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Liban - Conférence

Les femmes du Liban deviendront-elles un jour actrices de la paix et de la sécurité ?

L’Arab Institute for Women de la LAU et le Centre Escwa pour les femmes ont organisé hier une discussion sur la résolution 1325 qui est contraignante pour les pays membres des Nations unies.

Lors du débat à la LAU, Abir Chbaro, Mehrinaz al-Awady, la générale Kristin Lund, Serena Dardari et Lina Abi Rafeh. Photo A.-M.H.

Comment pousser le Liban et le monde arabe à prévenir activement les guerres et les conflits ? En encourageant les femmes à devenir actrices de la paix et de la sécurité. En poussant ces femmes à une participation plus importante dans la vie économique et politique. En faisant aussi contribuer les hommes au processus de l’égalité des genres. Faire avancer l’agenda de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, actrices de la paix et de la sécurité, est au cœur d’une rencontre organisée hier par l’Institut arabe pour les femmes (AIW) et le Centre Escwa pour les femmes, à la Lebanese American University (LAU). Un événement qui a mis l’accent sur l’importance du rôle des femmes pour prévenir les conflits armés et qui a vu la participation de la générale Kristin Lund, chef de mission et commandant de l’Organisme de l’ONU chargé de la surveillance de la trêve (Onust).

La résolution 1325 de l’ONU sur les femmes, la paix et la sécurité est contraignante pour les 192 pays membres des Nations unies. Elle souligne la nécessité d’inclure les femmes, en particulier celles affectées par les conflits, dans les approches relatives à la sécurité et à la construction de la paix. Non seulement à les protéger en cas de guerre, mais à les faire participer activement et en tant que partenaires de valeur égale, à tous les niveaux du dialogue, de la résolution des conflits, de la prévention et de la paix durable. Mais 19 ans après son adoption par le Conseil de sécurité, le Liban n’a toujours pas adopté cette résolution. Il n’a pas non plus adopté le Plan d’action national (PNA). Il planche pourtant dessus depuis 2012. Sans compter qu’il a vécu nombre de conflits armés. Des conflits dont les premières victimes sont les femmes et les enfants. Le pays du Cèdre est aussi une terre de refuge pour des centaines de milliers de réfugiés syriens, palestiniens, irakiens et autres.


(Lire aussi : Plus de 75% des Libanais accepteraient une femme aux plus hautes fonctions de l’État)


Le monde arabe et la discrimination envers les femmes
« La paix est trop importante pour qu’elle soit laissée aux seuls hommes. » Cette réflexion du président de la LAU, Joseph Jabra, donne d’emblée le ton. Et pour cause, l’université revendique son respect de l’égalité des genres. Mais sur le terrain, les choses sont tout autres, déplore la directrice exécutive de l’AIW, Lina Abi Rafeh, dénonçant « la discrimination » à l’égard des femmes au Liban et dans le monde arabe. « Nous parlons sans arrêt de la nécessité de renforcer la participation féminine dans tel ou tel domaine, de l’urgence de les protéger et de ne pas leur faire de mal en cas de conflit armé. Ne pouvons-nous pas faire mieux que ça ? » demande la modératrice de la discussion.

L’engagement du Premier ministre, Saad Hariri, d’améliorer de cinq points la participation de la femme libanaise à la vie économique en l’espace de cinq ans, n’est pas étranger à l’agenda de la résolution 1325. Cette promesse, mais aussi « l’adoption de quotas pour la participation politique des femmes », est en tête des priorités stratégiques de l’avant-projet du Plan national d’action, élaboré par la Commission nationale de la femme libanaise (NCLW). Notons que cette commission est partie prenante du comité chargé de l’application de la résolution 1325. C’est ce qu’explique à l’assistance la vice-présidente de la NCLW, Abir Chbaro, par ailleurs conseillère du Premier ministre pour les affaires des femmes. Parmi les priorités de la NCLW, également, la prévention des conflits et de la violence sexuelle à l’égard des femmes et des filles, mais aussi la réponse aux besoins d’assistance des femmes, en cas de conflits ou de désastres naturels. « Des mesures qui nécessitent la participation des hommes et des garçons », précise-t-elle. « Parallèlement, il est impératif d’effectuer un travail sur les lois discriminatoires à l’égard des femmes », insiste Mme Chbaro, ajoutant que ce brouillon de PNA n’attend plus que « l’accord du gouvernement et le financement nécessaire ».

Mais la femme ne doit pas être considérée « que sous l’angle de la victime », met en garde la directrice de l’Escwa, Mehrinaz al-Awady. « Elle fait certes face à d’importants défis dans le monde arabe. Elle est toutefois capable d’initiatives durables en faveur de la paix et la sécurité. D’où la nécessité de ne laisser personne à l’arrière », constate-t-elle. « Ne laisser personne à l’arrière, c’est ne laisser ni les femmes ni les jeunes, lors des discussions et des prises de décision », renchérit Serena Dardari, jeune Syrienne résidant au Liban et fondatrice du réseau Chams.


La responsabilité de soutenir les femmes
C’est alors que la première femme à commander une opération de maintien de la paix des Nations unies (à Chypre) évoque son parcours et les défis auxquels elle a été confrontée. La générale Kristin Lund, aujourd’hui 61 ans, entrée dans l’armée norvégienne en 1979, présente au Liban en 1986 dans le cadre de la Finul, est de ces pionnières respectées en tant que championne ONU-femmes, pour son combat pour les femmes. « Ce combat doit se faire avec les hommes », insiste-t-elle. Pour avoir beaucoup voyagé et constaté les disparités entre les pays du Moyen-Orient, elle fait part de son « admiration envers les femmes de la région » pour leur travail. « Je me demande pourquoi il est si difficile de changer les choses », dit-elle.

Tout n’a pourtant pas été facile pour elle. À ses débuts dans l’armée, elle se rappelle avoir dû « travailler deux fois autant que les hommes », pour prouver qu’elle avait les capacités nécessaires. Il fallait bien « s’adapter au système » et ses « modèles étaient des hommes ». « Ma force vient aussi du fait que la Norvège a instauré l’égalité des genres depuis longtemps », note-t-elle. Mais depuis qu’elle a développé sa « propre philosophie de leader », ce qui lui a pris « 15 ans », la générale Lund ne cesse d’œuvrer pour les femmes au sein de l’institution militaire onusienne et auprès des populations qu’elle côtoie. « Lorsqu’on atteint un poste de responsabilité, il faut soutenir les femmes en cohésion avec les hommes, et ne jamais oublier que les nombres comptent », conclut-elle.



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