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Culture - Rencontre

Peyman Maadi surfe entre l’Orient et l’Occident

Né à New York, Peyman Maadi revient s’établir dans son pays d’origine, l’Iran. Féru de cinéma, il commence par écrire des scénarii et obtient un énorme succès. Mais, séduit par l’actorat, il change de trajectoire. Asghar Farhadi le choisit pour le film « About Elly » et la grande aventure commence. Peyman Maadi vient de présenter à Venise le film de Saeed Roustaee « Just 6.5 » dans lequel il tient le rôle du policier.


Peyman Maadi, un policier dur dans « Just 6.5 » de Saeed Roustaee.

Après avoir joué avec Asghar Farhadi et reçu l’Ours d’argent du meilleur acteur à Berlin, qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer avec Saeed Roustaee et à jouer pour ce jeune auteur de 26 ans ?

C’est ma seconde collaboration avec le réalisateur Saeed Roustaee. Lorsque j’avais décidé de jouer dans son premier film, Life +1day, on s’était étonné comment j’ai pu faire confiance à ce jeune réalisateur. J’avais lu son script et il m’avait paru très intéressant car il témoignait avec beaucoup de sincérité du milieu pauvre dans lequel il était né. Par ailleurs, je lui avais demandé de me montrer auparavant ses courts métrages qui avaient été primés. J’ai eu très vite un bon contact avec lui tout comme avec Asghar Farhadi avec qui j’ai joué About Elly et Une Séparation. On avait de longues conversations et une certaine amitié s’est bâtie avant le tournage.

« Just 6.5 » parle du milieu carcéral et met face à face un groupe de policiers avec les caïds de la drogue ainsi qu’avec un nombre incommensurable de drogués. Ce rôle a-t-il été difficile? Et y avait-il une certaine censure à ce sujet ?

Il est délicat, voir très difficile, de jouer un rôle de policier en Iran. L’acteur doit interpréter le personnage du policier selon certaines exigences de l’État. J’ai eu pleinement le temps de lire le scénario. Nous avons eu un retard d’un an à cause de de la production et par la suite cinq mois de tournage. Entre-temps, le scénario avait été lu par les responsables officiels qui veillent à vous donner des recommandations et à y insérer des notes. Je trouve que ceci augmente la créativité du réalisateur qui essaiera de dire la vérité dans son film tout en prenant des chemins de travers afin de ménager les sensibilités des uns et des autres.

Mais n’est-ce pas un discours politique que de parler de cette drogue tellement répandue au sein de la société iranienne, qui compterait 6,5 millions de drogués. Un chiffre qui donne d’ailleurs son titre au film...

Par les temps qui courent, tout discours, rire ou larmes peuvent être interprétées politiquement, surtout dans une région comme la nôtre. Même si l’image que reproduit ce film n’est pas très séduisante, Just 6.5 ne fait que témoigner d’une réalité sociale, voire d’une catastrophe humanitaire qui va au-delà des frontières car le problème de la drogue est un phénomène mondial qui remplit les poches des cartels en faisant d’innombrables victimes. Le réalisateur Saeed Rustaee ne blâme pas le système. Il n’est que le témoin de son époque.

Comment vous êtes-vous préparé pour entrer dans la peau du personnage du policier ?

Chaque rôle exige une préparation différente. Pour celui-ci, j’ai dû voir beaucoup de films iraniens et occidentaux sur le milieu de la drogue ainsi que des documentaires sur le milieu policier. Par la suite, c’était une immersion totale dans une station de police. Mais, tout au début, l’acteur doit savoir ce qu’il veut et ce qu’il cherche exactement. Le reste vient naturellement. Ainsi, je passais la journée avec certains policiers, observant et étudiant leur langage corporel. J’ai même demandé à l’un d’eux d’être sur le tournage avec moi.

Dans le film « Une Séparation », vous êtes un personnage calme et silencieux alors que dans celui-là vous êtes bruyant et très loquace. Comment faites-vous pour passer d’un personnage à un autre ?

Pour moi, l’acteur principal dans un film est également un narrateur. Il porte le film en lui et sa voix est celle du récit. Tout commence avec lui et se termine avec lui. Comme il porte le film sur ses épaules, il n’a droit à aucune erreur. Je lis le scénario une cinquantaine de fois et puis j’en discute beaucoup avec le réalisateur. Je lui soumets différentes versions de mon rôle.

Retour en arrière sur votre carrière d’acteur qui est devenue à présent internationale. Le tournant a-t-il eu lieu avec « Une Séparation » d’Asghar Farhadi ?

Bien sûr. Tout a commencé avec Farhadi et je lui dois ma carrière internationale. Les deux films du cinéaste oscarisé, About Elly et Une Séparation, m’ont, à la fois, rendu populaire et beaucoup appris. Mais il faut faire attention de ne pas tomber dans le piège de la facilité à la suite d’un pareil succès. Après ce film, j’ai reçu un tas de propositions. Mais je me devais d’être vigilant dans le choix des rôles.

Vous êtes un acteur populaire en Iran (n° 1 au box-office) et vous poursuivez en même temps une carrière hollywoodienne ? Cela vous a-t-il mis dans une position délicate, comme d’autres réalisateurs ou acteurs ?

Je peux dire honnêtement que je suis un des seuls acteurs à faire ce genre d’exercice. Un exercice assez difficile par ailleurs, parce qu’il consiste à refuser beaucoup de rôles, même s’il s’agit de bons films. Je refuse catégoriquement les scripts à connotation politique ou religieuse. Cela ne m’intéresse pas. Je me pose mes propres limites car même si je fais la navette entre Los Angeles et Téhéran, j’aime toujours revenir dans mon pays et y faire des films. Et si je suis à Venise, c’est pour défendre un film iranien Metri shesh –o-nim (Just 6.5). Et si le film d’Asghar Farhadi a reçu l’Oscar à Hollywood, c’est pour un film purement et simplement iranien. Je n’ai plus vingt ans et j’ai une famille. Mais, surtout, j’ai encore beaucoup d’histoires à raconter. Je ne veux donc pas perdre tout cela.



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