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Déficit, dites-vous ?

Démocratie consensuelle oblige : qu’il s’agisse d’élections présidentielles, de formations de gouvernements ou même de cet outil indispensable à tout État qu’est un budget, notre pays est décidément un familier des accouchements difficiles. C’est donc avec soulagement, mais non sans appréhensions pour le suivi, que l’on voyait apparaître enfin hier, au Sérail, un premier filet de fumée blanche.


Depuis le temps que le gouvernement planchait sur la question, tout un chacun aura pu se familiariser avec la notion de déficit. D’autant plus facile à cerner est d’ailleurs celle-ci que toutes les fins de mois, nombre de ménages libanais, laminés par la cherté de vie, doivent bien constater que quoi qu’ils fassent, leurs dépenses dépassent invariablement leurs maigres rentrées. Sans doute les moins profanes d’entre nous peuvent-ils aussi faire la distinction entre déficit budgétaire et déficit public. Les plus à la page se feront même le plaisir de vous expliquer ce que sont une loi de finances, une loi de programmation, une dette publique ou encore un collectif budgétaire.


Mais à vrai dire, ce serait peine perdue. Ce sont d’autres genres d’explications qu’attend, qu’exige le simple citoyen. Car il ne comprend pas, le citoyen, comment diable on en est venu confier, à ceux-là mêmes qui ont cassé la baraque, la tâche de la rafistoler. Aux mêmes et mauvais gestionnaires celle de maximiser les recettes et de réduire les dépenses. Et aux corrompus celle, comble de l’ironie, de combattre la corruption.


Un exemple entre mille, c’est un crime prémédité contre la république, et en définitive contre le pays, que commettaient, il y a deux ans, les forces politiques acoquinées au sein du pouvoir, en édictant une substantielle hausse des traitements des fonctionnaires avant même d’en assurer le financement. L’électeur était ainsi caressé dans le sens du poil, et Dieu y pourvoirait. Sauf qu’il n’y a pas un dieu pour les naufrageurs d’États : récidivistes de surcroît, puisqu’ils s’empressaient, par clientélisme cette fois, d’embaucher à tour de bras, gonflant d’autant une administration déjà pléthorique.


Si l’heure des comptes a fini par sonner, c’était seulement sur injonction de la conférence internationale dite CEDRE. Et s’il a fallu une bonne vingtaine de réunions du Conseil des ministres et six mois de retard pour concocter un projet de budget, c’est bien parce que dans notre pays, l’art de gouverner se réduit, le plus souvent, à un partage du gâteau étatique dans ses dimensions politiques et confessionnelles certes, mais aussi et surtout matérielles : l’argent et le pouvoir se nourrissant l’un l’autre en un cercle particulièrement vicieux. Significatives sont les réserves de la France, marraine du mouvement international de soutien au Liban, quant à l’effort de transparence, jugé insuffisant, entourant le sulfureux dossier de l’électricité. Voilà d’ailleurs qui ne laisse présager rien de bon quand s’ouvrira un marché encore plus juteux, celui du pactole pétrolier et gazier dormant encore sous la mer…


D’ores et déjà, il se confirme que ce budget de commande, bruyamment placé sous le signe de l’austérité, n’est pas assez austère là où il le fallait le plus. Les responsables, en effet, se seront montrés plus soucieux d’optimiser la collecte des recettes étatiques que d’éradiquer le gaspillage, ce mot poli pour désigner les irrégularités.


Quant au fameux déficit, le vrai, cherchez-le ailleurs que dans le budget. C’est d’une atterrante pénurie de responsables éclairés, intègres, voués au bien-être du peuple comme à la santé du système, que souffre le plus notre pays.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Démocratie consensuelle oblige : qu’il s’agisse d’élections présidentielles, de formations de gouvernements ou même de cet outil indispensable à tout État qu’est un budget, notre pays est décidément un familier des accouchements difficiles. C’est donc avec soulagement, mais non sans appréhensions pour le suivi, que l’on voyait apparaître enfin hier, au Sérail, un...