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Liban - Collaboration

Amer Fakhoury sera interrogé mardi par le juge d’instruction militaire

Selon des sources de sécurité, le retour de l’ancien responsable de l’ALS après toutes ces années soulève de nombreuses questions au sujet de son objectif réel.

La cour de la prison de Khiam, photographiée le 24 mai 2000, après le retrait israélien du Liban-Sud. Thomas Coex/AFP

L’affaire de l’ancien geôlier en chef de la prison de Khiam, Amer Fakhoury, qui sera entendu demain mardi par le juge d’instruction militaire, a soudain rouvert les anciennes blessures de la guerre, déjà bien mal cicatrisées. Comme elle a coïncidé avec la commémoration du 37e anniversaire de l’assassinat du président élu Bachir Gemayel, elle a remis à l’ordre du jour les anciennes divisions, comme si la guerre qui a déchiré le Liban n’était pas terminée et que les plaies béantes continuaient de saigner. C’est donc une triste polémique que celle qui secoue actuellement le pays, depuis que le quotidien proche du Hezbollah al-Akhbar a révélé, dans son édition de jeudi, l’arrivée par l’aéroport international de Beyrouth de l’ancien tortionnaire de la prison de Khiam Amer Fakhoury, muni d’un passeport américain. Une annonce qui s’est répandue comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux et a engendré une mobilisation populaire contre le retour à Beyrouth de ce responsable de l’Armée du Liban-Sud (ALS), ancienne milice supplétive d’Israël.Certaines parties politiques se sont également empressées d’exploiter l’affaire à des fins politiciennes. Certains ont tenté de mettre en cause le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, en postant sur le net une photo du général en compagnie de Fakhoury dans les locaux de l’ambassade du Liban à Washington. D’autres ont laissé entendre que des parties proches du CPL seraient intervenues en faveur des anciens collaborateurs d’Israël de l’ALS, qui était dirigée à l’époque par le général Antoine Lahd.

Mais l’affaire reste bien plus grave que ces considérations internes. Elle met en évidence le fait que la collaboration avec Israël n’est pas unanimement reconnue au Liban comme étant un crime qui mérite les plus fortes sanctions. Pourtant, depuis que cette affaire a éclaté au grand jour, de nombreux anciens détenus de Khiam ont raconté aux médias les souffrances qui leur avaient été infligées. « Ils (les geôliers) nous flagellaient le corps avec des câbles électriques jusqu’à nous lacérer la peau. C’était Amer Fakhoury qui orchestrait les séances de torture », nous disait ainsi, en fin de semaine dernière, Afif Hammoud, emprisonné en janvier 1988 « pour avoir refusé de collaborer avec l’ALS ». Soha Béchara, qui avait été détenue après avoir tenté de tuer Antoine Lahd et qui vit désormais en France, a témoigné en termes très dignes de la terrible expérience vécue, tout en se déclarant révoltée par la possibilité d’amnistier Fakhoury et de le laisser revenir tranquillement au Liban.


(Lire aussi : D’anciens détenus de Khiam réclament la peine de mort pour Amer Fakhoury)



Le nom de Fakhoury avait disparu du « bulletin 303 »

Ainsi, cette affaire n’est pas seulement choquante pour ceux – et ils sont des milliers – qui ont été emprisonnés à Khiam entre 1985 et 2000, après la fermeture par les Israéliens et leurs agents de la prison d’Ansar, dans le caza de Nabatiyé, suite au premier retrait israélien jusqu’à la bande frontalière. Elle soulève en réalité de nombreuses questions sur le processus qui a permis à Amer Fakhoury de revenir au Liban après avoir été condamné par contumace en 1996 à 15 ans de prison ferme.

