« Vous méritez qu’on vous viole. Y a-t-il quelqu’un de plus sale que vous? » Telle est l’agression violente que Dima Sadek, journaliste à la LBCI, a subie mardi sur son compte Twitter, en réaction aux opinions qu’elle exprime sur les réseaux sociaux, souvent dirigées à l’encontre de « l’esprit raciste » qui marque, selon certains observateurs, le discours actuel du Courant patriotique libre (CPL). L’attaque est de taille, en ce sens qu’elle constitue une violence sexuelle verbale à l’encontre d’une femme activiste, très engagée au plan politique et social.
Le commentaire sexiste va encore plus loin que la remarque lancée il y a quelques mois par le journaliste Joseph Abou Fadel sur le plateau de la chaîne OTV à l’adresse de Paula Yacoubian, députée de Beyrouth : « En ce qui te concerne, nous ne savons pas à combien de personnes tu as donné la tétée. » Mme Yacoubian avait ironisé sur Twitter autour de l’affaire de l’avion de la MEA en partance pour Le Caire, qui avait été évacué de ses passagers à la dernière minute pour accueillir les membres de la délégation accompagnant le président de la République, Michel Aoun. « Notre père à tous en est arrivé à faire descendre les gens des avions », avait-elle écrit.
Pour en revenir à Dima Sadek, c’est un cri d’effroi, empreint d’un sentiment de frustration qu’elle a aussitôt lancé à celui qui l’a agressée : « J’ai été victime de beaucoup d’attaques. Mais cette fois c’est différent. Le mot viol a un impact effrayant sur les femmes, bien plus effrayant qu’une menace de mort. Pourquoi en tant que femme dois-je subir une telle violence verbale ? Parce que j’ai dit que les Libanais musulmans et chrétiens doivent vivre ensemble ? Parce que j’ai demandé que de pauvres gens qui vivent sous des tentes ne soient pas blessés par les discours et les attaques ? (…). À supposer que les idées que je défends soient fausses, je n’ai pourtant tué personne et je n’ai été violente à l’encontre de personne. Pourquoi dois-je être sanctionnée par une violation verbale de mon corps au lieu qu’on discute mon opinion ? De quel milieu et quel environnement faites-vous partie ? Quelles idées politiques et quelle haine est-on en train de semer en vous de sorte que vous exprimiez ce qu’il y a de plus laid dans la nature humaine ? Où va le pays et la société? La menace dont j’ai fait l’objet est un détail, mais il faut absolument prendre des mesures responsables pour avoir raison de cette haine. Sinon, la catastrophe sera inévitable (…). »
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« Désespérément fasciste »
Contactée par L’Orient-Le Jour, Mme Sadek a relaté les circonstances qui ont conduit à l’incident. « Alors que je regardais lundi dernier une émission sur OTV, j’ai eu l’agréable surprise d’entendre Ghada Assaf, coordinatrice d’une commission de travail au sein du CPL, exprimer sa désapprobation à l’encontre de l’interdiction faite par le conseil municipal de Hadeth à un couple de musulmans de louer un appartement dans la localité », raconte la journaliste, indiquant avoir salué sur Twitter « le discours objectif et ouvert » de Ghada Assaf.
À peine a-t-elle posté son tweet, Mme Sadek est informée que le 9 juin, la responsable au sein du CPL l’avait insultée sur les réseaux sociaux. « L’insolence est devenue une mode et la prostitution verbale une liberté », avait asséné Ghada Assaf. La journaliste de la LBCI juxtapose alors son commentaire à l’égard de Mme Assaf et le commentaire de cette dernière à son encontre sur son compte Twitter, les accompagnant d’une remarque : « Ce courant (en référence au Courant patriotique libre) est désespérément fasciste. »
De quoi avoir provoqué les insultes d'un internaute, dont « le compte, sur Twitter, semble être faux », note Dima Sadek, qui en réponse à une question de L’OLJ précise qu’elle pourrait néanmoins porter plainte devant la justice, sachant que « l'auteur du compte peut être découvert par un processus informatique d’identification ».
L’attaque sexiste a suscité une vague de soutien à Mme Sadek sur les réseaux sociaux. On peut lire parmi tant d’autres tweets : « Nous ne pouvons qu’être solidaires avec la parole libre » ; « Ta présence brille au milieu de l’obscurantisme de certains »; « Les idées peuvent être discutées au moyen d’autres idées » ; « Le viol n’entre pas dans le cadre des différends politiques ».
Pour sa part, Élie Mahfoud, chef du Mouvement du changement, a écrit : « La campagne dont fait l’objet Dima Sadek est une agression qu’on ne peut occulter ou admettre (...). Pousser au viol est un indice de stérilité morale. »
Mais si le commentaire relève d’« une décadence morale », comme l’ont en outre déploré d’autres internautes, son auteur est-il susceptible d’être sanctionné au plan judiciaire ? Un pénaliste affirme qu’il représente « une insulte, et non une menace de viol, ce qui réduit la sanction à une détention de courte durée, généralement commuée en amende ».
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Je suis trop vieux . Je n'ose pas dire au populiste et à ses violeurs ce que je pense d'eux car je ne survivrais pas à une bastonnade. Je me contente donc de dire "Vive Dima Sadek " et "Vive Paula Yacoubian " .
21 h 00, le 28 juin 2019