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Moyen Orient et Monde - Tunisie

Arrestation du candidat favori à la présidentielle, Nabil Karoui

Les forces de l’ordre tunisiennes ont arrêté l’influent magnat des médias accusé d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent. Son parti, Qalb Tounes, dénonce des « pratiques fascistes ».


Nabil Karoui, favori de la présidentielle tunisienne, a été arrêté vendredi par la police. Reuters/Zoubeir Souissi

C’est sur sa propre chaîne de télévision, NessmaTV, que Nabil Karoui apparaissait vendredi entre les mains de la police tunisienne. Une quinzaine de voitures de police ont été mobilisées pour son arrestation pour « évasion fiscale et blanchiment d’argent », alors qu’il rentrait de l’inauguration d’un local de son parti à Béja (Nord-Ouest). Peu après que le ministère de l’Intérieur eut confirmé son arrestation, la couverture de l’élection présidentielle de septembre par Nessma TV, chaîne ne possédant pas de licence, a été interdite.

Depuis plusieurs mois, le charismatique magnat des médias fait polémique. Dès le dépôt de sa candidature à l’élection présidentielle, sa côte dans les sondages n’a cessé de monter. Devenu candidat favori, il se pose en résistant face à un État qu’il accuse de retourner aux pratiques de la dictature. Il y aurait, selon lui, deux Tunisie : celle des oppresseurs (les centristes de Nidaa Tounes, le Premier ministre Youssef Chahed, les islamistes d’Ennahda) et celle des opprimés, des pauvres, des gens simples, dont il se fait le défenseur.

Ce discours un brin populiste trouve bien des oreilles attentives. Les Tunisiens sont de plus en plus méfiants à l’égard du système politique national. De fait, un quinquennat rythmé par les luttes intestines au sein du gouvernement n’a pas réussi à endiguer l’important taux de chômage, pas plus qu’il n’a dynamisé une économie à l’arrêt. Des alliances politiques antinomiques (Nidaa-Ennahda-UPL en 2017) ont contribué à décrédibiliser les parties prenantes. Autant de facteurs qui alimentent la confusion de l’électorat tunisien, pour qui de tels calculs stratégiques ont des relents d’oligarchie.


(Pour mémoire : Présidentielle en Tunisie : le parti Ennahdha présente un candidat, une première)



Maintien de la candidature
C’est dans ce climat que Nabil Karoui se présente comme l’avocat des nécessiteux et réfractaires au pouvoir en place. Sauf que, depuis 2017, l’homme d’affaires est dans le collimateur d’une instruction judiciaire du pôle financier. Cette enquête fait suite au dépôt d’un rapport rédigé par l’ONG I-Watch, une organisation sous la tutelle de Transparency International, organisme non gouvernemental anticorruption basé à Berlin. Indépendant, le rapport accuse M. Karoui de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale en bande organisée.

L’investigation d’I-Watch porte sur les activités de la société Karoui & Karoui World, fondée et détenue par Nabil Karoui et son frère Ghazi. Sous l’apparence d’un ensemble d’entreprises publicitaires implantées au Maghreb (leader régional dans le domaine du marketing), il s’agirait en réalité de la pierre angulaire d’un vaste réseau de sociétés offshore, bénéficiant d’avantages fiscaux aux quatre coins du globe. Selon le rapport, des flux financiers entre filiales, partant de Tunis et arrivant aux Luxembourg en passant par Dubaï, ont permis à Nabil Karoui et à son frère de bâtir un empire de l’évasion fiscale. Les états financiers de Nessma SA (Luxembourg), l’une des nombreuses filiales étrangères de M. Karoui, révèlent, selon le rapport, des recettes de plus d’un million d’euros de fraude fiscale par an.

Si les partisans de Nabil Karoui accusent directement le Premier ministre sortant, Youssef Chahed, d’instrumentaliser les institutions de l’État afin de remporter les élections, ils s’étendent moins sur le rapport d’I-Watch et sur Transparency International, mondialement réputés pour leur précision et leur intégrité. La rhétorique accusatrice des porte-parole de Qalb Tounes, le parti de Nabil Karoui, peut toutefois toucher l’électorat davantage qu’une longue investigation sur ses sociétés offshores. Sa défense trouve par ailleurs un certain écho dans le pays : pour la Ligue tunisienne des droits de l’homme, l’arrestation musclée de M. Karoui évoque une « instrumentalisation de la magistrature ». Mais les électeurs ont peu de temps pour se faire une opinion : le décès du président Béji Caïd Essebsi a bouleversé l’ordre des élections. Originalement prévues après les législatives, les élections présidentielles auront lieu mi-septembre. De son côté, Nabil Karoui a d’ores et déjà annoncé le maintien de sa candidature.



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C’est sur sa propre chaîne de télévision, NessmaTV, que Nabil Karoui apparaissait vendredi entre les mains de la police tunisienne. Une quinzaine de voitures de police ont été mobilisées pour son arrestation pour « évasion fiscale et blanchiment d’argent », alors qu’il rentrait de l’inauguration d’un local de son parti à Béja (Nord-Ouest). Peu après que le...

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