Selon des sources de sécurité, la peine à laquelle Fakhoury avait été condamné en 1996 est devenue passible de prescription, en vertu de la loi libanaise. Son avocat avait donc lancé la procédure, en se donnant un peu plus de temps par précaution, pour effacer la condamnation et blanchir le casier judiciaire de son client. Dans le cadre de ce processus, M. Fakhoury devait revenir au Liban pour signer les papiers. C’est pourquoi il est entré par l’aéroport international Rafic Hariri avec un passeport américain, après avoir vainement essayé d’obtenir un passeport libanais au consulat de Washington.

Selon la même source, l’officier en charge à l’AIB, ce jour-là, a vérifié les registres et remarqué que le nom de Amer Fakhoury avait disparu du « bulletin 303 », une sorte de circulaire interne militaire sur laquelle figurent les noms des civils suspectés de collaboration avec Israël ou avec des groupes terroristes. Les individus dont les noms figurent sur ce document doivent être arrêtés aux voies de passage et soumis à des interrogatoires, avant d’être déférés devant les autorités judiciaires.

L’officier a aussitôt contacté la direction de la Sûreté générale, qui a ordonné qu’on retire son passeport à Amer Fakhoury et qu’il soit convoqué le lendemain pour le récupérer. La SG a également demandé que l’on précise à l’ancien membre de l’ALS qu’il s’agissait là d’une procédure de routine, et ce afin de ne pas éveiller sa méfiance. C’est ce qui a été fait.


(Lire aussi : Amer Fakhoury sera entendu mardi par la justice militaire)



Pas tout à fait rassuré pour autant, Amer Fakhoury est revenu à l’aéroport devant le bureau de la Sûreté générale le 12 septembre, en compagnie d’un général, membre de la branche du Liban-Sud des services de renseignements de l’armée. Ce dernier a par la suite été arrêté et a précisé qu’il avait agi de son propre chef, sans ordre de son commandement. Il a assuré avoir agi par courtoisie à l’égard de Fakhoury qui fut son voisin. L’ancien responsable de la prison de Khiam n’a donc pas pu reprendre son passeport. Au lieu de cela, il a été emmené à la direction de la Sûreté générale pour être interrogé puis déféré devant le tribunal militaire.

Selon les informations recueillies, la collaboration avec l’ennemi israélien n’est pas passible de prescription, conformément à la loi libanaise, et c’est sur cette base qu’il a été arrêté. Par conséquent, lorsqu’un condamné par contumace réapparaît au Liban, et ce même après plus de 20 ans, il doit être arrêté et son procès rouvert.

De plus, Amer Fakhoury n’était visiblement pas un agent comme les autres. Il avait été enrôlé par le Shabak (service de renseignements intérieurs israéliens). Ce qui lui avait valu d’être informé avant les autres membres de l’ALS de la décision israélienne de se retirer du Liban-Sud en mai 2000 et de pouvoir ainsi partir tranquillement, contrairement à ses compagnons au sein de cette milice. Après son départ du Liban, il a passé de longues années en Israël, dont il a obtenu la nationalité, avant de se rendre aux États-Unis dont il a aussi obtenu le passeport. Selon les sources de sécurité précitées, il n’aurait donc pas abandonné ses activités sécuritaires. C’est pourquoi son cas est différent de celui des anciens collaborateurs qui ont totalement changé de travail et de vie après le retrait israélien de 2000.


(Lire aussi : « C’est Amer Fakhoury qui orchestrait les séances de torture » à la prison de Khiam)



Amer Fakhoury est donc suspect et sa visite au Liban, après toutes ces années, soulève de nombreuses interrogations quant à son objectif réel. Selon les mêmes sources de sécurité, lors de son interrogatoire, Fakhoury aurait reconnu toutes les charges retenues contre lui, les pratiques de tortures exercées sur les détenus et le fait d’en avoir tué plusieurs, à la suite de mutineries au sein de la prison. Mais par la suite, devant le médecin envoyé par l’ambassade des États-Unis au Liban pour l’examiner en prison, il se serait rétracté.

