Emblématique des grandes institutions qui prennent en charge des enfants à handicap mental, Sesobel, à Aïn Rihané, est désormais « dans le rouge » et ne pourra plus fonctionner normalement passé fin juin. Sa présidente, Fadia Safi, a adressé une circulaire aux parents des 350 enfants dont elle s’occupe, pour leur annoncer qu’ils ne seront plus reçus que quatre jours par semaine, au lieu de cinq et que les menus de leurs repas seront « allégés » dans les limites d’une saine alimentation. Parallèlement, Sesobel a démarré un plan d’austérité « à l’interne » où ceux parmi les 450 membres du personnel qui ne sont pas indispensables à ce fonctionnement au ralenti de l’institution ont été remerciés... et renvoyés à leur pauvreté.
Comme les 103 autres institutions à vocation sociale, Sesobel s’est heurtée au mur de silence et d’indifférence que le ministre des Finances a érigé autour de « son » budget. Mais personne n’est dupe. L’État doit à cette institution 2,6 milliards de livres pour les deux derniers trimestres de 2018, et c’est ce défaut de paiement qui place l’établissement dans cette situation critique.
Pourquoi ce retard inexplicable ? Pour des besoins comptables ? Sesobel et les organisations qui lui ressemblent seront payés une fois que le budget sera voté, promet-on. Sachant que ce paiement est largement en-dessous de ce que Sesobel a réellement payé, puisque les barèmes des indemnités journalières sont établis en fonction d’un indice des prix qui remonte à… 2011. Mais là où l’État peut se payer le luxe de prendre son temps, l’institution ne le peut pas : elle a des salaires à payer, même quand ces salaires sont réduits.
Du reste, il n’y a pas que les arriérés de 2018. À la fin du mois en cours, Sesobel et les organismes comme elles auront travaillé six bons mois sans aucune garantie que le contrat qu’ils avaient passés avec l’État en 2018 sera renouvelé. Et beaucoup redoutent que l’État n’honore pas ses engagements à ce sujet sous divers prétextes, notamment s’il a besoin de vérifier que l’argent ne va pas à des « institutions fictives ». Mais cet alibi ne tient pas aux yeux des responsables d’établissements de notoriété publique comme Sesobel.
Énième appel au secours
Très au fait de la situation catastrophique des organisations sociales, le ministre des Affaires sociales Richard Kouyoumjian a lancé hier un énième appel au secours, lors d’une tournée effectuée à Jezzine. « Depuis Jezzine, aujourd’hui, j’adjure mes collègues ministres, mes frères de l’Assemblée nationale, les trois présidents et tous les responsables : sauvez les associations et institutions qui sont arrivées dans le rouge et sont au seuil de la faillite. » L’ancien ministre des Affaires sociales Pierre Abou Assi et le député Neemat Frem ont joint leur indignation à la sienne. « L’austérité ne peut se faire aux dépens des plus vulnérables », a fait valoir M. Frem.
Mais ce cri, on peut en être sûr, tombera dans l’oreille d’un ministre des Finances et d’un gouvernement sourds à toute autre considération que celle de faire bonne figure aux yeux des bailleurs de fonds réunis à Paris, en avril dernier. M. Kouyoumjian a dû adjurer le chef de l’État et d’autres hauts responsables, pour obtenir que les deux premiers trimestres de 2018 soient payés aux ayants droit, assure Fadia Safi. Sachant par ailleurs que les scolarités payées par les enfants ne couvrent pas plus de 10 % des frais de fonctionnement de l’institution. Et que le budget du ministère des Affaires sociales ne dépasse pas les 1 % du budget général.
« Résister, oui, mais combien de temps et à quelles conditions ? » s’interroge Mme Safi. Si la situation reste en l’état, Sesobel sera obligée de fermer ses portes. « Dès fin juin, de nouvelles réductions d’activités seront décidées. Nous ne prendrons plus d’enfants et il n’y aura pas cette année de colonies », souligne la responsable. Certes, il restera à Sesobel, et aux autres associations à vocation sociale, à multiplier les activités d’autofinancement. Mais les soirées de bienfaisance, les brunchs, les avant-premières et les tombolas font-ils une politique sociale ?
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commentaires (4)
Tres tres triste nouvelle. C est terrible . Le pays doit s occuper de SES enfants.
Kelotamam
10 h 00, le 10 juin 2019