Il est quand même remarquable de constater comment cet État décrépit gouverne par sursauts d’autorité. Chaque quelque temps, une idée martiale surgit des nimbes des neurones assoupis d’un ministre, qui se rappelle qu’il y a un problème à résoudre ou une loi à appliquer. Branle-bas de combat, moulinets de l’index devant les caméras, œil injecté et mine compassée pour impressionner la valetaille ; puis courbettes et génuflexion devant Michel en son Château, qui saura certainement apprécier cet élan de domesticité.
Après avoir fait le tour de l’hystérie de Qabr Chmoun, de la distanciation ratée, de la lutte bidon contre la corruption et des gesticulations entre le Tondu de Meerab et le Basileus venu de partout, voilà que les rigolos officiels reviennent à ce qui illustre le mieux cette République de peu : les déchets. À la limite, ce n’est même pas un changement de sujet, le passage de la ménagerie politique aux ordures ménagères se faisant en douceur et quasiment dans le même parfum.
Désormais, nous sommes fixés : les neuneus du gouvernement ne veulent ni du tri à la source ni du recyclage. Leur seul genre de beauté est la décharge sauvage. Ce qui permet aux uns et aux autres de s’envoyer des parpaings dans les gencives, pendant que s’entassent les déjections des gueux. Puis, une fois la mégafosse septique saturée, ils se rendent compte qu’ils ont assez glandé comme ça et courent dénicher un autre trou à étrons pour se donner de la marge en vue d’autres empoignades.
Ceux qui ont eu l’indicible bonheur de draguer de près certains ministres vous le diront pour sûr: en matière d’assainissement de l’environnement et de développement durable, le Liban en est encore à gratter le bas de la caisse. L’écologie chez nous ne se décline pas en lutte contre les déchets radioactifs, produits toxiques ou autres cochonneries industrielles. Nos vieux débris de la politique en sont encore à l’hygiène de base : apprendre à se laver les mains avant de passer à la table du dialogue, à se brosser les dents après chaque déclaration incendiaire, à trier soigneusement le langage ordurier avant de jeter à la mer les consonnes et voyelles surnuméraires… Et dire qu’on nous traite encore de République bananière, alors que les bouffons ont depuis lulure bouffé toutes les bananes. Si, pour un tas d’ordures, les chefs libanais se sont autant castagnés, qu’est-ce qu’on va se régaler le jour où viendra le tour du pétrole !
Éternel combat de coqs sur le fumier d’un pays raté.
gabynasr@lorientlejour.com
commentaires (7)
"Il y a une culture de la beauté et de l'élégance au Liban". Ines de Fressange (L'OLJ du 19/9/2019). J'imagine que cette charmante mannequin a déclaré cela loin des déchets et des ordures ménagères, des mégafosses septiques saturées des déjections des gueux... Merci Gaby.
Un Libanais
12 h 25, le 20 septembre 2019