Le portrait de Amer Fakhoury piétiné lors d’une manifestation jeudi à Beyrouth. Anwar Amro/AFP
Au milieu de l’indignation suscitée par son retour au Liban, notamment parmi les ex-détenus de la prison de Khiam, l’ancien chef militaire de la milice pro-israélienne de l’Armée du Liban-Sud, Amer Élias Fakhoury, était toujours en détention. Devant la Sûreté générale qui l’interroge depuis mercredi, il a reconnu avoir collaboré avec Israël. Amer Fakhoury, jadis en charge de la tristement célèbre prison de Khiam durant l’occupation israélienne du Liban-Sud, a également admis, selon la SG, avoir obtenu la nationalité israélienne et un passeport israélien après avoir fui le Liban vers Israël en 2000 (année du retrait israélien du Liban). Un passeport grâce auquel il a quitté le territoire israélien. Il est également détenteur de la nationalité américaine. Jeudi, un grand nombre d’anciens détenus ont effectué un sit-in devant le Palais de justice, exprimant leur refus « de toute indulgence envers les agents de l’occupant israélien et de toute couverture pour leurs crimes » et exigeant que « l’agent Fakhoury soit arrêté et jugé ».
(Témoignages : « C’est Amer Fakhoury qui orchestrait les séances de torture » à Khiam)
Le mouvement de protestation est appelé à s’amplifier demain, avec un grand rassemblement prévu sur le site de la prison de Khiam, devenu après 2000 un espace ouvert au public pour sensibiliser l’opinion sur les crimes commis dans ce lieu de détention (une ancienne caserne transformée en prison en 1984) où des dizaines de détenus ont trouvé la mort.
Aujourd’hui, les conditions du retour au Liban de celui qui fut baptisé « le boucher de Khiam » posent question.
Selon certaines sources, Amer Fakhoury aurait, à son arrivée à l’Aéroport international de Beyrouth, été escorté par un officier de l’armée qui lui a permis de passer les contrôles. L’ancien responsable sécuritaire de la prison de Khiam comptait apparemment sur le fait qu’il y a prescription de ses crimes, pour lesquels il a été condamné par contumace à 15 ans de prison en 1996, pour collaboration avec Israël. Sachant que le code pénal au Liban stipule que pour les jugements par contumace, la prescription s’applique dès que le double de la durée de la peine est passé, limitant cependant cette durée à vingt ans au maximum. Jeudi, la Sûreté générale l’a déféré auprès du commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, le juge Peter Germanos. Ce dernier a ordonné sa détention provisoire. Dans la soirée, l’Agence nationale d’information (ANI, officielle) a confirmé la détention d’un général de l’armée libanaise, E.Y., qui avait accompagné Amer Fakhoury au bureau de la SG à l’Aéroport international de Beyrouth, à son arrivée au Liban. Une information rapportée plus tôt dans la journée par la chaîne du Hezbollah al-Manar. Concernant la garde à vue de ce général libanais, le commandement de l’armée a affirmé suivre cette affaire afin qu’elle soit « résolue selon les usages juridiques appropriés ». Le commandement de l’armée a par ailleurs tenu à clarifier les circonstances dans lesquelles une photo montrant le commandant en chef, le général Joseph Aoun, en compagnie d’Amer Fakhoury, et qui a été largement partagée et condamnée sur les réseaux sociaux, a été prise. « Cette photo a été prise en octobre 2017, lors d’une soirée organisée par l’ambassadeur libanais à Washington en l’honneur du général Joseph Aoun. Les invités, dont M. Fakhoury, ont pris des photos avec le général, sans que cela implique qu’ils se connaissent personnellement », a précisé l’armée.
« Couverture officielle ? »
Dans ce contexte, un avocat, Hassan Bazzi, a annoncé hier avoir déposé une note d’information, signée par une trentaine d’avocats et plusieurs ex-détenus de Khiam, contre l’ancien responsable militaire de l’ALS pour déterminer quelles sont les personnes impliquées dans son retour. De son côté, le Centre de Khiam de réhabilitation pour les victimes de torture a réclamé que l’ancien responsable de l’ALS soit jugé publiquement, et que la loi sur les sanctions pénales pour les cas avérés de torture soit amendée. « Il semble que certains, au sein des institutions de l’État, tentent d’effacer la mémoire de ce qui s’est passé à Khiam, comme en témoigne le retour du bourreau de cette prison, Amer Fakhoury, sous une couverture officielle », a-t-il affirmé dans un communiqué. Dans une déclaration à L’OLJ, Mohammad Safa, le secrétaire général de ce centre qui rassemble les anciens détenus, a accusé Amer Fakhoury de « deux crimes : la trahison nationale car il a été un agent d’Israël, et la torture qu’il a fait subir à ces centaines de prisonniers et prisonnières ». « Il n’aurait pas osé revenir au Liban par l’aéroport s’il n’y avait pas eu une couverture officielle et un encouragement à son retour et au retour d’autres » collaborateurs, a-t-il ajouté. « Le centre dénonce le retour du tortionnaire aux mains tachées du sang des détenus et réclame un procès public », a-t-il encore martelé. « Nous ne passerons pas cette affaire sous silence », a commenté de son côté pour L’OLJ Fayçal Abdel Sater, un journaliste proche du Hezbollah, qui s’interroge sur les « garanties » que cet « ex-tortionnaire » a pu recevoir pour prendre le risque de revenir par l’aéroport de Beyrouth.
« L’opinion publique a le droit de savoir qui sont les personnes qui lui ont facilité le passage à l’aéroport et celles qui ont contribué à blanchir son casier judiciaire. C’est le seul moyen de ne pas laisser libre cours aux opérations de vendetta auxquelles les victimes et leurs proches seraient tentés de recourir », a-t-il prévenu.
Le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, a pour sa part affirmé dans un tweet que « tous les Libanais et notamment les fils de la région de Marjeyoun ne pardonneront pas à celui qui s’est évertué à inventer de nouvelles tortures », dénonçant en outre des informations selon lesquelles « les dossiers de 60 autres agents d’Israël seraient en voie d’être expurgés ». Le retour de Amer Fakhoury a également été dénoncé par le Parti syrien national social (PSNS) qui a demandé « l’application de la loi à l’encontre des agents » d’Israël, ainsi que par la branche jeunesse du Parti socialiste progressiste qui a considéré que « ne pas juger Fakhoury constitue une insulte à la mémoire des Libanais ».
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Foutaises que tout cela! Quelqu'un a bien du lui annoncer qu'il pouvait rentrer sans probleme. Qui? Vous croyez qu'il est a ce point idiot pour se jetter dans la gueule du loup???
17 h 01, le 16 septembre 2019