, autour de proverbes traditionnels, toujours ancrés dans une région spécifique du pays. »

À la générosité de l’invitation de l’ambassadeur a répondu celle des écrivains, qui ont livré, avec sincérité et profondeur, leur monde intérieur et leurs émotions, pendant près de deux heures. Le public, beaucoup plus nombreux que ce que la salle de réception pouvait contenir, se pressait dans les espaces attenants, et est resté très attentif, sensible au courage de ces êtres singuliers qui réinventent le monde. Comme l’a souligné Albert Dichy en adaptant une formule de Jean Genet, dont il a coédité les œuvres à la Pléiade, « le Liban est une émotion qui se produit d’artiste en artiste, un pays qui n’est pas une émotion n’est pas un pays ».


Pour mémoire 

Georgia Makhlouf : Beyrouth, Haïti et mon grand-père

Lina Zakhour et ces femmes étrangères dans leur propre Liban...

« Dessine-moi un proverbe », le tome 2 est arrivé

« Ce soir, nous mettons en valeur le Liban qui crée, qui publie, qui raconte, qui s’exporte, qui découvre et qui se découvre. » C’est par ces mots que l’ambassadeur du Liban en France, Rami Adwan, a lancé, mercredi, un événement rassemblant neuf écrivains dans la résidence du diplomate, sise dans le 16e arrondissement de Paris, pour présenter leurs dernières parutions....

commentaires (2)

En livres libanais et en livres libanaises convertibles. Lol.

FRIK-A-FRAK

10 h 34, le 04 octobre 2019

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Commentaires (2)

  • En livres libanais et en livres libanaises convertibles. Lol.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 34, le 04 octobre 2019

  • Malheureusement il y a de moins en moins de gens qui lisent. Surtout chez les jeunes... Comme quoi quant ça va pas, ça va pas.

    Gros Gnon

    09 h 38, le 04 octobre 2019

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