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Joujoux de crise

Il fut un temps où les Libanais se targuaient, à juste titre, d’être à la pointe de la modernité. Passe encore que leurs légendaires talents en matière de communication continuent d’être cruellement bridés par les pannes chroniques de courant et la vétusté d’un réseau électronique qui commence tout juste à faire connaissance avec les fibres optiques. Mais c’est à la dure, dans un climat d’anxiété, dans l’attente de quelque cataclysme guerrier, que les Libanais doivent se familiariser avec ces petites merveilles de la technologie conçues et développées à des fins militaires.


On savait bien déjà que les drones ne servent pas seulement à amuser jeunes garçons et adolescents attardés, ou alors à fixer pour la postérité les somptueuses réceptions de mariage de l’été. On était loin d’ignorer que ces machines sont de très efficaces moyens de reconnaissance et d’espionnage et qu’elles peuvent même se muer en bombes volantes, sans évidemment le moindre risque pour le pilote confortablement installé devant son pupitre de télécommande. Depuis le temps que l’on parle de bombes intelligentes, celles-là mêmes qui ont monopolisé les écrans de télévision lors des deux guerres du Golfe, on pouvait pressentir aussi qu’à leur tour, ces engins organiquement capricieux que sont les missiles pouvaient très bien bénéficier d’un supplément d’intellect leur permettant d’atteindre désormais leur objectif à quelques mètres près, plutôt que de se perdre dans la nature.


Ce qu’on n’imaginait pas cependant, hier encore, c’était de voir subitement réunis à notre frontière méridionale, dans un explosif cocktail, tous ces ingrédients de haute sophistication. Le Hezbollah a menacé de riposter durement à l’attaque au drone menée dimanche dernier contre l’une de ses installations, dans son fief de la banlieue sud de Beyrouth. Et le Liban officiel n’a pu faire autrement qu’en prendre bonne note, voyant en effet dans cette agression une déclaration de guerre en règle, en même temps qu’une violation flagrante de la résolution 1701 de l’ONU. À tout cela Israël répond, comme on sait, par un flot de mises en garde ; plus précisément, l’État hébreu se dit résolu à user de tous les moyens pour prévenir toute mise à niveau des missiles du Hezbollah qui serait entreprise au Liban même, avec l’aide de l’Iran.


Derrière toute cette débauche d’intelligences artificielles se profilent cependant deux volontés humaines antagonistes, certes, volontiers aventureuses, mais tout de même tenues parfois au pragmatisme et au réalisme. Analysant cette vieille hostilité que se vouent Benjamin Netanyahu et Hassan Nasrallah, le quotidien israélien Haaretz croit pouvoir assurer ainsi que même s’ils doivent échanger des coups, les deux hommes sont également soucieux de préserver le cessez-le-feu de 2006.


Le fait est que sous peine de perdre la face, le chef du Hezbollah n’a d’autre choix que de riposter, tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre, à l’attaque de la semaine dernière ; il doit frapper assez fort pour se faire entendre, mais pas assez pour provoquer une conflagration d’envergure : la même logique s’imposant, veut-on croire, au Premier ministre israélien, qui s’apprête à affronter les électeurs. Reste à espérer que l’un et l’autre savent jusqu’où ils peuvent aller trop loin. Et qu’en matière de logique, il en existe bien une, face aux aléas qui accompagnent invariablement toute équipée guerrière.

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On relèvera, pour finir, qu’il faut bien davantage que les tensions à la frontière avec Israël pour secouer la torpeur d’un gouvernement miné par ses luttes d’influence intestines. Particulièrement choquante est la querelle de jeudi sur le pourvoi des fonctions de procureur général, comme de présidents du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil d’État : les futurs titulaires de ces postes prestigieux se trouvent réduits en effet au rang de clients tenus au devoir de reconnaissance envers ceux à qui ils doivent leur nomination. La bonne nouvelle, c’était l’adoption d’un plan de sécurité cybernétique pour mettre les usagers du web et les départements publics à l’abri des hackers.


Bravo, il ne reste plus qu’à protéger les citoyens contre les dérives insensées de ceux trônant à la tête de certains ministères...


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Il fut un temps où les Libanais se targuaient, à juste titre, d’être à la pointe de la modernité. Passe encore que leurs légendaires talents en matière de communication continuent d’être cruellement bridés par les pannes chroniques de courant et la vétusté d’un réseau électronique qui commence tout juste à faire connaissance avec les fibres optiques. Mais c’est à la dure,...