L’audience des plaidoiries relative à l’affaire de Rebecca Dykes, une diplomate britannique qui dans la nuit du 15 au 16 décembre 2017 avait été violée et tuée par un chauffeur de taxi travaillant pour la filiale locale d’Uber, a eu lieu hier devant la cour criminelle du Mont-Liban présidée par le juge Mohammad Badran.
Le corps de la jeune femme de 30 ans avait été retrouvé le soir du 16 décembre, dans un terrain vague en contrebas de la voie rapide du Metn, une ficelle autour du cou et présentant des signes d’étranglement. Le chauffeur avait été arrêté peu de temps après le meurtre.
L’avocat de la défense, Me Antoine Nehmé, a soutenu que son client a commis un viol post mortem et qu’il a agi sous l’emprise de la drogue.
L’accusation représentée par Me Antoine Abou Dib a plaidé l’homicide pour camoufler le viol et a demandé que l’accusé soit condamné pour viol et homicide volontaire avec circonstances aggravantes liées à la souffrance physique et morale qu’il a infligée à la victime.
L’accusation s’est fondée sur le verbatim de l’interrogatoire mené par le juge d’instruction avec l’accusé et sur les prélèvements d’ADN de l’accusé et de la victime examinés par les laboratoires d’analyse criminalistique.
Lors de l’enquête préliminaire, l’accusé avait évoqué le viol au même titre que le meurtre sans qu’il ne soit interrogé sur le premier, ce qui vaudrait « un aveu spontané, clair et franc de viol de la victime », selon Me Abou Dib.
Ce que confirment les prélèvements de sperme sur le corps et les vêtements de la victime, portant par ailleurs des traces de résistance à l’agresseur. « Son apparence m’a plu, je l’ai donc violée contre sa volonté », avait dit l’accusé devant le juge d’instruction.
(Pour mémoire : Acte d’accusation contre le meurtrier de la diplomate britannique Rebecca Dykes)
« Voir sa mort se rapprocher »
L’accusation a soutenu que l’inculpé a « tué sa victime intentionnellement pour camoufler les traces du viol en recourant à des moyens hargneux de torture », à savoir la strangulation par une ficelle de tissu « d’une épaisseur de 0,8 à un centimètre » que l’agresseur a avoué avoir retiré de sa propre veste, dans sa déclaration devant le juge d’instruction, qui rejoint les résultats d’analyse criminalistique du cordon. Lorsqu’elle a « tenté de sortir de la voiture et de crier (après l’agression), je l’ai ramenée de force à l’intérieur de la voiture et retiré une ficelle de ma chemise avec laquelle je l’ai étranglée », avait-il confié au juge d’instruction.
L’avocat Antoine Abou Dib a mis en avant la souffrance morale infligée à la victime. L’accusé avait en effet précisé devant le juge d’instruction avoir étranglé la victime « pendant près de trois minutes jusqu’à ce qu’elle rende l’âme ». Et d’ajouter que « son visage faisait face au mien ». Trois minutes sur lesquelles l’avocat de l’accusation s’est attardé. « Trois minutes pendant lesquelles Rebecca voyait sa mort se rapprocher, trois minutes d’une violence morale extrême », a notamment plaidé Me Abou Dib. Citant la doctrine française (« Il suffit que l’émotion provoquée entraîne une perturbation physique »), l’avocat a fait valoir que la violence psychologique est, au même titre que la violence physique infligée à la victime, une circonstance aggravante du crime.
L’accusation a écarté en outre l’allégation de l’emprise de la drogue. Lors de l’interrogatoire, l’accusé avait dit n’avoir pris aucune substance depuis sa sortie de prison un an auparavant et précisé ne pas boire d’alcool. Il a précisé n’avoir « rien consommé » le soir du crime, « ni alcool ni drogue ». C’est ce que confirment les examens de laboratoire, selon l’accusation. Les faits ayant suivi le crime tels que décrits par l’accusé indiquent que ce dernier a agi en toute clairvoyance, selon l’avocat de la victime : au retour, il a conduit la voiture les phares éteints, depuis le terrain vague où il était garé jusqu’à atteindre l’autoroute, pour éviter d’être repéré ; « lorsque j’ai atteint la bifurcation qui mène à Dekouané (banlieue nord de Beyrouth), j’ai eu l’idée de me débarrasser du corps sur l’autoroute du Metn, celle-ci étant très peu fréquentée la nuit », avait-il expliqué aux enquêteurs. Et Me Abou Dib d’ajouter que l’accusé a pris le temps de nettoyer la voiture avant de la remettre à son propriétaire, Tarek Daou (le chauffeur attitré de la voiture Uber commandée par la victime), en justifiant son retard et le nettoyage de la voiture par un malaise digestif qu’aurait eu un passager, selon le témoignage de Daou.
L’accusation réclame 100 millions de livres libanaises d’indemnisation, qui iraient le cas échéant à la Fondation Rebecca Dykes, créée pour honorer sa mémoire et poursuivre son engagement social au Liban. L’affaire a été mise en délibéré et la date du jugement a été fixée au 26 septembre prochain.
Pour mémoire
commentaires (6)
Comment se fait il qu'un chauffeur "attitré" d'Uber laisse sa voiture à quelqu'un d'autre? Qui de surcroît a un casier judiciaire. Le propriétaire du véhicule doit aussi être jugé. Pour complicité même involontaire... Sordide!!!
Sybille S. Hneine
18 h 58, le 10 juillet 2019