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Lifestyle - Un peu plus

Et si la guerre avait lieu ?

Les stigmates de la guerre dans la Békaa. Photo bigstock

La banlieue sud est silencieuse. Le reste du Liban est sur ses nerfs. Va-t-il y avoir une nouvelle guerre ? Un nouveau 2006 ?

La guerre. Un mot aux relents effroyables pour un grand nombre de Libanais. Pour ceux et celles qui ont vécu toutes nos guerres, ceux et celles qui étaient absents. N’en finirons-nous donc jamais ? Quand ce ne sont pas les affrontements, les missiles, les frappes, les orgues de Staline, les raids aériens, ce sont les actes terroristes, les voitures piégées, les assassinats. Et quand ce ne sont pas des guerres physiques, ce sont les guerres économiques, les crises, la précarité. N’en finirons-nous jamais ? Sommes-nous condamnés à ne jamais connaître le calme ? La sérénité, la paix et la tranquillité ? Sommes-nous damnés tout simplement ?

On a peur et on se demande, avec légitimité, si on tiendra le coup cette fois. Si on pourra encore supporter la violence, la crainte, la fuite, les planques, le rationnement. Si on aura le souffle assez long pour attendre les trêves et, enfin, la paix.

Oui, on tiendra. Comme on l’a toujours fait. On tiendra face aux envahisseurs du dehors et du dedans. On tiendra face aux agressions du dehors et du dedans. On tiendra parce que la résilience coule dans nos veines. Parce que nous avons toujours tenu. Tenu le coup, (sou)tenu les autres. Nous sommes un peuple solide malgré toutes les dissensions qui nous séparent. Parce qu’une fois au ventre, la frayeur installée, on la dompte. On sait l’apprivoiser et la rendre utile. On peut décider de partir et d’abandonner une fois de plus sa terre ou rester et se battre en silence. Dans le silence des nuits d’accalmie, dans le brouhaha des abris, dans la fraîcheur des montages ou dans les décombres de la ville.

On sait comment faire pour résister et nous sommes indéniablement passés es maîtres en la matière. Nous savons remplir une mouné, garder l’essentiel, ranger ce qui est précieux. Laisser les passeports à portée de main, garder une battariyyé dans la poche et un Lux au cas où. Nous savons faire bouillir le café sur un camping gaz et choper les chaînes de télé en confectionnant une antenne avec du fil de fer et une boîte de Nido. Nous savons reconnaître le dernier bombardement, les derniers tirs et nous pouvons généralement trouver les francs-tireurs. Nous savons où nous cacher quand les obus tombent sur la ville. Les abris comme les maisons de montagne, ça nous connaît. Et dans ces habitations et lieux de fortune, nous savons nous entraider. Calmer les plus petits, prescrire des recettes de téta pour une rage de dents, faire à manger pour tout le monde. Et surtout, surtout, on sait sourire et rire malgré tout.

Elle est là notre résilience. Dans le rire. Et dans la légèreté que l’on sait tirer de la lourdeur du chaos. On sait rire parce que c’est comme ça que nous nous défendons. Que nous nous défendons à chaque fois qu’une agression survient. Face à la bêtise ou à la censure, on s’envoie des messages bourrés de nékat, de photosmontages, de caricatures. Et face à la peur, on rit. Comme on l’a toujours fait. On se retrouvera donc peut-être à organiser de nouvelles parties de Quatorze, de Tarnib ou de Likha. On dansera sur le dernier morceau de Beyoncé. On fera une petite fête pour exorciser nos vieux et nouveaux démons. On réécoutera les larmoiements de Feyrouz entre deux flashs info. On se racontera des histoires, nos histoires. On s’enquerra des autres sur nos dizaines de groupes WhatsApp. On twittera au monde entier que, cette fois encore, nous résisterons. On postera des selfies sur Instagram, des statuts sur Facebook.

Ce sera notre façon à nous de dire merde à ceux qui nous ont embarqués dans cette folie inutile. De leur dire d’aller se faire voir parce que nous, on sait se cacher et c’est ce qu’ils auraient dû faire. Et une fois brandi le drapeau blanc de la fin d’une guerre que personne n’aura gagnée (bien évidemment et comme toujours), on ressortira de nos cachettes et on rentrera au pays avec cette lueur d’espoir qui ne nous a jamais quittés, même quand on a connu le pire.

La banlieue sud est silencieuse. Le reste du Liban est sur ses nerfs. Va-t-il y avoir une nouvelle guerre ? Un nouveau 2006 ? La guerre. Un mot aux relents effroyables pour un grand nombre de Libanais. Pour ceux et celles qui ont vécu toutes nos guerres, ceux et celles qui étaient absents. N’en finirons-nous donc jamais ? Quand ce ne sont pas les affrontements, les missiles, les frappes, les...

commentaires (5)

Un bel article mais......

Eleni Caridopoulou

18 h 12, le 31 août 2019

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Un bel article mais......

    Eleni Caridopoulou

    18 h 12, le 31 août 2019

  • SI LES AVENTURIERS CONTINUENT LEURS FANFARONNADES ET LEUR MAINMISE INTERNE LA GUERRE SERAIT INEVITABLE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 33, le 31 août 2019

  • Super concentré de ce qui se passe dans nos têtes tout les jours, chaque minute et toute seconde. Pourtant cette guerre a commencé, car pour tout libanais frustré que son opinion est effacé au profit de ceux parlant au nom d'autres nations, frustré que son avenir est déterminé par Israël, Syrie, Iran, Trump, Putin etc, frustré que l'environnement qui était le sien fût conquis par des soi disant hommes d'affaires douteux, et j'en passe. On est déjà dans une guerre et le besoin de patriotes sincères est, plus que jamais, primordial! Merci pour votre article.

    Wlek Sanferlou

    14 h 48, le 31 août 2019

  • Il n'y a guère de guerre que les guerres de naguère.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 56, le 31 août 2019

  • Cette fois, Madame Médéa, c'est du sublime, merci ! Heureusement qu'il y a encore de vrais patriotes libanais/es comme vous, qui ne sont ni pro-Syrie, pro-Iran, pro-US, pro-Arabie-Séoudite, ni pro-guerres sans fin et surtout inutiles pour notre avenir...mais de vrais résistants/es par l'intelligence et l'amour de leur pays ! Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 32, le 31 août 2019

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