Le président français Emmanuel Macron a appelé hier Téhéran à « revenir sans délai » sur sa décision. Geoffroy Van Der Hasselt/AFP
Les pays signataires de l’accord nucléaire de 2015 ont vivement critiqué hier le dépassement par l’Iran de la limite à ses réserves d’uranium faiblement enrichi imposée par l’accord de Vienne sur son programme nucléaire
Le président français Emmanuel Macron a appelé hier Téhéran à « revenir sans délai » sur sa décision. Le chef de l’État « a pris note avec préoccupation » de l’annonce faite lundi par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et « demande à l’Iran de revenir sans délai sur ce dépassement » et de « s’abstenir de toute mesure supplémentaire qui remettrait en cause ses obligations nucléaires », selon un communiqué de la présidence.
Emmanuel Macron, qui « rappelle son attachement au plein respect des termes de l’accord nucléaire de 2015 », souligne qu’il « poursuivra dans les prochains jours les démarches qu’il a engagées pour que l’Iran se conforme pleinement à ses obligations et continue de bénéficier des avantages économiques de l’accord », a ajouté l’Élysée.
Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif avait annoncé lundi que son pays avait « dépassé la limite des 300 kilogrammes » d’uranium faiblement enrichi. Ce dépassement a été confirmé par l’AIEA, chargée de vérifier que Téhéran s’acquitte de ses engagements pris vis-à-vis de la communauté internationale en juillet 2015 à Vienne.
L’Iran « joue avec le feu », avait réagi le président américain Donald Trump, qui s’est entretenu du sujet avec Emmanuel Macron, selon la Maison-Blanche, dans un contexte de tensions déjà exacerbées entre Téhéran et Washington.
La France cherche, avec l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine, à maintenir l’accord de 2015 malgré le départ des États-Unis et les lourdes sanctions qu’ils imposent à l’Iran et à ses partenaires commerciaux, concernant notamment ses exportations de pétrole. Dans le même contexte, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne n’envisagent pas à ce stade de déclencher le « mécanisme de résolution des conflits » prévu par l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, bien que Téhéran ait franchi la limite imposée à ses réserves d’uranium faiblement enrichi, ont déclaré hier deux diplomates européens. « Pas pour l’instant. Nous voulons désamorcer la crise », a déclaré l’un des diplomates.
L’accord prévoit un mécanisme de règlement des différends qui peut déboucher sur un retour automatique des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU à l’encontre de l’Iran (« snap-back »). En cas de « snap-back », les sanctions européennes sont automatiquement réappliquées. Toute partie prenante à l’accord peut saisir la commission conjointe chargée du règlement des différends si elle estime que l’un des signataires ne remplit pas ses engagements. Si, à l’issue de la procédure, le différend n’est pas réglé, le requérant peut saisir le Conseil de sécurité de l’ONU, qui a le pouvoir d’enclencher le « snap-back ».
(Lire aussi : Tensions autour de l'accord sur le nucléaire iranien: quels enjeux ?)
Chine et Russie
De son côté, la Chine a « déploré » hier les mesures iraniennes, tout en accusant Washington d’être la « source » des tensions actuelles. « La Chine déplore les mesures prises par l’Iran. Dans le même temps, nous avons souligné à maintes reprises que la pression maximale des États-Unis est la source des tensions actuelles », a déclaré Geng Shuang, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. « Nous appelons toutes les parties à voir la situation dans une perspective globale sur le long terme, à faire preuve de retenue et à faire respecter (l’accord), afin d’éviter une nouvelle escalade », a-t-il déclaré au cours d’un point de presse régulier.
Pour sa part, la Russie a appelé l’Iran à « ne pas céder à l’émotion » et à respecter « les dispositions essentielles » de l’accord sur le nucléaire malgré les pressions américaines. « Nous appelons nos collègues iraniens à la retenue, à ne pas céder à l’émotion et à respecter les dispositions essentielles de l’accord » signé à Vienne en 2015, a déclaré le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov. Il a aussi appelé les Européens à « remplir leurs promesses, leurs obligations et à tout faire pour que le mécanisme qu’ils ont créé (pour permettre aux entreprises européennes de continuer de travailler avec l’Iran malgré les sanctions) soit réellement opérationnel ». « Sans cela, il sera très difficile de mener un dialogue constructif et productif sur le sauvetage de l’accord », a-t-il estimé.
La Russie avait déjà dit lundi « regretter » le dépassement de la limite des 300 kilos d’uranium faiblement enrichi par Téhéran, tout en appelant à « ne pas dramatiser » cette première entrave au texte de 2015.
Londres avait exhorté lundi « l’Iran à ne plus s’éloigner de (l’accord) et à se conformer de nouveau à ses obligations ». Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’est dit « préoccupé » par le dépassement iranien.
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