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Culture - rencontre

Shahad Ameen ou le chant des sirènes

La Mostra a invité pour sa 76e édition deux réalisatrices saoudiennes à présenter leurs œuvres. Si la première, Haifaa al-Mansoor, est déjà confirmée puisqu’elle a été la première à tourner dans les rues de Riyad son film « Wajda », la seconde, Shahad Ameen, mérite d’être connue. « L’OLJ » l’a rencontrée alors qu’elle présentait son film « Scales » (Saydet al-Bahr) qui a reçu le prix des critiques de moins de 30 ans dans le cadre de la Critics Week.


Shahad Ameen : « J’ai toujours eu confiance dans l’avenir du cinéma arabe. »

L’action se situe sur une île étrange où l’on sacrifie les petites filles à la mer pour nourrir les hommes, tous des pêcheurs, qui ne s’alimentent que de chair de sirène. Scales, de Shahad Ameen, est une dystopie. Contrairement à l’utopie, cette fable, qui relate un récit onirique ayant lieu dans une société imaginaire, difficile ou impossible à vivre puisque pleine de défauts, ne devrait pas être un modèle. Une histoire symbolique sur l’oppression des femmes dans des sociétés où leur corps ne leur appartient pas.


La mer, lieu d’évasion
Shahad Ameen voulait être poétesse ou auteure, mais très vite elle réalise, en regardant une émission syrienne à la télévision, qu’elle désire faire des films et raconter des histoires qui lui ressemblent. De père saoudien et de mère syrienne, la jeune auteure/réalisatrice avoue que c’est son père, plus ouvert d’esprit que sa mère, qui l’a encouragée en premier lieu à suivre des études d’audiovisuel en lui offrant également sa première caméra. Elle étudie d’abord la production cinématographique et l’écriture de scénario à Londres et à New York, avant de revenir dans son pays pour y développer le cinéma local malgré toutes les contraintes et les restrictions que ce milieu suppose.

« Aujourd’hui, j’écris et réalise des histoires dans lesquelles je peux me reconnaître. » Le récit de Scales est très inspiré de celui de Eye & Mermaid, son précédent court métrage (à croire que la réalisatrice est férue d’histoires de sirènes). L’idée est partie de sa volonté de représenter des femmes fortes dans le monde arabe, en faisant le portrait de celles qui sont marginalisées car elles ne suivent pas la tradition. Avec Scales, Shahad Ameen va plus loin en atteignant une dimension plus universelle. Il n’est plus question de temps puisque le thème est intemporel. Quant au lieu, il est aussi indescriptible. Il s’agit principalement d’une île d’où la mer se retire et qui devient asséchée. La réalisatrice crée alors, sur fond de noir et blanc, un monde visuel qui ouvre la fenêtre à tout symbolisme. « Je ne voulais pas raconter une histoire de manière directe, mais le faire d’une façon métaphorique. Et comme j’aime beaucoup les poèmes arabes, je voulais que cette symbolique du langage et de la poésie arabes transparaisse à l’écran. »



(Lire aussi : Peyman Maadi surfe entre l’Orient et l’Occident)



Le changement commence
Cette évocation de la mer, lieu d’évasion, et de la sirène, représentant la femme, s’est combinée pour créer cette épopée à la fois historique et légendaire. « Je n’aime pas reproduire la femme comme une victime, mais comme un personnage fort. L’actrice principale Basima Hajjar, alors âgée de quatorze ans à la fin du tournage, est une adolescente qui prend son destin en main. » Se rebiffant contre cette loi qui implique de mourir dans l’eau pour être la proie des pêcheurs, elle décide (après être sauvée par son père) de prendre son destin en main afin de se montrer égale aux hommes.

Pour son premier long métrage (reconnu à cette occasion par la Mostra), Shahad Ameen a défié la loi imposée par les hommes avec sa jeune actrice. Elle a défié les règles de la terre, mais aussi celles de l’eau. « On m’a beaucoup prévenue de ne pas tourner dans l’eau. Je n’ai écouté personne. Mais j’avoue aujourd’hui que c’était un exercice très difficile que de passer plus de trente jours en mer. »

Pour la jeune femme, la vraie aventure commence aujourd’hui : « Je suis très contente de voir qu’il y a une large représentation du film arabe cette année à Venise. C’est d’autant plus excitant que les transformations dans mon pays sont devenues palpables. J’espère que dans un avenir proche, plus de voix se joindront à nous. Je suis confiante. D’ailleurs, j’ai toujours cru que ce changement allait s’opérer, mais qu’il fallait simplement patienter. »



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