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Culture - Film événement

« Joker » : envoyez les clowns !

Sacrée à La Mostra de Venise où elle a raflé le Lion d’or et a longtemps été ovationnée (huit bonnes minutes), la comédie noire de Todd Phillips – à partir d’aujourd’hui dans les salles libanaises – vole triomphalement vers les Oscars et place Joachin Phoenix au panthéon des Jokers où se sont installés avant lui Jack Nicholson et Heath Ledger.


Magnifique Joaquin Phoenix sous le maquillage du Joker ? Photo Courtesy Warner

Joker est l’histoire d’un chef-d’œuvre. Celle aussi d’un magnifique acteur dont le talent a permis au personnage mythique, au plus méchant des méchants qu’il incarne avec maestria, de traduire toute la dimension humaine du grand « clown farceur ».

Attention, ne pas s’y méprendre. Il n’est à aucun moment question de Batman dans ce film. Même si le nom et le personnage de Thomas Wayne, maire de Gotham, traverseront pour quelques instants l’écran. C’est le parcours d’Arthur Fleck que le public va suivre avec attention, ses rapports avec sa psy, avec le milieu professionnel où il travaille comme clown ainsi que ses rapports avec sa mère et avec la société. Ce parcours qui le mènera à devenir l’abominable méchant et bien plus tard l’ennemi numéro un du superhéros, l’homme chauve-souris. C’est l’histoire d’une métamorphose, d’une double transformation, mentale et physique. Qui n’est pas sans rappeler celle de ce chauffeur de taxi du nom de Travis Bickle (incarné à cette époque par Robert De Niro), qui sillonnait les rues de New York dans les années 70, jusqu’à être rattrapé par la haine et la violence. D’ailleurs Gotham ressemble étrangement au New York de Martin Scorsese et ce n’est certainement pas par hasard que De Niro joue un rôle dans Joker rappelant aux spectateurs ce moment fragile et infime où tout être humain peut basculer du côté sombre de sa personnalité.

« Arthur Fleck n’est pas un fou », dira Todd Phillips. Le réalisateur qui nous avait habitués à des comédies délurées et délirantes (la trilogie Very Bad Trip), créé la surprise en donnant à voir l’une des comédies les plus noires de l’année, mais aussi des plus belles, des plus humaines et des plus intemporelles. « C’est un garçon décalé par rapport à la société », précise Phillips. Rejeté d’abord dans son milieu professionnel, il est l’objet d’ignobles humiliations dans le milieu social. Son job consiste à se déguiser en clown et à tenir une pancarte invitant les passants à visiter une boutique. Le soir, rentré chez lui dans un petit appartement minable qu’il partage avec sa mère malade, il regarde la télévision et rêve de devenir comédien ou présentateur comique de télévision. Il rêve ? Il se voit même à travers l’écran, applaudi, adulé et aimé. Malgré le mantra de sa mère, « Garde un happy face (un visage souriant) », Arthur Fleck ne pourra le faire qu’en se cachant derrière un masque. Un maquillage de clown… pathétique qui ne le lâchera plus et lorsqu’il regarde le miroir, tout comme Travis Bickle, il renvoie à nos mémoires le visage de toutes nos sociétés malades, abusives et dominantes.

Hildur Gudnadóttir, un nom à retenir

Joachin Phoenix n’est pas le premier, ni le seul à avoir incarné le Joker. Il y a eu bien des acteurs avant lui qui ont porté l’habit du clown. De César Roméro dans les années 60 au magnifique Heath Ledger de Batman, the Dark Knight signé Christopher Nolan en 2008, en passant par Mark Hamill (dans Batman, la série animée en 1992), Jack Nicholson dans le Batman de Tim Burton (1989) ou l’outrancier Jared Leto de Suicide Squad de David Ayer en 2016 (qui lui a valu seulement l’Oscar des meilleurs maquillages et coiffures), nombre d’acteurs se sont essayés à cet exercice… jouissif. Phoenix n’est pas non plus le seul à avoir plongé dans les abysses d’une personnalité noire – on dit même que ce rôle avait enfoncé le jeune comédien Heath Ledger dans la dépression. Mais le Joker de Todd Phillips a cette particularité unique par rapport à ses confrères. Il est le personnage principal du film. Heath Ledger n’avait-il pas eu l’Oscar posthume pour le second rôle, quoi qu’il ait crevé l’écran à sa manière ? Le Joker aura attendu plus de cinq décennies afin de s’affranchir de ce second rôle pour devenir l’acteur principal d’un film et n’avoir pas d’article défini ou indéfini précédant son nom. Il est « Joker » non « The Joker ».

