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Savoir-faire

La criante incompétence qui a dominé l’élaboration du budget 2019 a exposé aux yeux de tous une cour de rois nus. Ceux qui ont voté en contrepartie de services n’y trouvent pas leur compte. Ceux qui ont voté par passion sont en plein désamour. Ceux qui ont voté par solidarité communautaire n’ont qu’un rêve : partir le plus loin possible de ce milieu cloisonné qui réduit leur espace vital déjà pas bien grand. « Le pays est gouverné par les ONG », constatent les jeunes. Ils le voient bien, dans leurs universités, qui sont les parties agissantes, qui mobilisent pour l’environnement et pour les plus vulnérables, qui agitent la culture, financent concerts et expositions, lancent des concours, accordent des bourses. Que fait l’État ? L’État fait de la « politique », spécule sur les futures élections, les alliances les plus profitables, les contrats publics les plus juteux aussi vides soient les caisses, ne soutient rien ni personne, et surtout pas les populations fragiles, les personnes âgées, les handicapés, les malades chroniques… Quelle sorte d’État avons-nous d’ailleurs, qui ne trouve à couper les vivres qu’au seul ministère qui pourrait justifier son existence, celui des Affaires sociales ? En revanche, frottez-vous à l’administration et admirez le fonctionnement du système : un préposé au détachement des timbres (sans les déchirer), un autre au léchage de la vignette (sans déborder), un troisième à l’apposition du tampon (sans faire de tache). L’austérité nouvelle empêchera peut-être l’embauche d’un expert en buvard, mais il faudra se résigner à s’en passer. Nous avons aussi cet outil d’avant-garde qu’est la formalité carbone en quatre couleurs, blanc, jaune, rose, bleu, dont chaque feuillet est déposé dans la corbeille d’un guichet idoine. On exagère à peine. Et qu’on ne parle surtout pas d’informatiser archives et procédures. Ici, on honore les ancêtres et l’on perpétue leur savoir-faire manuel. Ces emplois stratégiques ont beau représenter près de 37 % des dépenses publiques, on ne saurait s’en passer. À l’horizon, aucune vision, aucune disposition, aucun projet de développement durable et pire, quand l’un de nos caciques sort quelque initiative de son chapeau, elle est invariablement néfaste.

Pendant ce temps, la peau durcie à force de subir leurs guerres, leur dangereuse incompétence, leur navrante grossièreté, leur mauvaise foi, leur cupidité, et dans l’impossibilité de les effacer du paysage, ne fut-ce qu’à travers les urnes qui les ramènent toujours comme par maléfice, il nous reste un fond de douceur que rien ne pourra nous prendre. Le foisonnement éphémère des jacarandas en fleurs. La pourpre acide des premières cerises qu’un hiver généreux a choyées. L’amertume parfumée du « vrai » café qui laisse une boue prophétique au fond de la tasse. La volcanique man’ouché du matin émergeant du vieux four au bout d’une pelle. Quelques chemins de montagne glorifiés de genêts. Délavés par les dernières neiges, enguirlandés de printemps, quelques villages où règne encore un silence organique. Et puis le regard confiant de nos enfants, dans nos foyers qui ont banni les chaînes locales et leurs journaux débilitants. Nos enfants qui ignorent jusqu’aux noms de ceux qui prétendent diriger ce pays. Nous n’en parlons pas. C’est notre misérable secret et notre dérisoire moyen de les faire disparaître.

La criante incompétence qui a dominé l’élaboration du budget 2019 a exposé aux yeux de tous une cour de rois nus. Ceux qui ont voté en contrepartie de services n’y trouvent pas leur compte. Ceux qui ont voté par passion sont en plein désamour. Ceux qui ont voté par solidarité communautaire n’ont qu’un rêve : partir le plus loin possible de ce milieu cloisonné qui réduit...

commentaires (8)

pour un week end c'en est un des plus beau , tellement drole est la description des etats des lieux ET de leurs "seigneurs"

Gaby SIOUFI

15 h 52, le 30 mai 2019

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Commentaires (8)

  • pour un week end c'en est un des plus beau , tellement drole est la description des etats des lieux ET de leurs "seigneurs"

    Gaby SIOUFI

    15 h 52, le 30 mai 2019

  • Tant que les fumeurs des narguilés peuvent exercer leur plaisir aphrodisiaque, tout va très bien, Madame la Marquise, dans le bled de l'incompétence et du vol de l'argent public dans l'attente de "la manne et les cailles" qui tomberont du ciel de CEDRE.

    Un Libanais

    15 h 45, le 30 mai 2019

  • ET CEUX QUI ONT VOTE PAR APPATS SUBSTANTIEL COMPTANT ET TINTANT CHEZ TOUTES LES FORMATIONS ET LEURS NOMBRES SONT TRES LOIN D,ETRE NEGLIGEABLES ? ET CEUX QUI SOUS LE SPECTRE DES ARMES ONT VOTE POUR VOTER ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 58, le 30 mai 2019

  • Heureusement qu'il n'y a pas eu de graves tricheries dans les élections parlementaires. Notre peuple a choisi en toute liberté ceux qui sont en place. Par conséquent, le défaut ne vient pas des dirigeants, il vaut mieux chercher du côté du peuple. Les composants de la population ont peur les uns des autres, ce qui les pousse au statu quo, et à l'espoir que ceux qui ont noyé le pays seraient les mieux à même de le sauver. Seul le temps nous dira si ce choix était le bon.

    Shou fi

    12 h 54, le 30 mai 2019

  • "...qui ont banni les chaines locales et leurs journeaux débilitants..." je me permets d'ajouter: surtout en cette période du Ramadan, avec leurs feuilletons sans saveur...truffés de pubs "spécial Ramadan"... Nous perdons chaque jour un peu plus l'espoir de pouvoir vivre dans un pays normal... Irène Saïd

    Irene Said

    12 h 02, le 30 mai 2019

  • ...""L’État fait de la « politique », spécule sur les futures élections, les alliances les plus profitables, les contrats publics les plus juteux aussi vides soient les caisses, ne soutient rien ni personne, et surtout pas les populations fragiles, les personnes âgées, les handicapés, les malades chroniques…"" Mais vous avez mille fois raison ! A toutes les questions, on ne répond qu’en termes de politique. Politique, notre sport national du mentir-vrai. Des experts pour l’économie, par exemple, ne sont nommés que sous la contrainte, pour être payés, sans être consultés. De la caricature ? Sinon, comment on en arrivé là… C.F.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    11 h 59, le 30 mai 2019

  • ..."un préposé au détachement des timbres (sans les déchirer), un autre au léchage de la vignette (sans déborder), un troisième à l’apposition du tampon (sans faire de tache)."" C'est pour quand des vignettes ou des timbres auto-collant ? Pour éviter les contagions ! C.F.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    11 h 44, le 30 mai 2019

  • Quelle analyse amère et sans concession de ce gouvernement pourri, heureusement que vous avez toujours les quelques lignes qui apaisent l'âme, Fifi.

    Christine KHALIL

    09 h 58, le 30 mai 2019

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