Semblant plus impatient que jamais d’en finir avec la présence armée kurde des YPG (Unités de protection du peuple, considérées comme « terroriste » par la Turquie) dans le Nord syrien, le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé hier, lors de la conférence annuelle des ambassadeurs, que le combat que son pays mène en Syrie allait « très bientôt » entrer « dans une nouvelle phase ». « Nous ne pouvons plus rester silencieux, notre patience est à bout. (…) Nous sommes entrés dans Afrin, Jarabulus et al-Bab (Nord-Ouest). Nous allons aller à l’est de l’Euphrate », avait déjà martelé le reïs dimanche dernier, indiquant notamment avoir « partagé cette information » avec Washington et Moscou.
Ces déclarations interviennent au moment où les Américains, toujours présents militairement en Syrie et soutenant les combattants kurdes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans la région, tentent de trouver un accord avec Ankara afin d’empêcher cette offensive, notamment à travers la création d’une « zone de sécurité » entre la frontière turque et les forces armées kurdes. Mais les discussions autour de cette « zone », un projet posé sur la table des négociations depuis plusieurs mois, et réclamé par les Turcs depuis des années, sont actuellement au point mort.La dernière offre proposée par l’administration américaine à la Turquie devrait, selon les analystes, être refusée par la Turquie pour non-respect des conditions qu’elle a imposées. Ankara souhaite en effet étendre son contrôle exclusif sur une bande de terre profonde de 30 à 40 km, et longue entre Tall Abyad et la frontière irakienne (soit plus de 300 km). Ces mêmes territoires avaient été conquis par les YPG à la suite de leur lutte sur l’EI. De leur côté, les Américains proposent aux Turcs des patrouilles conjointes sur un territoire profond de 14 km, long de 140 km, et débarrassé des YPG. Le gouvernement turc envisage également d’utiliser cette « zone » pour faciliter le retour des réfugiés syriens présents sur son sol au nombre de trois millions et demi.
« Fondamentalement, les Turcs ont une mauvaise expérience avec les Américains en ce qui concerne les négociations autour de la question du dossier des PYD (branche politique des YPG) », explique Nawar Oliver, chercheur et analyste au centre Omran, un groupe de réflexion basé à Istanbul, contacté par L’Orient-Le Jour. « On a parfaitement vu ces casse-têtes à Manbij après la signature d’une feuille de route (en juin 2018) pour évacuer la zone des membres des PYD. Les Américains sont certes en train de s’en tenir, mais de manière très lente, ce qui ne plaît pas aux Turcs », ajoute-t-il.
Mais cette fois-ci, l’heure semble néanmoins être à l’urgence. Des informations du Washington Post affirment que l’offensive turque devrait se produire « d’ici à deux semaines », ce qui laisse très peu de temps aux Américains pour trouver une solution qui satisfasse à la fois la Maison-Blanche et le Saray (palais présidentiel turc). « Si la Turquie refuse les conditions des États-Unis, l’administration a clairement indiqué qu’elle ne pouvait pas (...) intervenir pour protéger les combattants kurdes », explique le quotidien américain. Une chose est néanmoins sûre, c’est que les Américains ne comptent pas laisser leur partenaire au sein de l’OTAN intervenir sans rien faire.
(Lire aussi : Ankara appelle Washington à couper les ponts avec les YPG dans le nord de la Syrie)
Réponse américaine
Suite aux dernières déclarations du président turc, le nouveau secrétaire américain de la Défense Mark Esper est monté hier au créneau, estimant qu’une offensive de la Turquie serait « inacceptable ». Il a également prévenu que Washington empêcherait « toute incursion unilatérale menaçant les intérêts mutuels que partagent les États-Unis, la Turquie et les Forces démocratiques syriennes (FDS) dans le nord de la Syrie ». « Ce que nous tentons de faire, c’est de trouver avec eux un arrangement qui réponde à leurs inquiétudes », a ajouté le chef du Pentagone.
Mais l’un des points essentiels concerne la présence (persistante) de l’EI en Syrie malgré la disparition de son « califat » territorial. Les forces armées kurdes détiennent en effet plusieurs milliers de jihadistes locaux et étrangers dans le nord de la Syrie. Les Kurdes, qui ont peur d’être abandonnés par les Occidentaux, ont prévenu qu’ils ne pourraient pas continuer à les garder s’ils étaient attaqués par la Turquie. « Nous n’avons aucune intention de les abandonner, a assuré M. Esper en parlant des combattants kurdes. Ce que nous allons faire, c’est empêcher des incursions unilatérales qui seraient contraires aux intérêts que nous partageons en ce qui concerne le nord de la Syrie. »
Mais devant la détermination et l’impatience turques, et compte tenu de l’impossibilité de trouver (pour l’instant) un accord, la Turquie peut-elle prendre le risque de faire grimper la température en se frottant aux YPG malgré la présence américaine ? « Je vois mal la Turquie entrer en guerre contre les États-Unis », explique Thomas Pierret, chargé de recherche au CNRS (Paris) et à l’Iremam (Aix-en-Provence), contacté par L’OLJ. « Ou alors, les Turcs sont en train de bluffer et tablent sur le fait que le président Trump ne va pas hésiter à partir en courant s’ils attaquent », ajoute-t-il. « Si les forces turques entrent en masse dans l’Est syrien et que les Américains se retirent du jeu, l’échiquier est complètement transformé (…) et là, la Russie peut avoir un rôle important à jouer même si elle n’a rien à dire sur ce qui se passe dans le Nord-Est », explique Thomas Pierret.
« En cas d’actions militaires entreprises par les Turcs dans la région, la réponse américaine se limitera à des actions de surveillance (…) Ils n’essaieront pas de repousser l’attaque ni de riposter », estime Nawar Oliver, expliquant que « le seul élément qui conduirait à une riposte américaine serait dans le cas où une menace réelle est exercée sur un soldat américain ou une base américaine ». L’offensive turque, si elle a lieu comme prévu, devra toutefois être millimétrée. Tout malentendu ou erreur de calcul pourrait très sérieusement endommager les relations entre les deux partenaires de l’OTAN, déjà mises à mal non seulement sur la question syrienne, mais aussi sur celle des missiles S-400 que la Turquie a achetés à la Russie. Les YPG ont de leur côté prévenu qu’ils riposteraient à toute attaque de la Turquie, au risque de dégarnir le front de la lutte contre l’EI.
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Hélas, il y a des peuples à destin tragique. Les vietnamiens, les kurdes ...pour ne nommer que ces deux. Ces turcs barbares et génocidaires ont l'instinct de prédateur de façon innée...ils ne cherchent pas à imiter comme les allemands (qui ont appris la barbarie avec leurs alliées ottomans, à qui ils leur remettaient des armes pour maintenir leur empire durant plusieurs siècles. Les kurdes sont les victimes des turcs depuis de longues décennies. Lors du génocide arménien de 1915, la Turquie leur a promis les terres et biens des arméniens... Ils l'ont eu, moyennant leur participation au crime ! Mais ces mêmes kurdes le jour ou ils ont réclamé l'autonomie et l'indépendance, ils sont devenus des populations indésirables et à massacrer.... Ce que la Turquie refuse aux kurdes (leur indépendance légitime) accorde volontiers aux turcs "chypriotes" "illégitimes, car il s'agit d'une occupation" Voyez jusqu'au où peut aller la mauvaise foi et la barbarie turque ? Mais le peuple kurde, compte des millions d'âme sur place, assez nombreux pour arriver à leur fin quoiqu'il arrive. Effendi Erdogan, peut sauter au plafond s'il désire...rien n'y fera!
12 h 48, le 07 août 2019