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Moyen Orient et Monde - Syrie

L’accord américano-turc sur une zone tampon va-t-il permettre d’éviter une offensive contre les Kurdes ?

Le régime syrien a rejeté l’accord en question en dénonçant une « agression flagrante ».

Un combo montrant, à gauche, un convoi de l’armée américaine à Ras el-Aïn dans la province de Hassaké, le 28 juillet, et, à droite, un convoi turc près du poste-frontière de Bab el-Hawa, le 20 juin dernier. Aaref Watad/AFP

Les négociations se poursuivent entre Washington et Ankara afin d’éviter une intervention militaire turque contre les forces kurdes dans le nord-est syrien, alors que les deux parties ont trouvé un accord en vue d’établir une « zone de sécurité » à la frontière entre la Syrie et la Turquie, une région contrôlée par les Kurdes. Les menaces pressantes du président Recep Tayyip Erdogan contre la présence kurde à sa frontière ont poussé les Américains à trouver un accord le plus rapidement possible, après plusieurs mois de négociations infructueuses. Mardi, le président turc avait en effet affirmé que, faute d’accord, il lancerait « très bientôt » une nouvelle opération. Mercredi, les deux alliés au sein de l’OTAN ont décidé d’établir un « centre d’opérations conjointes » pour coordonner la création de cette zone tampon.Les YPG sont l’épine dorsale des Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition de combattants kurdes et arabes que les États-Unis et d’autres pays occidentaux ont appuyée contre les jihadistes du groupe État islamique. Ankara dénonce les liens entre les YPG et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui livre une guérilla sanglante en Turquie depuis 1984, et redoute que l’implantation d’une zone autonome kurde à sa frontière ne galvanise les velléités séparatistes sur son sol. Suite à la signature de l’accord, aucun détail n’a été dévoilé sur la profondeur de la zone tampon ou sur les forces qui en auraient le contrôle, deux points sur lesquels les divergences demeurent particulièrement fortes.

Pour Ankara, la « zone de sécurité » prévue à terme aura aussi vocation à devenir un « couloir de paix » où pourraient s’installer les réfugiés syriens, qui sont plus de 3,6 millions à avoir rejoint la Turquie.Aldar Khalil, un haut responsable politique kurde, s’est félicité de l’accord américano-turc mais a estimé que les détails restaient trop flous. Khaled Issa, le représentant en France du Rojava, zone autonome kurdo-syrienne contacté par téléphone par L’Orient-Le Jour, a dit que la partie kurde est « ouverte » si « les discussions entre les Américains et les Turcs peuvent éviter une invasion de (sa) région ». Car « Erdogan n’hésitera pas à nous attaquer », dit-il.


(Lire aussi : Opération turque dans l’Est : le ton durcit entre Ankara et Washington)



Sur le qui-vive

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a déclaré hier lors d’une conférence que cet accord est un « très bon début », mais a également insisté sur le fait que la Turquie ne permettrait pas que les efforts en faveur d’une zone de sécurité subissent un « processus de blocage, comme la feuille de route de Manbij ». « L’accord doit être mis en application », a-t-il ajouté, sans toutefois avancer de calendrier.

Signé en juin 2018 entre Washington et Ankara, l’accord de Manbij garantissait le retrait des forces kurdes de la ville, majoritairement arabe. La Turquie ne se satisfait pas de la mise en œuvre de cette feuille de route, trop lente à ses yeux, et menace très régulièrement de lancer l’assaut. Les groupes de l’opposition armée syrienne sont sur le qui-vive depuis de nombreux mois.

« Nous sommes prêts à intervenir contre les forces terroristes du PYD », affirme un porte-parole de l’Armée nationale (pro-Ankara), Youssef Hammoud, contacté via WhatsApp. « Le volet politique est tout aussi important que le volet militaire s’il permet d’arriver au même résultat, mais sans pertes humaines. L’important, c’est d’en finir avec les actions du PYD, tels que les déplacements forcés, les enrôlements involontaires et les arrestations arbitraires », poursuit-il.

Si Ankara venait à donner le feu vert pour lancer la bataille contre les forces kurdes, l’opération représenterait la troisième incursion de l’armée turque en Syrie contre les milices kurdes après l’opération « Bouclier de l’Euphrate » en août 2016 et l’opération « Rameau d’olivier » débutée en janvier dernier, et qui a notamment abouti à la prise de la région de Afrine en mars 2018. « Cette bataille-là sera globale, ça ne sera pas comme à Afrine. Si les Turcs lancent l’offensive, cela signifiera l’extinction des Kurdes », estime Zaki*, un militant kurde originaire de Afrine, contacté par L’OLJ. « La Turquie nous demande de faire d’énormes concessions que nous ne pouvons accepter. Nous sommes prêts à nous battre », poursuit-il.


(Lire aussi : Ankara appelle Washington à couper les ponts avec les YPG dans le nord de la Syrie)



Négociations infructueuses

Damas a rejeté en bloc hier l’annonce d’un accord américano-turc sur la création d’une zone tampon qui constitue « une agression flagrante » contre sa souveraineté. Le régime syrien, qui a repris le contrôle sur plus de 60 % du territoire, a pour objectif de se redéployer dans les zones contrôlées par les Kurdes. « La Syrie rejette catégoriquement l’accord des deux occupants américain et turc sur la création de ce qui est appelé zone de sécurité », a indiqué l’agence officielle SANA, citant une source au ministère syrien des Affaires étrangères. Damas a en outre accusé les Kurdes syriens d’être un « outil » dans ce « projet hostile » américano-turc en raison de leur alliance avec Washington. Selon le régime, les Kurdes « assument une responsabilité historique » dans la conclusion de l’accord. Une source diplomatique syrienne citée par Sana appelle les Kurdes « à retourner au sein du giron national ».

Face à la menace turque, les Kurdes ont entamé l’an dernier des négociations au sujet des régions sous leur contrôle mais celles-ci n’ont pas abouti, le régime cherchant à reconquérir l’ensemble de la Syrie et refusant toute autonomie aux Kurdes. « Nous avons envoyé une feuille de route via les Russes il y a longtemps, mais le gouvernement de Damas n’a pas donné suite. Nous espérons que cette fois-ci le régime ne sera pas dans le même état d’esprit, et qu’il empêchera les Turcs d’attaquer une partie de la population syrienne », conclut Khaled Issa.

*Le prénom a été modifié


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commentaires (2)

UN ACCORD FLOU ENCORE !

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 29, le 09 août 2019

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Commentaires (2)

  • UN ACCORD FLOU ENCORE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 29, le 09 août 2019

  • Les Kurdes sont maintenant acculés à faire alliance ayx forces légales syriennes ! Cette politique américaine est d'un illogisme fracassant ! Poutine tirera toujours les ficelles dans ce jeu macabre , à cause de l'insanité incurable de la politique américaine !

    Chucri Abboud

    09 h 57, le 09 août 2019

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