Le nouveau terrain de confrontation entre Israël et l’Iran met dans l’embarras une partie de l’administration américaine. Des tensions seraient en effet survenues à cause des frappes et des attaques en Irak imputées à Israël qui ont eu lieu fin juillet et le week-end dernier. Lors d’une déclaration officielle lundi soir, le Pentagone a balayé toute implication du gouvernement américain dans les frappes aériennes en Irak, rappelant notamment le soutien des États-Unis à la « souveraineté irakienne » et son opposition à tout « acteur extérieur ». Le porte-parole du Pentagone, Jonathan Hoffman, a précisé que « les forces américaines n’ont pas mené la récente attaque contre un convoi ni aucune attaque récente ayant entraîné l’explosion d’entrepôts de munitions en Irak », ajoutant que « des déclarations contraires sont fausses, trompeuses et incendiaires ».
Il paraît cependant impensable que les Israéliens n’aient pas obtenu le feu vert, voire une coordination avec leurs alliés américains. « Les opérations en Syrie se font avec l’acquiescement russe et les opérations en Irak se font avec l’acquiescement américain, et les Iraniens se rendent comptent que l’étau se resserre », souligne Joseph Bahout, chercheur au Carnegie et spécialiste du Moyen-Orient, contacté par L’Orient-Le Jour.Israël a récemment étendu son champ d’action contre l’Iran et ses supplétifs en ne se contentant plus de cibler leurs positions en Syrie, mais en frappant aussi à plusieurs reprises en Irak. Une attaque de drone a eu lieu dimanche contre une base militaire de la puissante force paramilitaire Hachd el-Chaabi, dans l’ouest de l’Irak, provoquant la mort d’un de ses combattants. Cette incursion est survenue un mois après une série d’explosions non revendiquées sur des bases de la force paramilitaire, d’abord imputées aux Américains, puis à Israël. Lundi, le président et le Premier ministre irakiens ont tous deux dénoncé les frappes aériennes, les décrivant comme des « attaques contre la souveraineté de l’Irak ». Un puissant bloc du Parlement irakien a en outre appelé au retrait des troupes américaines d’Irak en réponse aux frappes aériennes.
Ces dernières semaines, plusieurs officiels américains s’étaient entretenus de manière anonyme avec des médias, certains désignant explicitement les auteurs des frappes en Irak comme étant les Israéliens. La mise au point du Pentagone lundi met en exergue la sensibilité du sujet. Pour les experts, une chose est claire, les Israéliens ont eu le feu vert américain pour mener ces opérations. « Il est inconcevable que les Israéliens n’aient pas eu un feu vert avant les frappes du 19 juillet dernier, mais la situation est confuse à cause des divergences au sein de l’administration », estime Aaron David Miller, vice-président au centre Wilson à Washington et ancien conseiller auprès de six secrétaires d’État américains, également contacté par L’OLJ.
(Lire aussi ; Syrie, Irak, Liban : la confrontation irano-israélienne se joue désormais sur trois fronts)
« Faire le sale boulot »
« Concernant la Syrie et le Liban, il y a une sorte d’entente maximale entre les deux pays. Mais concernant l’Irak, il y a bémol. Les militaires ont peur que les frappes israéliennes mettent la présence américaine en Irak en danger ou que le débat de leur présence même s’ouvre de manière très forte au niveau politique », explique de son côté Joseph Bahout.
5 000 soldats sont actuellement en poste en Irak. Des responsables politiques irakiens ont remis en cause hier la présence de ces troupes sur leur sol. Pour les médias pro-iraniens, les Américains, engagés dans un bras de fer contre la République islamique, laisseraient aux Israéliens le soin de « faire le sale boulot ». « Dans la logique iranienne, Israël et les États-Unis c’est un peu la même chose, il n’y a pas de hiatus entre eux », poursuit Joseph Bahout. Si les Israéliens et les Américains sont au diapason de « pression maximale », contre l’Iran, l’État hébreu agirait militairement avant tout pour défendre ses propres intérêts. « En dépit du fait qu’on a parfois l’impression que les États-Unis commandent Israël, sur les questions sécuritaires majeures, les Israéliens se chargent eux-mêmes de ce qu’ils considèrent être leur business », explique Aaron David Miller.
En Irak, comme au Liban, les récentes attaques israéliennes contre les intérêts iraniens font surgir le risque d’un embrasement dans la région. Aucun des acteurs n’aurait intérêt à une escalade. « Israël et les États-Unis sont sur la même longueur d’onde en ce qui concerne la stratégie de pression maximale sur l’Iran, mais là où les choses sont beaucoup moins claires, c’est sur la finalité. Est-ce qu’on veut que les choses se détériorent encore plus ou pas ? » estime Karim Bitar, directeur de l’Institut des sciences politiques de l’USJ. Les signes d’une détente entre Washington et Téhéran, après la venue surprise de Mohammad Javad Zarif, le ministre iranien des Affaires étrangères, à Biarritz sur invitation d’Emmanuel Macron, pourraient freiner les ardeurs militaires de part et d’autre. « La possible rencontre entre Donald Trump et Hassan Rohani semble aller à l’encontre de toute volonté d’escalade des différentes parties », conclut Aaron David Miller.
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Et les imbéciles c'est qui?
PPZZ58
21 h 14, le 28 août 2019