Selon les sources de sécurité, la rapide réaction américaine à son arrestation pourrait laisser supposer que Amer Fakhoury « aurait pu être chargé d’une mission importante au Liban ».

L’audition de M. Fakhoury, demain, devant le juge d’instruction militaire devrait permettre de clarifier un tant soit peu cette affaire.


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commentaires (4)

Gloire et gratitude à l'ALS (Armée du Liban-Sud) grâce à laquelle les Palestiniens de Yasser Arafat avaient échoué dans leur tentative de mettre la main sur l'Etat libanais. L'ALS, commandée par les généraux Saad Haddad puis par Antoine Lahed, était formée essentiellement de chrétiens mais aussi de chiites et de druzes. Merci éternel à tous ces vaillants soldats grâce à qui la route de Jérusalem n'a pas passé par Jounieh.

Un Libanais

15 h 40, le 16 septembre 2019

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Commentaires (4)

  • Gloire et gratitude à l'ALS (Armée du Liban-Sud) grâce à laquelle les Palestiniens de Yasser Arafat avaient échoué dans leur tentative de mettre la main sur l'Etat libanais. L'ALS, commandée par les généraux Saad Haddad puis par Antoine Lahed, était formée essentiellement de chrétiens mais aussi de chiites et de druzes. Merci éternel à tous ces vaillants soldats grâce à qui la route de Jérusalem n'a pas passé par Jounieh.

    Un Libanais

    15 h 40, le 16 septembre 2019

  • Mr. Fakhoury a servi initialement dans l'ALS qui avait, a l’époque de sa formation, reçue ses ordres par l’état Libanais pour défendre un tant soit peu la souveraineté de l’état au Sud contre l'occupation palestinienne et par après Syrienne et par la suite Iranienne/Hezbollahi. L'organisation est donc légale aux yeux de l’état et ce n'est pas parce que le reste du Liban a fini par être occupé par la Syrie et a présent contrôlé par l'Iran que cela en fait des parias. Bien au contraire! A la différence des voyous du Hezbollah, parti mafieux et terroriste, qui sert des intérêts étrangers et non Libanais... A chacun d'en penser ce qu'il veut mais la vérité est ce qu'elle est, même si certains cherchent a transformer l'histoire et cacher les vrais faits!

    Pierre Hadjigeorgiou

    13 h 03, le 16 septembre 2019

  • Selon les informations recueillies, la collaboration avec l’ennemi israélien n’est pas passible de prescription, conformément à la loi libanaise, et c’est sur cette base qu’il a été arrêtte SI C'EST LE CAS TOUS LES PHALANGISTES ET LES CHIITES QUI ONT COLLABORRE AVEC ISRAEL POUR SE DEBARRASSER DE L'EMPRISE PALESTINIENNE SUR LE LIBAN AURAIENT TOUS DU ETRE EMPRISONNES revoyez votre code penale ou alors si c'est correct pourquoi deux poids deux mesures dans l'application de la loi? Selon les sources de sécurité, la rapide réaction américaine à son arrestation pourrait laisser supposer que Amer Fakhoury « aurait pu être chargé d’une mission importante au Liban ». J'avais bien dit des mon premier commentaire que l'important est de connaitre la raison de son retour car personne ne se jette dans la gueule du loup volontairement a moins d'avoir une mission tres precise et tres importante esperons que la justice la trouvera et qu'elle sera pour le bien du Liban et pas au detriment du liban

    LA VERITE

    01 h 09, le 16 septembre 2019

  • A SUIVRE LES DEVELOPPEMENTS DE CETTE AFFAIRE TRES BIZARRE ET QUI VISE... PAR CERTAINS... L,HIERARCHIE CHRETIENNE DU PAYS, CAR QUAND LES MILITAIRES DE L,ALS CHIITES... ET ILS ETAIENT TRES NOMBREUX... RENTRERENT AU PAYS IL N,Y EUT PAS TOUT CE TAPAGE QU,IL Y A MAINTENANT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 40, le 16 septembre 2019

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