C’est lui seul qu’on entend ricaner, de ce rire nerveux qui le fait presque étouffer et qui vous renverse les tripes. C’est lui qui danse au son de la musique en descendant les marches d’un grand escalier (on dit que Joachin Phoenix a dû écouter la bande son durant le tournage au moyen d’oreillettes). C’est lui dont on parle et de lui uniquement. C’est lui enfin la star, lui, le marginal, qui a toujours été mis au banc de la société. Et ceci le fera sourire même si le rictus est démoniaque et qu’il déforme son visage, comme le dit la chanson de Jimmy Durante Souris même quand tu as mal au cœur. D’ailleurs l’allure du personnage est un énorme rictus. Amaigri pour les besoins du tournage, Joachin Phoenix, magnifique acteur qui aime rentrer totalement dans ses personnages, est ce Joker (mauvais), produit des sociétés urbaines contemporaines suffocantes. Sa démarche et son allure épousent la ville en déliquescence. Mais lorsqu’il réalise qu’il « existe » aux yeux de la société, il se relève tel un phénix et effectue des pas sublimes de danse. Son corps, soudain, se libère. L’asphyxie que dégage le film ne provient pas seulement des scènes de violence, mais de la musique que la compositrice de la bande originale, Hildur Gudnadóttir, distille dans le film, démultipliant ainsi l’effet d’étouffement. Elle est une des premières femmes compositrices de musique de films qui a relevé le défi et réussi à s’imposer aux côtés de ceux qui occupent le haut de l’affiche depuis longtemps, notamment Ennio Morricone, Nino Rota, Alexandre Desplat, John Williams, Hans Zimmer... Hildur Gudnadóttir, qui avait signé avec maestria la musique de la série Tchernobyl, a remercié, lors de ses interviews, Todd Phillips de lui avoir donné l’espace et la liberté nécessaires afin de réaliser ce projet musical quelque peu difficile. Travaillant en amont seulement sur le synopsis et en contact avec les personnages et non les images, la compositrice a su instaurer un dialogue entre la musique, véhicule de vraies émotions, et le héros. On peut dire qu’aux côtés de l’acteur Joachin Phoenix, la musique de Hildur Gudnadóttir est le personnage secondaire donnant la réplique au comédien et réussissant, par ce va-et-vient d’images et de sons, à offrir à voir une œuvre visuelle et musicale qui perdurera et ne vieillira certainement pas.


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commentaires (1)

Un film déprimant, dérangeant qui dépeint un aspect brutal de la misère humaine qui souvent n’est pas celle que l’on croit. De la a crier au chef d’oeuvre, j’ai bien peur que le Cinema actuel ayant exploite tous les sujets, se cherche de nouveaux horizons. Pourquoi vouloir se pencher sur le sordide et le morbide quand le beau existe toujours. Je n’ai pas aime ce film et ces critiques de salon plagiées sur différents articles et documentaires cinématographiques ne sont pas faites pour me convaincre.

Cadige William

09 h 27, le 03 octobre 2019

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Commentaires (1)

  • Un film déprimant, dérangeant qui dépeint un aspect brutal de la misère humaine qui souvent n’est pas celle que l’on croit. De la a crier au chef d’oeuvre, j’ai bien peur que le Cinema actuel ayant exploite tous les sujets, se cherche de nouveaux horizons. Pourquoi vouloir se pencher sur le sordide et le morbide quand le beau existe toujours. Je n’ai pas aime ce film et ces critiques de salon plagiées sur différents articles et documentaires cinématographiques ne sont pas faites pour me convaincre.

    Cadige William

    09 h 27, le 03 octobre 2019

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