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Culture - À l’affiche

Ode à l’innocence et au temps retrouvé

Projeté dès ce soir au Metropolis Empire Sofil, « Yara », du réalisateur franco-irakien Abbas Fahdel, célèbre le temps qui s’égrène et qui s’étire. Ce temps qui nous permet d’observer les richesses du monde qui s’étalent devant nos yeux.

Michelle Wehbe et Élias Freifer : Dieu, que la montagne est belle ! Photo DR

À l’heure où l’on parle de « ne pas avoir le temps » ou de « perdre du temps », Abbas Fahdel retrouve ce temps, lui donne forme et le fait vivre avec douceur et plénitude dans son film Yara, sélectionné récemment au Festival de Locarno. Après Homeland Irak année zéro, le documentaire en deux volets sur le quotidien irakien avant la chute de Saddam Hussein et après l’invasion américaine en 2003, et après L’Aube du monde en 2008, le metteur en scène signe une œuvre sur la jeunesse (son 5e long-métrage) qu’il tourne au Liban et plus précisément dans la vallée de la Qadicha. « C’est un projet qui me tenait à cœur depuis longtemps, depuis mes études de cinématographie à la Sorbonne, confie-t-il. J’étais très inspiré par mon maître et mentor Robert Bresson, qui avait fait le portrait d’une jeune fille à la campagne dans Au hasard Balthazar en 1966. » À la recherche d’un coin isolé et à la demande du réalisateur, la productrice Nour Ballouk, qui devient par la suite sa femme, lui suggère ce lieu magique et sacralisé dans la montagne du Nord où ils s’installeront durant trois semaines pour les besoins du tournage. Chaque scène, chaque plan du film glorifie les heures qui passent.

La grâce du geste…

L’histoire de Yara est toute simple, authentique et sans aucune fioriture. Cette adolescente au regard innocent vit dans la montagne dans le nord du Liban, entourée d’une nature vierge, non souillée par l’homme, auprès de sa grand-mère (Mary Alkady). Elle a pour principale activité de nourrir les poules, les cochons, et faire sortir les chèvres. Mais on la voit souvent également étendre le linge qui sèche au gré du vent. Cette corde qui fait face à une montagne aux humeurs changeantes avec le temps et le climat est semble-t-il la limite avec le monde extérieur. Les seules visites qu’elle reçoit sont celles d’un petit garçon qui accompagne son père, lequel leur apporte des affaires et de la nourriture du village au flanc de la vallée. Yara ne se plaint pas de ce temps qui passe, mais semble se contenter de cette vie simple et proche de la terre. Elle porte un regard « propre » sur tout ce qui l’entoure. Ainsi, dans la scène où elle prend son bain et sort en petite serviette pour sécher à l’air libre, elle fait fi des ragots du village car elle ne comprend même pas les mauvaises intentions de tout un chacun. Yara ressemble aux jeunes filles de David Hamilton : évanescentes, mi-fleurs, mi-femmes.

… et l’éloquence du cœur

Un jour, la visite d’un jeune homme va bouleverser son petit monde tranquille. Émois d’un premier amour, sensations nouvelles ? La fille qui oscille entre âge d’enfant et âge adulte va découvrir des lieux non visités et nouveaux. Au tournant de sa vie, puisqu’elle ne réalise pas encore que son corps s’épanouit pour devenir celui d’une femme, elle va connaître les troubles du premier amour. L’action ou l’inaction évolue selon un rythme musical, « comme une respiration », précise Fahdel. « J’aime que mon film respire ou prenne le temps comme des battements du cœur. » Ce n’est certainement pas de naïveté qu’il s’agit, mais de vie. La vraie. L’authentique. Et la vie peut être violente, même dans ses grands silences : dans ce regard de grand-mère qui plonge dans le lointain de la montagne comme si elle s’adressait à ses morts, ou encore dans ce fusil planté au-dessus du lit de Yara, comme pour expliquer que sa vie n’a certainement pas été un long fleuve tranquille, mais qu’elle a été traversée par des drames certains.

Le casting, en partie constitué de personnes vivant dans cette région et non d’acteurs, est épatant. Michelle Wehbe (Yara) et Élias Freifer, les deux jeunes acteurs libanais originaires du Nord, y sont incroyables et surprennent par leur naturel. « D’ailleurs, signale le metteur en scène, l’actrice avait été choisie à partir d’un casting de trois cents jeunes filles. » Si certains reprochent au film qu’il ne se passe pas grand-chose, c’est parce que dans ce siècle, rares sont ceux qui sont attentifs aux longs silences éloquents, aux bavardages du cœur et à la grâce du geste. Tout ce qui fait la particularité de ce film à la fois simple et puissant.


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