Les habitants du quartier de Tallet el-Khayat, à Beyrouth, ont découvert avec stupeur en début de semaine que la municipalité avait entamé la destruction du jardin public Hassan Khaled en vue d’y creuser un parking souterrain. Si la municipalité promet de rétablir le jardin une fois le parking terminé, les habitants, eux, sont perplexes et craignent de perdre cette oasis de verdure au sein d’une ville de plus en plus bétonnée.
« Les arbres arrachés (avec leurs racines) seront replantés à Horch Beyrouth (Bois des pins) en attendant que le jardin soit réhabilité. Nous n’allons couper aucun arbre », a promis Gaby Ferneini, président du Comité des espaces verts au conseil municipal de Beyrouth, contacté par L’Orient-Le Jour. « La municipalité veillera au bon déroulement du projet. Nous sommes prêts à prendre les mesures nécessaires en cas de défaillance », a-t-il ajouté, précisant que les arbres arrachés seront replantés dans le jardin Hassan Khaled lors de sa réhabilitation. « Et si certains arbres ne peuvent pas être replantés dans le nouveau jardin, ils resteront au Bois des pins », a-t-il dit.
Un scénario qui rappelle celui du jardin des Jésuites, à Geitaoui, en 2013 puis en 2017. La municipalité de Beyrouth avait tenté à deux reprises de faire passer un projet de parking sous ce jardin, mais s’était heurtée, à chaque fois, à une mobilisation de la société civile et des habitants. Le projet avait fini par être abandonné.
La construction du parking à Tallet el-Khayat, destiné à accueillir 2 000 voitures, devrait prendre 24 mois. Le projet sera exécuté par la municipalité de Beyrouth, en coopération avec le Conseil du développement et de la reconstruction. Le nouveau jardin a été dessiné par l’architecte urbaniste Vladimir Djurovic.
« Rien ne pourra être replanté »
Mohammad Ayoub, président de l’ONG Nahnoo, qui milite pour la bonne gouvernance et la préservation des espaces publics, se dit ouvertement « contre le projet ». « Il s’agit d’un jardin historique dont on va changer la fonction en y ajoutant un parking. Les arbres centenaires qui s’y trouvent ne pourront pas être déplacés ni replantés dans le nouveau jardin. Sans oublier la pollution de l’air et la pollution sonore une fois le parking mis en place », estime-t-il. Selon M. Ayoub, la municipalité de Beyrouth prévoit en outre la construction d’un autre parking sous le jardin public de Ramlet el-Baïda.
« Quand on crée plus de parkings, on encourage les gens à acheter des voitures, au lieu de travailler à développer un système de transports publics. Ce n’est pas comme cela qu’on règle le problème. C’est une solution temporaire, mais elle doit être accompagnée d’un plan sur le long terme », a indiqué M. Ayoub.
Des habitants du quartier ont lancé hier une pétition afin que les travaux de destruction et le projet de parking soient abandonnés. Un grand nombre d’internautes inquiets ont publié hier des photos du jardin en voie de destruction et appelé à l’arrêt du projet. Abdel Halim Jabre, architecte, urbaniste et enseignant universitaire, est formel : « Rien ne pourra être replanté au-dessus du parking. Les arbres ont besoin d’un espace sous terre pour pouvoir s’épanouir, ce qui n’est pas prévu dans les plans du chantier. Beaucoup d’arbres meurent une fois qu’ils sont arrachés, surtout ceux qui ne sont pas originaires de la région. Seuls les oliviers sont résistants. Il sera donc difficile de remettre les arbres arrachés à leur place, ils sont beaucoup trop fragiles, explique-t-il. Au mieux, ils pourront peut-être aménager un square fleuri, mais on ne pourra pas retrouver le jardin tel quel. Je crains même qu’ils ne construisent un centre commercial à la place. »
Pour mémoire
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commentaires (3)
C'est triste.
PPZZ58
21 h 35, le 20 août 2019